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Corruption politique dans les Baléares et débats linguistiques

Premier président du gouvernement autonome des Baléares (effectif depuis 1963), Gabriel Cañellas Fons (droite) est contraint en 1995, après maintes réélections à ce poste, de démissionner. Il est en effet impliqué dans une vaste affaire de corruption dans laquelle une bonne partie de la classe politique est mouillée. S'ensuit une alternance politique entre le socialisme de Francesc Antich i Oliver et le Parti populaire, jusqu'à ce qu'un nouveau scandale de corruption éclate en 2010 (Palma Arena), où cette fois-ci des dirigeants de gauche sont impliqués. Le président socialiste doit alors se séparer d'une partie de son soutien, mais ce ne sera pas suffisant pour asseoir sa position et c'est la droite qui l'emporte l'année suivante, année au cours de laquelle le gendre du roi d'Espagne Iñaki Urdangarin se trouvera compromis dans une affaire de détournement de fonds publics, l'affaire Babel, dérivée de celle de Palma Arena.
Au cours des années qui suivirent la crise systémique mondiale de 2008, les ravages économiques n'épargnent pas l'Espagne, et les Baléares encore moins. L’emploi dans l'archipel étant très saisonnier, en hiver, la situation se dégrade, Formentera se distinguant par un rythme de travail calqué sur l’arrivée des touristes. A ce problème économique s'ajoute celui de la réforme du système éducatif : le gouvernement de José Ramón Bauzá décide de remplacer l'usage du catalan dans les écoles des Baléares par l'anglais, créant un profond malaise social sur l'île. La réforme est finalement annulée à l'automne 2014 et la ministre de l'Education Juana Maria Camps est démise de ses fonctions. De nombreuses manifestations s'ensuivent en faveur de la démission de Bauzá. Depuis, la politique linguistique occupe une place prépondérante dans les débats politiques. En 2016, le gouvernement de Francina Armengol avait fait du catalan une condition obligatoire pour accéder à un poste de fonctionnaire régional. En 2018, un décret a même été mis en place faisant du catalan un prérequis pour travailler dans les hôpitaux publics des Baléares. Une mesure qui a provoqué l'indignation des services de santé et le départ de certains médecins étrangers, alors même que le système de santé actuel souffre d'un sous-effectif.

Un tourisme à maîtriser sur une île fragile

Si l'agriculture et la pêche, secteurs traditionnels de l'économie de Formentera, continuent d'occuper une petite part de la population, le tourisme représente désormais l'immense majorité du PIB de la petite île. Si ce sont les hippies qui les premiers ont débarqué sur Formentera lorsque l'Espagne a commencé à s'ouvrir vers l’extérieur dans les années 1960, le tourisme a plus tard gagné en importance et commencé à entamer la silhouette de l'île. Dans les années 1960, Formentera n'abritait que deux pensions. Elle comptait plus de 2 500 lits pour les visiteurs en 1980 et 2 000 de plus 15 ans plus tard ! Fort heureusement, des lois sur les constructions ont permis de freiner cette fièvre immobilière, préservant les paysages de barres d'immeubles sans charme. Toutefois, si l'on vivait avec trois francs six sous il y a 50 ans sur Formentera, ce n'est plus aujourd'hui le cas, et loin s'en faut. La clientèle fortunée en quête d'exclusivité représentant une belle frange du tourisme, les tarifs aussi bien du logement que de l'alimentation ont la fâcheuse tendance à atteindre des altitudes frôlant l'obscène en été ! De fait, les écarts de richesse entre les visiteurs et les travailleurs saisonniers sont tels qu'ils ont tout d'une caricature. Ils sont pourtant nombreux les travailleurs touchant un SMIC à vivre au milieu des yachts et des villas de luxe...
Autre conséquence néfaste du tourisme massif sur Formentera, l'impact écologique. De par son statut d'île, Formentera est fortement dépendante des importations, aussi bien en eau qu'en aliments et autres produits de consommation courante. Pour pouvoir supporter la forte fréquentation estivale de l'île, le gouvernement est contraint d'augmenter le rythme des importations. Conséquence directe : une augmentation de la production de déchets, engendrant elle-même une pollution des mers et des sols. Rappelons que la zone marine qui sépare Ibiza de Formentera est une zone protégée par l'UNESCO en raison du fait que ses fonds sont tapissés de posidonie, une plante super productrice d'oxygène. Les 700 km² de ces prairies sous-marines sont par ailleurs un sanctuaire pour de nombreuses espèces marines menacées. Or, c'est précisément ce tronçon qu'empruntent les ferries de passagers et autres embarcations d'approvisionnement, et ce de manière continue du matin au soir pendant les mois d'été.
Côté pollution automobile, en 2021, les pouvoirs publics de l'île ont décidé de limiter légalement le nombre de véhicules circulant en été. Le nombre de voies cyclables a par ailleurs été multiplié : les routes reliant les principaux bourgs de l'île ont en effet été équipées de couloirs réservés aux vélos. Les « via verde » ont également élargi leur réseau : une trentaine de ces voies adaptées aux bicyclettes et traversant des zones naturelles émaillent à présent le territoire de Formentera. A noter également qu'il est désormais possible de louer des vélos électriques dès le débarquement du ferry à La Savina, et les bornes de recharges électriques sont en libre-service. Autant d'initiatives écologiques encourageantes, toutefois constamment en prise avec des enjeux d'ordre économique.
Autre enjeu écologique pas directement lié au tourisme, mais toutefois conséquent à l'abandon des métiers traditionnels de Formentera : la raréfaction des espèces d'oiseaux migrateurs. L'île abrite dans sa partie nord deux vastes étangs – l'Estany Pudent et l'Estany des Peix –, haut lieu de transit pour de nombreux oiseaux. 200 espèces migratrices sont habituellement observées par ici en raison de la présence des salines, l'un des rares écosystèmes aménagés par la main de l'homme ayant un impact favorable sur la biodiversité. Le tourisme ayant peu à peu gagné les faveurs des habitants au détriment de l'exploitation du sel, on constate une diminution de cette biodiversité ces dernières années. Il semblerait toutefois que des projets de réhabilitation des salines de Formentera soient à l'étude.