Découvrez la Laponie finlandaise : Musiques et Scènes (Danse / Théâtre)

Au nord du nord, au-dessus du cercle polaire, là où les vastes étendues blanches croisent les forêts profondes, la présence humaine est naturellement raréfiée. Mais l’endroit est tout sauf désert et il n’y a pas que le vent sifflant entre les arbres ou le bruit de nos pas dans la neige à entendre. Non, il y a de la musique en Laponie. Et notamment celle des peuples originels de Finlande, Norvège ou Suède : les Sâmes. Ici leur héritage est incontournable et leurs traditions encore très vivaces. Chaque festivité est par exemple l’occasion de pratiquer et entendre le joik, chant poétique envoutant iconique de ce peuple. Outre la tradition musicale, la région propose quelques scènes conséquentes dans les grandes villes de chaque Laponie (Rovaniemi, Tromsø, Lulea). Les mélomanes pris d’une envie de concert ne se sentiront donc jamais abandonnés sur place.

La musique traditionnelle

L’expression musicale la plus importante des Sâmes est sans conteste le joik. Ce chant poétique monocorde s’apparentant à une longue complainte lancinante et envoûtante, faisait à l’origine partie de la religion animiste des Sâmes. Les missionnaires, en essayant de convertir les Sâmes au christianisme, l’associèrent au paganisme, donc au péché, et l'interdirent (ils furent jadis persécutés pour leur animisme). Parfois comparé aux chants des Amérindiens, le joik n’est pas une chanson au sens où nous l’entendons – ils ont peu ou pas de paroles, ne riment pas et n’ont pas de structure définie – mais plus une tentative d’exprimer l’essence d’un sujet sur un mode très personnel et spirituel. Les autres modes de chants sâmes s’appellent lavlu/laavloe et vuelie. Le laavloe est plus lyrique et poétique tandis que le vuelie est une chanson sur une personne ou un événement.

Si dans le courant du XXe siècle, le joik perdait l’affection du public, il a ces dernières années trouvé un intérêt renouvelé, quelques artistes lui offrant une seconde jeunesse. Parmi les plus remarquables, citons la Norvégienne Mari Boine, qui mêle les racines joik au folk-rock minimaliste, le Finlandais Wimme Saari qui apporte au joik ses propres improvisations ou encore Nils-Aslak Valkeapää, lui aussi finlandais et dont le joik a traversé toute l’œuvre écrite et chantée et dont la performance durant l’ouverture des Jeux olympiques de Lillehammer reste gravée dans les mémoires. C’est d’ailleurs lui qui est considéré comme l’auteur du premier enregistrement de joik en 1968 avec son album Joikuja. Citons aussi la suédoise Sofia Jannok dont la musique mélange folk, pop, jazz et joik, Ánde Somby, joiker illustre, Adjágas, groupe norvégien de joik qui joua à Glastonbury en 2007 ou Isák, trio d’électro-joik. Sans surprise, le joik a été aussi beaucoup associé à une autre spécialité scandinave : le metal. Des groupes tels que Sháman (devenu Korpiklaani) ont introduit du « joik metal » à la fin des années 1990, tirant un trait d’union entre heavy metal et éléments sâmes. Autant d’artistes qui sont, parfois, l’occasion d’entendre les instruments typiques des Sâmes comme le fadno, une flûte fabriquée à partir de tiges d’angélique ou le rhombe, dont le son naît en balançant l’instrument à l’aide d’une cordelette. Ces sonorités étranges, souvent assez hypnotiques, ont fasciné de nombreux musiciens baroudeurs du monde entier à la recherche d’expériences sonores. D'autres instruments sâmes se retrouvent ailleurs en Scandinavie, comme le lur, une trompe en forme de corne et le harpu, équivalent du kantele finlandais.  

En Laponie, il est courant d’entendre du joik durant des festivités religieuses comme Pâques ou le Jour de Marie (Marianpäivä). Cette dernière, prenant place le week-end de l’Annonciation fin mars, est célébrée depuis le XIVe siècle. Et si le caractère religieux de ce rassemblement s’est dissipé avec le temps, il continue de constituer un moment important pour les Sâmes de Finlande, Norvège et Suède, conviant aussi bien artisanat, concerts de chants sâmes que des courses de rennes et du lancer de lassos.

Le classique et le théâtre

Étant donnée la faible densité de la région, l’offre culturelle en Laponie est réduite à quelques pôles, comme Rovaniemi en Finlande, Tromsø en Norvège et Luleå en Suède. C’est ici que l’on trouve l’essentiel (si ce n’est la totalité) des concerts et des scènes de la région. C’est par exemple dans la première, capitale de la Laponie finlandaise, que l’on trouve la Maison Lappia, bel édifice, œuvre de l’incontournable Alvar Aalto, destiné à la fois au théâtre et aux concerts. On trouve un équivalent à Tromsø avec la KulturHuset, une maison de la culture ouverte et dynamique depuis les années 1980. Si aujourd’hui on y diffuse surtout des concerts, la scène est jusqu’au début des années 2000 le théâtre de la ville. Ce qui explique pourquoi est dressée devant l’édifice une statue d’Arthur Arntzen, le plus illustre auteur et dramaturge de Tromsø, célèbre dans tout le pays pour son personnage d’Oluf, devenu un des plus grands succès théâtraux du pays dans les années 1980. Depuis 2005, Tromsø a une nouvelle scène entièrement dédiée au théâtre, l’Hålogaland Teater, dont de nombreuses productions sont mises en scène dans les dialectes régionaux norvégiens. À Luleå, c’est le Kulturenshus qui occupe un rôle similaire. Ouvert depuis 2007, l’endroit abrite notamment l’office de tourisme, la bibliothèque municipale, une galerie d’art, un café́, un restaurant et une scène. Le lieu culturel en ville, assurément.

Si ces pôles concentrent l’essentiel de l’offre culturelle en Laponie, elles n’en ont pas le monopole pour autant et l’on trouve ici et là quelques évènements comme à Luosto en Finlande où se déroule chaque année, dans la première quinzaine d’août, Pyha Classic, quatre jours de musique classique installés dans l’amphithéâtre Aittakuru.

Le jazz, la pop et le rock

Si elle n’est pas un vivier pour la pop moderne, la région a quand même vu naître quelques artistes importants. C’est notamment le cas de Lordi, célébrissime groupe de métal masqué et loufoque de Rovaniemi, dont le monde entier se souvient de la victoire à l’Eurovision en 2006. C’est également le cas de Röyksopp, duo d’électro originaire de Tromsø et gros carton mondial du genre dans les années 2000. Côté jazz, si aucun musicien lapon a vraiment atteint une notoriété notable, citons tout de même l’album Legend of the Seven Dreams (1988) du saxophoniste Jan Garbarek, trempé des thèmes musicaux sâmes.

Pour un bon concert à Tromsø, l’adresse incontournable, c’est le Driv. Géré par des étudiants de l’université, l’endroit comporte trois scènes et se targue d’être un des plus dynamiques de Norvège. Les amateurs de jazz, quant à eux, ne manqueront pas le Kalott Jazz et Blues Festival de Tornio, l’évènement dédié au genre le plus important du nord du pays. À cette occasion, la musique envahit les parcs et les salles de concerts au moment du soleil de minuit, ambiance garantie !
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