Découvrez le Nord : Population

Au cours des dernières décennies, le Viêt Nam a connu une croissance démographique spectaculaire, avec un quasi-doublement de la population : 52,5 millions d’habitants en 1979 ; 64,4 millions d’habitants en 1989 ; 76,3 millions d’habitants en 1999 et 85,8 millions d’habitants en 2009. Selon le dernier recensement, au 1er avril 2019, à minuit, heure locale, le pays comptait 96 208 984 habitants, un poids démographique qui le plaçait en 3e position en Asie du Sud-Est (derrière l’Indonésie et les Philippines) et au 15e rang mondial (avec 65,1 millions d’habitants, la France se classe au 22e rang). Le cap des 100 millions d’habitants a été dépassé en 2023. Cette forte augmentation ne doit pas masquer la tendance de fond qui est celle d’un ralentissement constant du taux de croissance démographique vietnamien depuis les années 90, lié au désir de plus en plus marqué de nombreux couples de limiter à deux le nombre de leurs enfants.

Ho Chi Minh, ville la plus peuplée du Viêt Nam © holgs - iStockphoto.com.jpg

Un contexte de faible fécondité

La baisse de la fécondité constitue l’un des traits les plus marquants de l’évolution démographique vietnamienne au cours des dernières décennies. Le recensement de 1989 indique que chaque femme en âge de procréer (15-49 ans) avait en moyenne 3,8 enfants, mais ce taux n’était plus que de 2,3 enfants au recensement de 1999, et 2,03 enfants au recensement de 2009, puis 1,97 enfant au recensement de 2019, soit un taux inférieur à celui nécessaire au renouvellement des générations (2,1 enfants par femme). On relève cependant de fortes disparités entre provinces et groupes ethniques. Si à Hô Chi Minh-Ville, le taux de fécondité s’établit en moyenne à 1,45 enfant par femme (2015), il reste élevé dans les régions montagneuses du nord/nord-ouest et des hauts plateaux du Centre (3,1 à Ha Giang, 2,9 à Gia Lai). Certains groupes ethniques restent également à des niveaux très élevés, notamment les Thaï (2,3 enfants par femme) et les Hmong (4,9 enfants par femme). La faible fécondité a été encouragée par différentes politiques de planification familiale mises en place depuis plus de 50 ans et qui ont promu une taille de famille réduite avec un ou deux enfants par couple. Le contrôle démographique au Viêt Nam n’a cependant pas eu recours à des moyens aussi coercitifs que ceux qui ont été mis en œuvre dans le cadre de la politique de l’enfant unique en Chine. La norme d’une famille restreinte s’est désormais enracinée chez les couples vietnamiens dans un contexte économique où l’éducation des enfants devient de plus en plus coûteuse. La contraception est largement répandue et le stérilet est la méthode la plus utilisée. Le Viêt Nam a cependant l’un des taux d’avortement les plus élevés au monde, en particulier chez les adolescentes, en raison de la persistance du tabou sur la sexualité prémaritale et du manque d’éducation sexuelle.

Le vieillissement de la population

Selon l’ONU, le vieillissement de la population correspond à la période au cours de laquelle les personnes âgées de plus de 65 ans passent de 7 % de la population à 14 %. Au Viêt Nam cette phase aurait débuté en 2015 et prendrait fin en 2035. En vingt ans, donc, le pays basculera d’une société vieillissante vers une société âgée. À titre de comparaison, cette transition s’est faite en 115 ans en France (1865-1980). La baisse du taux de natalité et de mortalité ainsi que la hausse de l’espérance de vie moyenne sont les raisons pour lesquelles le nombre de personnes âgées augmente plus rapidement que celui des autres classes d’âge de la population. Ce vieillissement accéléré intervient au moment où le pays se situe encore à un stade précoce de son développement. Le gouvernement va devoir investir dans des infrastructures et des systèmes de soins destinés aux personnes âgées alors même que certains besoins de base pour la population en général ne sont pas encore satisfaits. La contrainte du vieillissement, officiellement constatée en 2011, a incité le gouvernement à réviser la politique démographique et à assouplir les mesures de planning familial, en rendant aux familles la liberté de décision quant au nombre d’enfants qui leur convient.

La masculinisation des naissances

Depuis 2006, on observe une forte augmentation de la proportion des naissances masculines en raison d’une sélection sexuelle prénatale. En 2022, le rapport s’établissait à plus de 111,7 naissances de garçons pour 100 naissances de filles contre 106,2 garçons pour 100 filles en 2000. En accusation, un effet collatéral de la banalisation de l’accès aux échographies qui seraient utilisées comme mode de sélection du sexe de l’enfant. Officiellement, l’avortement sélectif basé sur le sexe du fœtus ne fait pas partie des traditions vietnamiennes et l’Assemblée nationale a adopté des mesures législatives contre cette pratique encore mal documentée. Le gouvernement a annoncé un plan afin de lutter contre le déséquilibre des sexes et ramener le ratio à 107 garçons pour 100 filles d’ici 2025.

Selon un dicton vietnamien, « si tu as un fils alors tu as un descendant ; mais tu ne peux pas en dire autant, même en ayant dix filles ». Les valeurs patriarcales issues du confucianisme demeurent prégnantes dans la société vietnamienne même si le confucianisme tel qu’il a été adopté au Viêt Nam se distingue du modèle chinois : la tradition vietnamienne a toujours accordé une certaine liberté aux femmes, qui bénéficiaient notamment du droit de propriété et d’un statut égal dans la répartition de l’héritage. Un couple privé d’héritier mâle peut ainsi en adopter un ou transmettre la charge du culte des ancêtres (la part de l’encens et du feu) à la fille aînée qui l’assumera dans son nouveau foyer.

