Au nord-est de la ligne Damas-Alep se cachent des merveilles encore trop ignorées des visiteurs. Ici le voyage dans l'espace se double d'un voyage dans le temps. Une plongée dans la Syrie authentique, rurale et agricole. Autour de l'Euphrate, les terres représentent la principale source de revenus des familles. Blé, coton, maïs, les cultures varient selon les besoins du pays. Assises en tailleur ou courbées à l'équerre, les femmes sont les seules à travailler les champs. Lors de la pause du midi, vers 13h ou en fin de journée, des pick-up viennent les récupérer pour les ramener chez elles, scène surprenante d'une vingtaine de femmes, enturbannées, agglutinées debout à l'arrière d'un camion. Emprunter les routes secondaires, aujourd'hui en très bon état, permet de croiser de charmants villages de maisons de torchis, semblables à des construction de pâte à modeler. N'hésitez pas à vous arrêter pour visiter ces demeures. L'hospitalité des habitants de la région vous permettra de goûter au café arabe, une version sans cardamome du café turc. Si vous avez moins d'un centimètre au fond de votre tasse, ne pensez pas que vous avez écopé de la fin du breuvage, ici le café est très fort et donc servi en très petite quantité, une bonne manière de digérer la nourriture lourde de la région, dit-on. Dans ce bout de territoire, les paysages sont très colorés, par endroits les cultures verdissent, les canots d'irrigation quadrillent les champs et les villages fleurissent. Sur l'horizon, un bleu turquoise tranche avec l'azur du ciel. Celui des eaux de l'Euphrate, fleuve millénaire et sacré, cité à vingt-une reprises dans la Bible.

"Une croisière idéale emprunterait l'Euphrate peu après sa source dans les hautes montagnes d'Anatolie, et traverserait la Syrie avant de se jeter dans le golfe Arabo-Persique. Un parcours de 2 800 km à travers des espaces immenses et arides où, sans l'eau du fleuve, il n'y aurait aucune vie possible. Les eaux d'un bleu profond de l'Euphrate, semblable au Nil nourricier, sont enlacées par de longs rubans verts. Ses rives sont un véritable don du ciel pour la culture et un véritable paradis pour les oiseaux. La puissance du fleuve est source d'énergie : le barrage construit en amont de Raqqa alimente une véritable mer intérieure et produit une part de l'électricité du pays (voir aussi " Survol du pays "). Les berges de l'Euphrate, voie historique de communication et frontière naturelle, abritent d'exceptionnels vestiges des civilisations passées. L'antique Mari, Doura-Europos la Séleucide, Halabiyé la Byzantine, Raqqa l'Abbasside, ainsi que les châteaux de Najim, Jaber et Rahba y dressent encore leurs silhouettes et voient leur beauté renforcée par la proximité du fleuve. Isolées du reste du pays par le désert, les agglomérations modernes de Raqqa, Deir ez-Zor et Abou Kamal attirent dans leurs souks animés des populations de Bédouins et de paysans aux costumes colorés. Tout en se transformant lentement sous l'effet de l'évolution des techniques, leurs modes de vie doivent encore beaucoup aux traditions. Pour approfondir ses connaissances sur la vie autour de l'Euphrate et le mode de vie bédouin, une visite s'impose au musée de Deir ez-Zor. On y recueillera des explications claires et vivantes qui apportent un éclairage précieux."

A lire : Euphrate, le pays perdu, H. Fontaine, Actes Sud, 2000.

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