Découvrez le Nord : Les enjeux actuels

Avec la Chine, la Corée du Nord, le Laos et Cuba, le Viêt Nam figure parmi les cinq derniers pays communistes, un groupe pas si discret qui rassemble un quart de la population mondiale. Au centre de Hanoi, une statue de Lénine a résisté à toutes les vicissitudes de l’Histoire. Grosse bête docile, elle se laisse escalader par les gamins intrépides. Le Viêt Nam, un anachronisme ? Un pays fossilisé ? Les jugements hâtifs sont immédiatement démentis par la vigueur des taux de croissance. Comme ces nouveaux matériaux qui réunissent des propriétés antagonistes, le Viêt Nam combine dogmatisme du système politique et pragmatisme économique. Au milieu des années 80, le pays s’est engagé dans le Doi moi, le Renouveau, une réorganisation économique majeure fondée sur le développement du secteur privé et l’appel au capital étranger. Le Viêt Nam figure aujourd’hui parmi les économies les plus dynamiques du monde et, malgré de nombreuses incertitudes, les perspectives demeurent très optimistes quant aux prochaines années.

Structure étatique

À la tête du pays, une troïka, composée du président de l'État, du secrétaire général du Parti communiste vietnamien (PCV) et du Premier ministre. Le président de l'État est M. Vo Van Thuong depuis le 2 mars 2023, qui a gardé M. Pham Minh Chinh comme Premier ministre. M. Nguyên Phu Trong (né en 1944), dont la santé est chancelante, occupe toujours le poste de secrétaire général du Parti.

Le système politique vietnamien repose sur la primauté du PCV qui compte près de 5 millions de membres, soit une fraction extrêmement restreinte de la population. Chaque instance de l’administration et du pouvoir est doublée d’un organe du Parti. L’imbrication du Parti et de l’État est telle qu’il n’existe pas de véritable séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Réuni tous les 5 ans, le Congrès du PCV rythme la vie politique du pays. Le 13e congrès du PCV s’est tenu à Hanoï du 26 au 28 janvier 2020. À cette occasion, les délégués ont voté pour renouveler le Comité central (200 membres) qui, à l’issue de tractations conduites à huis clos, a élu le Bureau politique (19 membres) et le secrétaire général.

Le Bureau politique du PCV est dans les faits l’instance dirigeante du pays. Il intervient sur tous les grands dossiers et confie au gouvernement la gestion opérationnelle de ses orientations.

L’Assemblée nationale, élue pour 5 ans au suffrage universel direct (les candidats sont à une majorité écrasante membres du PCV !), est l’organe suprême de l’État. Le président de l'État et le Premier ministre sont élus par l’Assemblée nationale. Celle-ci est actuellement présidée par M. Vuong Dinh Huê depuis mars 2021.

Avec à sa tête le Premier ministre, le gouvernement a la charge de l’unification de la politique économique et sociale du pays, de l’administration du pays dans le respect de la Constitution et des lois.

Dissidence et répression

Les arrestations d’opposants au régime et les détentions sans jugement sont monnaie courante. Les rapports produits par Amnesty International, Reporters sans Frontières ou Human Rights Watch sont sans équivoque quant à l’intensification et à la dureté de la répression. Si une opposition politique ne peut se structurer ouvertement, Internet a cependant permis l’éclosion de nombreux blogs, de forums de débats et de réseaux sociaux qui témoignent des capacités de mobilisation de la société civile sur certaines problématiques. Les enjeux environnementaux sont les plus préoccupants, en termes de santé publique (pollution atmosphérique...) et de sécurité humaine (sûreté alimentaire, contamination par les pesticides). Le gouvernement répond par une intensification de la répression contre les blogueurs, mais il est également contraint de « négocier » et de composer avec l’opinion qui sait s’appuyer sur des relais internationaux. Cela se traduit par une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux, sinon dans la mise en œuvre des politiques publiques, du moins dans le discours officiel.

