Au quotidien

Y a-t-il un mode de vie proprement bavarois ? Y a-t-il des traits culturels qui différencient un Bavarois d’un Saxon ou d’un Rhénan ? L’histoire de l’Allemagne, fondamentalement dé-centrale, a participé indirectement à la formation d’identités plurielles, qui ont tendance à s’estomper aujourd’hui. Au quotidien, le mode de vie en Bavière est très similaire à celui des autres Européens. Le traditionnel petit-déjeuner bavarois – avec la triade saucisse blanche, bretzel et bière – est aussi iconique que le plat d’escargots en France, mais pas beaucoup plus fréquent. Le repas du soir, souvent froid et léger, est en Bavière similaire au reste de l’Allemagne ; on s’attable en général vers 18h30-19h pour manger un repas simple où l’on se contente bien souvent de quelques tranches de pain, de fromage et de charcuterie, avec une salade en accompagnement.

Un lieu populaire est emblématique de la sociabilité bavaroise : le Biergarten. Son équipement est rudimentaire : il suffit de quelques tables, de bancs pour s’asseoir, d'arbres pour fournir des coins d’ombre et de quelques rayons de soleil pour inviter à sortir de chez soi. On y vient aux beaux jours pour boire une bière au soleil et partager un repas simple. La très grande fréquentation de ces Biergärten force les gens à se tasser sur les bancs pour partager des tables, à entrer en discussion et échanger des idées avec de parfaits inconnus autour d’une bière. Le Biergarten, c’est l’immanquable rendez-vous estival : un lieu sans chichis, toujours dans une ambiance bon enfant où s’amusent et se désaltèrent des gens de tous les horizons. Vous n’y verrez jamais personne seule avec un livre en main. Le Biergarten, c’est un lieu de sociabilité.

La vie sociale bavaroise s’articule tout au long de l’année autour de célébrations qui rassemblent familles et amis. Le calendrier est en partie rythmé par les fêtes religieuses : Noël, Pâques sont des moments importants de l’année. La Fête-Dieu (Fronleichnam) est une célébrations qui, au printemps, anime les rues des villes catholiques. Mais ce sont les fêtes populaires et locales qui sont les plus fédératrices. A chaque ville, sa fête : l’Oktoberfest à Munich, le Plärrer à Augsbourg, etc. Toutes les occasions sont bonnes pour partager un moment ensemble.

Dans l’imaginaire collectif, les Bavarois portent la culotte de peau, les chaussettes blanc et vert remontées jusqu’aux mollets et le chapeau coiffé d’une touffe de poils de chamois, et les Bavaroises un chemiser blanc, un tablier et des nattes. En vérité, ces tenues traditionnelles sont plutôt rares au quotidien, mais elles sont beaucoup plus fréquentes dès lors qu’il y a quelque chose à célébrer : un mariage, un baptême ou bien sûr la Fête de la Bière. Historiquement, cette tenue n’est pas si ancienne. Maximilien II (roi de Bavière de 1848 à 1864) a compris le potentiel du costume traditionnel comme symbole national unificateur et a encouragé sa réintroduction, alors même que celui-ci avait presque disparu du paysage. Au XIXe siècle, le Lederhose et le Dirndl sont devenus des objets du quotidien en même temps que des attributs indissociables de la vie sociale bavaroise. Et c’est un véritable succès d’exportation dans le reste de l’Allemagne ! Vers 1900, le grand magasin berlinois Wertheim dispose de son propre rayon folklorique bavarois, dans lequel les touristes  - toujours friands d’exotisme - peuvent s'équiper avant leur départ en vacances pour le sud du pays. Ce folklore bavarois, qui s’impose durablement à l’ère industrielle, oscille lui aussi entre tradition et modernité. Aujourd’hui encore, la publicité touristique continue de puiser dans ce réservoir folklorique pour promouvoir la Bavière comme une terre riche en traditions. Ces images d’Épinal, façonnées à des fins touristiques, ont modelé durablement notre perception de l’identité bavaroise.

Qualité de vie

Quand on séjourne en Bavière, on est souvent frappé par la qualité du niveau de vie, par la propreté de l’environnement, par la tranquillité de ses villages et de ses villes et par le flegme naturel de ses habitants. Cette force tranquille que l’on observe en Bavière n’est pas sans lien avec son excellente santé économique. En 2021, la Bavière est le Land avec le plus faible taux de chômage : avec 3,6 %, la Bavière est bien en dessous de la moyenne fédérale (5,9 %). Son PIB (Produit Intérieur Brute), qui s’élève à 625 milliards d’euros (chiffres de 2019), la place parmi les États les plus riches de l’Union européenne (il est supérieur à celui de 22 pays européens). C’est dans une ville bavaroise – Ingolstadt – que sont versés les salaires les plus hauts d’Allemagne. Dans la ville d’Audi - pour un temps plein - le salaire mensuel moyen s’élève à 4 635 €. Pour l’ensemble de la Bavière, cette moyenne avoisine les 3 345 €, ce qui est au-dessus de la moyenne fédérale (3 209 €). Le secteur automobile est créateur d’emplois, tout comme le secteur des hautes technologies (micro-électronique, pharmaceutique, technologie énergétique, nanotechnologies, etc.). Les disparités de salaires sont assez flagrantes si l’on compare avec les Länder de l’est, tous en bas du classement des salaires moyens. Le plus faible salaire moyen est à chercher tout à l’est, dans la ville de Görlitz, frontalière de la Pologne. Avec un pouvoir d'achat par habitant d’environ 26 000 € en 2020, la Bavière prend la tête du classement, reléguant Hambourg, le leader des années précédentes, à la deuxième place.

Éducation en Bavière et en Allemagne

L’éducation en Allemagne est du ressort des États fédérés, si bien qu’il existe des différences entre ces différents Länder. Cependant, on peut citer quelques traits caractéristiques du système scolaire allemand dans son ensemble et quelques spécificités bavaroises. L’école est obligatoire à partir de l’âge de 6 ans et jusqu’à 13 ans. L’Allemagne affiche un taux d’analphabétisme inférieur à 1 %, figurant parmi les plus faibles du monde.

Entre l’âge de 3 et 5 ans, les parents peuvent choisir de placer leur(s) enfant(s) à l’école maternelle (Kindergarten). À l’âge de 6 ans, on entre à l’école primaire (Grundschule), et on y reste pendant quatre ans. Dès l’âge de 10 ans, l’élève devra faire un choix : s’orienter vers des études plutôt pratiques ou plutôt théoriques. D’un côté, la Hauptschule et la Realschule dispensent une formation pratique qui permettra de réaliser un apprentissage ou d’entrer dans une Berufschule (lycée professionnel). De l’autre, le Gymnasium (collège et lycée d’enseignement général) accueille les élèves avec les meilleures notes et les prépare à l’Abitur (équivalent allemand du Baccalauréat français ou de la Maturité suisse). Ce diplôme, obtenu par près de 50 % des jeunes d’une génération, permet ensuite d’étudier à l’université. Selon les Länder, les Allemands ne passent pas tous l’Abitur au même âge. Les Bavarois le passent en général vers l’âge de 18 ans. Par comparaison, les Bas-Saxons le passent en règle générale à l’âge de 19 ans.

Le rythme scolaire des élèves allemands est bien différent de celui de leurs voisins français. Les cours commencent tôt le matin et finissent en général en début d’après-midi, vers 14h ou 15h. Le temps libre est bien souvent consacré à l’épanouissement personnel de l’enfant, à travers des activités sportives, artistiques ou musicales. Quelle que soit la forme des études secondaires suivies, l’apprentissage d’au moins une langue étrangère est obligatoire. La première langue étrangère étudiée est généralement l’anglais. Ensuite, la langue la plus parlée est l’espagnol, en concurrence avec le français. Une spécificité du système scolaire allemand est le cours de religion. Deux heures de cours par semaine sont consacrées à son étude. Il est cependant possible de choisir à la place le cours d’éthique.

Des voix s’élèvent pour réformer le système scolaire et l’uniformiser au niveau fédéral. La Bavière, toujours en tête des classements fédéraux pour les excellents résultats de ses élèves, y est fermement opposée. Le ministère de l’Éducation (Kultusministerium) est attaché à conserver son autonomie en la matière et garde la possibilité de modifier programme et rythme scolaires au niveau régional. L’Abitur bavarois est réputé être le meilleur d’Allemagne. A l’inverse, Berlin et Brême sont souvent citées parmi les mauvaises élèves.

Côté enseignement supérieur, l’Allemagne compte un grand nombre d’universités renommées. La Bavière a onze universités publiques : Augsbourg, Bamberg, Bayreuth, Erlangen, Nuremberg, deux établissements à Munich (université Louis-et-Maximilien et université technique), Passau, Ratisbonne, Wurtzbourg, Eichstätt-Ingolstadt et Neuendettelsau.

Parité

Sur le chemin de la parité et de l’égalité hommes-femmes, l’Allemagne a engagé des efforts mais il reste de la marche à faire. Le machisme outre-Rhin n’y est peut-être pas aussi frappant que dans les pays latins, mais à y regarder de plus près, la société allemande garde à bien des égards des traits traditionnels et conservateurs. Cela est particulièrement évident dans le rapport à l’éducation des enfants. On attend des femmes bien plus que des hommes, qu’elles mettent leur carrière entre parenthèses pour s’occuper du nouveau-né. Les places en crèche sont toujours insuffisantes en Allemagne et c’est souvent la mère qui doit prendre un congé, parfois pendant plusieurs années, pour accompagner les premières années de l’enfant. Toutefois, de plus en plus d’Allemandes choisissent de concilier vie familiale et vie professionnelle et reprennent le travail quelques mois après l’accouchement. Le terme péjoratif de Rabenmutter (mère-corbeau) est employé pour désigner une mauvaise mère, une mère indigne : celle que l’on accuse de faire passer égoïstement sa carrière avant le bien-être de son enfant. Ce reproche - qui n’est jamais adressé aux pères - est largement répandu, dans toutes les classes sociales. Certains démographes voient même dans la stigmatisation des mères en Allemagne l’une des raisons de la très faible natalité outre-Rhin. En revanche, les remarques sexistes dans la rue sont moins manifestes en Allemagne que dans les pays latins et l’espace public est perçu par beaucoup comme plus sûr et plus inclusif.