Tensions géopolitiques

L’expansionnisme chinois en mer de Chine méridionale (mer Orientale pour les Vietnamiens) inquiète les autorités de Hanoi, d’autant plus que, comme les problèmes environnementaux, il est susceptible de cristalliser un mécontentement généralisé et de mobiliser la population sur les réseaux sociaux et dans la rue. Ces dernières années ont vu le pays secoué par de violentes manifestations et émeutes anti-chinoises. Le Viêt Nam ne cesse donc de se rapprocher des États-Unis, tout en sachant pertinemment qu’il ne peut s’éloigner de la Chine dont il doit ménager les susceptibilités. En juillet 2015, le secrétaire général du Parti communiste vietnamien, M. Nguyên Phu Trong, avait été accueilli par le président Obama à la Maison blanche. En mai 2016, la visite officielle du président des États-Unis au Viêt Nam a marqué une nouvelle étape du rapprochement entre les deux pays. Les présidents Clinton et George W. Bush s’étaient déjà rendus au Viêt Nam. Mais lors de sa visite de trois jours (22-25 mai), le président Obama a reçu à Hanoi comme à Hô Chi Minh-Ville un accueil extraordinairement chaleureux de la population. Au bilan de cette visite, et toujours avec la menace chinoise en perspective, on note l’annonce par le président des États-Unis de la levée totale de l’embargo sur les armes létales. L’élection de Donald Trump en 2016 n’a pas marqué d’inflexion notable dans cette tendance au rapprochement. Le président D. Trump s’est rendu deux fois au Viêt Nam, en novembre 2017 et en février 2019, lors du sommet avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. En 2018, James Mattis, le secrétaire à la Défense américain, avait quant à lui effectué deux visites au Viêt Nam. Le 10 septembre 2023, le président américain Joe Biden se rend à Hanoi dans l'espoir d'affaiblir l'influence de la Chine en Asie.

Situation économique

L’économie vietnamienne s’est ouverte à partir de la fin des années 80, lorsque, avec la mise en œuvre de la politique dite du Doi moi, le Renouveau, les dirigeants vietnamiens décident de tourner le dos à l’économie planifiée. Le succès est spectaculaire. Confronté à la pénurie alimentaire dans les années 80, le Viêt Nam est aujourd’hui un poids lourd de l’agriculture mondiale. Avec l’Inde et la Thaïlande, il se classe dans le trio de tête des exportateurs mondiaux de riz. Il est également le premier producteur et exportateur mondial de poivre et le second exportateur mondial de café. L’extrême pauvreté est passée de 50 % en 1990 à moins de 2 % aujourd’hui. Depuis 2010, le Viêt Nam a accédé au statut de pays à revenu intermédiaire. Avec une croissance du PIB qui atteignait +5,05 % en 2023, le Viêt Nam s’affiche comme l’une des économies les plus dynamiques du monde. Cette croissance est essentiellement soutenue par le commerce extérieur. Le Viêt Nam est considéré comme l’atelier de l’Asie-Pacifique et on peut dire qu’aujourd’hui, nous avons tous quelque chose de vietnamien : depuis 2012, les téléphones et leurs accessoires sont devenus l’un des principaux postes d’exportation du Viêt Nam. Le pays se classe parmi les 5 premiers producteurs mondiaux de chaussures et de produits en cuir et parmi les 5 premiers exportateurs mondiaux de textiles. Près de 80 % des processeurs Intel pour ordinateurs de bureau sont fabriqués au Viêt Nam. Cette internationalisation est le fruit d’une politique volontariste d’ouverture et d’intégration commerciale. Le Viêt Nam a fait preuve d’un véritable engagement pour libéraliser les échanges au cours de ces dernières années. Le pays est membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis 2007 ; de l’ASEAN Economic Community depuis fin 2015 ; de l’Accord global et progressif pour un partenariat transpacifique (TPP-11), entré en vigueur en décembre 2018 ; et de plusieurs accords de libre-échange, dont l’un signé en 2019 avec l’Union européenne et qui doit encore être voté par le Parlement européen pour entrer en vigueur. Cependant, si les succès enregistrés dans le passé sont indéniables, le pays doit désormais faire face à de nouveaux défis. La montée en gamme progressive de l’économie est essentielle pour maintenir la compétitivité vietnamienne. Les finances publiques, dégradées par une augmentation rapide de la dette au cours des dernières années, doivent être assainies. À plus long terme, le Viêt Nam devra également affronter les conséquences du vieillissement rapide de la population et celles de sa vulnérabilité au changement climatique. Le Viêt Nam, pays en forte croissance économique, doit définir un mix énergétique optimal. La part importante encore accordée au charbon ne paraît pas propice à la protection du climat. Le gaz naturel, ressource abondante au Viêt Nam, pourrait cependant assurer un développement énergétique rapide tout en permettant une limitation des émissions de gaz à effet de serre sur le long terme. Enfin, la gouvernance demeure le principal obstacle à une véritable clarification des perspectives, avec le monopole du Parti communiste sur la vie politique, économique et sociale du pays, qui contrarie l’avènement de l’état de droit et fait le lit de la corruption.

Le secteur pétrolier et gazier

L’exploitation des ressources d’hydrocarbures du pays a joué un rôle important dans la croissance vietnamienne. La vente de pétrole et de gaz a contribué en moyenne à 25 % des ressources de l’État au cours des trente dernières années. Les exportations de pétrole brut constituent une source considérable de devises, permettant de constituer des réserves de monnaies fortes. Le premier gisement exploité par le Viêt Nam date de 1986. Les gisements sont principalement situés offshore, au large de Vung Tau dans le sud du pays. L’exploitation de certains bassins est suspendue du fait des litiges de souveraineté en mer Orientale. Les réserves prouvées de pétrole et de gaz du Viêt Nam se situent respectivement à 4,4 milliards de barils et 600 milliards de m3, ce qui représente de confortables réserves d’hydrocarbures et 0,3 % des réserves prouvées mondiales. Faute de capacités de raffinage suffisantes, le Viêt Nam exporte du pétrole brut et doit importer du pétrole raffiné, plus cher. Le développement d’infrastructures de traitement (raffineries, complexes pétrochimiques…) est donc une priorité du gouvernement. Concernant le gaz, en raison de l’absence de réseau et de terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) il n’existe pas d’échanges internationaux. Mais la production et la demande devraient fortement augmenter, car pour répondre à la demande croissante en électricité, le Viêt Nam a fait le choix de s’appuyer en partie sur le gaz comme source d’énergie. Deux ports de GNL sont en cours de développement. Les ressources minières constituent un autre atout de taille pour le pays : réserves de bauxite ; de terres rares, utilisées dans les produits de haute technologie et dans l’industrie bas carbone ; de nickel, utilisé dans les batteries des véhicules électriques… Leur exploitation nécessite par ailleurs de trouver un juste équilibre entre valorisation de ces richesses et respect de l’environnement.

Place du tourisme

Le secteur du tourisme est une des priorités du gouvernement vietnamien et il apparaît dorénavant comme un puissant levier de croissance. Sa contribution au PIB ne cesse d’augmenter, de 6 % en 2014 à plus de 11 % en 2018, et une prévision de 6,4 % en 2024. Depuis 2010, le nombre de touristes internationaux a triplé, passant de 5 millions à plus de 15 millions en 2018. La pandémie a contraint le pays à fermer ses frontières aux visiteurs étrangers. En 2023, plus de 12,6 millions de touristes étrangers ont visité le Viêt Nam. Les prévisions sont optimistes avec les extensions de validité des différents visas, et le pays attend plus de 17 millions de visiteurs étrangers en 2024. D’où sont originaires les touristes qui visitent le Viêt Nam ? Par ordre décroissant : de Corée du Sud (près de 3,6 millions de visiteurs), de Chine (1,7 million), de Taiwan, des États-Unis, du Japon, de Thaïlande, de Malaisie, du Cambodge, d'Inde et d'Australie... En 2023, le marché asiatique représentait donc plus de la moitié de la demande touristique totale du Viêt Nam (la clientèle française, avec 215 510 touristes en 2023, représente moins de 2 % de cette demande) et les professionnels s’interrogent sur les conséquences de cette dépendance, sur les adaptations qu’elle suscite et sur l’offre qui en résultera. Sera-t-elle compatible avec le goût des clientèles du Japon, de l’Amérique du Nord et de l’Europe ? En 2023, chaque visiteur étranger dépensait en moyenne 673 dollars US pour un séjour au Viêt Nam (contre 1 503 dollars US en Thaïlande). Le Viêt Nam ne s’est pas encore positionné comme une destination phare pour le shopping ou le divertissement, ce qui a une incidence évidente sur les recettes engendrées. Les autorités vietnamiennes admettent par ailleurs certaines lacunes qui contraignent la croissance du secteur : faible qualité des services et des infrastructures, ressources humaines insuffisantes, accidents de la circulation, etc. Elles n’ont pas encore remis en cause un modèle qui a conduit à la dégradation de certains des plus beaux sites naturels ou à la « bétonisation » du littoral livré à la spéculation foncière.