En dépit de 16 années de chancellerie conduite par Angela Merkel, la politique allemande est toujours majoritairement menée par des hommes. Dans le Bundestag élu en septembre 2021, les femmes occupent un peu moins de 35 % des sièges. Actuellement, seuls 3 des 16 Länder sont dirigés par des femmes : Berlin, Mecklembourg-Poméranie occidentale et Rhénanie-Palatinat. Plusieurs partis politiques ont pris l’initiative d’introduire une stratégie de quotas pour favoriser la représentation des femmes dans leurs rangs : c’est par exemple le cas des Verts. Les Verts font au Bundestag figure d’exemple : 59 % des députés de leur groupe parlementaire sont des femmes.

L’avortement en Allemagne

L’Allemagne entretient une position assez ambiguë vis-à-vis de l'avortement. D'une part, l'IVG (Schwangerschaftsabbruch en allemand) a été dépénalisé en 1981, mais il reste de jure illégal. Et de facto, l’avortement n’est pas si simple. Le paragraphe 219a du code pénal allemand interdit la « publicité » sur l’IVG. Un médecin qui le pratique ne peut pas le renseigner sur son site Internet. Le faire, c’est s’exposer à des poursuites pénales. Nombreux sont les médecins qui préfèrent renoncer à proposer des interruptions de grossesse, par peur d’être la cible de mouvements anti-avortement. Une loi de 2019 a assoupli cette restriction de l’information. Mais pour obtenir des informations supplémentaires, par exemple sur la manière dont les avortements sont pratiqués, c’est le parcours de la combattante. Ainsi, il n’est pas toujours simple pour les femmes désirant avorter de savoir vers quel médecin se tourner pour mettre sereinement fin à une grossesse non désirée. Les conservateurs de la CDU sont opposés à l’abolition du paragraphe 219a, mais les trois partis politiques sortis vainqueurs des élections de septembre 2021 sont favorables à sa suppression. Il pourrait y avoir du changement sur le statut légal de l’avortement dans cette nouvelle législature.

Le mariage pour tous et les droits LGBTQ en Allemagne

Depuis 2001, il existait en RFA une union civile (eingetragene Partnerschaft) pour les couples de même sexe. Cette dernière a été purement et simplement supprimée après l’introduction du mariage pour tous (Ehe für alle) en 2017. Les partis conservateurs (CDU et CSU) y étaient opposés, mais les autres grands partis (SPD, Grüne, die Linke, FDP) y étaient favorables et militaient depuis longtemps pour son introduction. Le 30 juin 2017, le parlement allemand (Bundestag) vote à 393 voix contre 226 l’ouverture du mariage à tous les couples. Si la chancelière Angela Merkel a voté à titre personnel contre l’adoption de cette loi, tout porte à croire qu’elle a agi par tactique… pour que cette loi soit adoptée ! Les Verts, puis le SPD, le FDP et die Linke avaient annoncé que le mariage pour tous serait un sujet non-négociable pour une coalition avec eux après les élections à venir. Isolée sur ce sujet, la CDU décide de ne pas mener une bataille qu’elle ne peut pas gagner. Alors que le projet de loi est soumis à l’avis du Bundestag, Merkel permet aux députés de voter librement, sans consigne, et permet indirectement l’adoption du mariage pour tous. Cette nouvelle loi a été votée assez rapidement, sans provoquer de gigantesques manifestations en Allemagne, comme la France a pu les connaître avec la Manif pour tous. La grande majorité des citoyens allemands était favorable au changement de la loi. Les sondages de l’époque montrent que 82 % des citoyens allemands sont favorables au mariage pour tous. En 2017, l’Allemagne devient ainsi le 14e pays européen à accorder le mariage à tous les couples. Pour rappel, l’homosexualité était illégale et punissable jusqu’en 1968 en RDA et 1969 en RFA. La situation des LGBTQ change petit à petit en Allemagne. Après une décision du Tribunal constitutionnel de Karlsruhe – qui juge de la conformité des textes de lois avec la Loi fondamentale -, le Bundestag adopte en décembre 2020 une loi qui ajoute la mention « divers » sur les registres de naissance : depuis 2013, il n’était plus obligatoire de remplir l’une des deux cases « masculin » ou « féminin » mais cette option avait été jugée insuffisante par les juristes de Karlsruhe. Aujourd’hui, il existe donc trois options pour les actes de naissance.