La France au Viêt Nam

De la prise de Danang (1858) à la chute de Diên Biên Phu (1954), les relations franco-vietnamiennes gardent l’empreinte d’un passé riche et tumultueux. La visite du président Mitterrand au Viêt Nam en 1993 a donné à la relation bilatérale une nouvelle impulsion. La France est un partenaire privilégié du Viêt Nam et son principal interlocuteur en Europe. En septembre 2013, lors de la visite en France du Premier ministre vietnamien, M. Nguyen Tan Dung, les deux pays ont signé une déclaration de Partenariat stratégique, qui a pour objectif le renforcement de la relation bilatérale dans la durée et dans toutes ses dimensions, en particulier politique, économique, de développement, de défense, culturelle et de gouvernance. Les relations politiques sont rythmées par des rencontres régulières à haut niveau. Du côté français, quatre visites présidentielles au Viêt Nam (F. Mitterrand en 1993 ; J. Chirac en 1997 et en 2004 ; F. Hollande en septembre 2016) ; visite du Premier ministre F. Fillon en novembre 2009 ; visite du Premier ministre E. Philippe en novembre 2018. Le secteur éducatif est une composante importante de la relation. La France accueille chaque année plus de 6 000 étudiants vietnamiens. En matière de santé, la coopération entre la France et le Viêt Nam a permis de former, depuis le début des années 1990, plus de 2 500 médecins et spécialistes. Sur le plan économique, la France est historiquement parmi les plus grands donateurs bilatéraux du Viêt Nam après le Japon, avec près de 2 milliards d’euros d’engagement de l’Agence française de Développement (AFD) depuis 1994, ayant bénéficié à 30 millions de personnes, soit près d’un Vietnamien sur trois. Parmi les grandes marques françaises implantées au Viêt Nam : BNP Paribas, Total, Schneider Electric, Alstom Grid, Renault, Peugeot, Technip, Schneider Electric, Sanofi… Plus de 300 entreprises françaises sont présentes au Viêt Nam sous la forme de sociétés, bureaux de représentation ou co-entreprises (environ 26 000 emplois). Les relations commerciales n’ont pas encore donné la mesure de leur potentiel. La France achète aujourd’hui au Viêt Nam 4 fois plus qu’elle ne lui vend : sur l’année 2022, la balance commerciale est déficitaire de 5,7 milliards d’euros. Les exportations restent concentrées sur trois secteurs qui représentent plus de 50 % du total : pharmacie, chimie et agroalimentaire. Les exportations dans l'aéronautique sont en baisse constante depuis 2021. Les importations françaises depuis le Viêt Nam se concentrent quant à elles sur deux secteurs : l’électronique (téléphones pour l’essentiel) et le textile-habillement. L’accord de libre-échange Union européenne-Viêt Nam, qui doit encore être ratifié par le Parlement européen, devrait permettre aux entreprises françaises, en particulier les PME, d’accéder dans des conditions optimales à un marché de plus de 98 millions d’habitants et en forte croissance. En 2023, la communauté française au Viêt Nam comptait 7 496 personnes inscrites au registre des Français de l’étranger, soit le groupe le plus important d’expatriés européens. Le nombre de Français non-inscrits au registre étant estimé entre 25 et 30 %, on peut considérer que l’ensemble de la communauté française au Viêt Nam avoisine les 10 000 personnes.

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