Un des pays les plus denses du monde

Le Viêt Nam figure parmi les pays du monde qui présentent les plus hautes densités de population. Selon le recensement de 2019, il y aurait en moyenne 290 habitants/km² (contre 259 habitants/km² en 2009). La densité moyenne ne rend cependant pas compte de l’inégalité dans la répartition de la population. Le delta du fleuve Rouge et le delta du Mékong (région sud-est) enregistrent les plus fortes densités, respectivement 1 060 habitants/km² et 757 habitants/km². Dans les deux villes les plus peuplées du pays, on compte 2 398 habitants/km² à Hanoi et 4 363 habitants/km² à Hô Chi Minh-Ville. Les espaces de faible densité sont situés dans les zones montagneuses du nord (132 habitants/km²) et les hauts plateaux du Centre (107 habitants/km²).

La révolution urbaine

Selon le recensement de 2019, la population vivant dans les villes atteignait 33 059 735 de personnes, soit 34,4 % de la population totale (+4,8 % par rapport à 2009) et celle vivant dans les campagnes 63 149 249 de personnes, soit 65,6 % de la population totale. Le taux de croissance annuel moyen de la population urbaine sur la décennie 2009-2019 s’élevait à +2,62 %, soit près de six fois celui de la population rurale (+0,44 %). Ce processus d’urbanisation, qui s’inscrit dans le cours de la modernisation et de l’industrialisation du pays, n’est pas sans poser de nombreux problèmes : environnement, gestion de l’exode rural, insuffisance des infrastructures...

Ethnies du Viêt Nam

La République socialiste du Viêt Nam se définit comme un État multinational et reconnaît 54 ethnies différentes. Selon les résultats du dernier recensement (2019), les Viêt (ou Kinh) représentent 85,3 % de la population totale. Les 53 autres ethnies minoritaires, très diversifiées, regroupent donc 14,7 % de la population, soit plus de 14 millions de personnes. Seules cinq ethnies minoritaires recensent plus d’un million de représentants : les Tay, les Muong, les Khmer Krom, les Hmong et les Nung. Certaines ethnies, telles les Brâu (dans la province de Kontum) et les O Du (dans la province du Nghe An), ne comptent que quelques centaines de personnes. Les plaines et les deltas sont le domaine quasi exclusif des Viêt. Les minorités se concentrent dans les provinces montagneuses du Nord et dans les hauts plateaux du Centre.

Pour démêler l’écheveau de cette diversité ethnique, les spécialistes distinguent cinq grandes familles linguistiques qui permettent de regrouper les différents groupes.

Famille austro-asiatique. La langue vietnamienne en fait partie. Cette famille comprend également certains montagnards des hauts plateaux du Centre (une quinzaine de peuples parmi lesquels les Banar, les Sedang, les Mnông), les Khmer Krom (plus d’un million d’individus vivant dans le delta du Mékong), les Muong établis au sud-ouest du delta du fleuve Rouge (leur culture, aujourd’hui nettement influencée par celle des Thaï, serait celle des Viêt archaïques qui n’auraient pas subi l’influence chinoise).

Famille austronésienne. Ce sont les véritables autochtones du pays, en tout cas ceux dont la présence a été attestée bien avant celle des autres groupes qui, pour la majorité d’entre eux, viennent du sud de la Chine. Dans cette famille, on trouve des peuples vivant dans les hauts plateaux du Centre (Jaraï, Edé) et les Cham.

Famille thaï-kadai. Les Thaï, originaires du sud de la Chine, sont arrivés au début de l’ère chrétienne et se sont installés dans le fond des hautes vallées du nord du pays. Ils sont représentés par plusieurs groupes : les Thaï Blanc, les Thaï Noir, les Nung, mais surtout les Tay. Ces derniers forment le deuxième groupe ethnique le plus important (un peu moins de 2 millions de personnes) après les Viêt. Ils vivent au nord-est du Viêt Nam, en particulier dans les provinces de Cao Bang, Lạng Son, installés dans les vallées et au pied des montagnes.

Famille miao-yao (ou hmông-mien). Les locuteurs de ces langues sont originaires du sud de la Chine. La famille regroupe les Hmông (connus aussi sous le vocable vietnamien péjoratif de Meo) et les Yao (Man à l’époque coloniale, Dao [prononcer Zao] en vietnamien). Les Hmông sont arrivés récemment dans le nord du Viêt Nam (XIXe siècle). Ils sont également présents au Laos, en Thaïlande, en Birmanie et, suite à l’engagement anticommuniste d’une partie de la communauté au Laos, forment une petite diaspora aux États-Unis (voir le film Gran Torino de Clint Eastwood) et… en Guyane française (réfugiés politiques, ils ont fondé une prospère communauté d’environ 2 000 personnes qui, après avoir défriché la jungle, vit de la culture maraîchère). Au Viêt Nam, ils sont subdivisés en plusieurs groupes reconnaissables à leurs caractéristiques vestimentaires : Hmông Blanc, Hmông Bariolé (ou Fleuri), Hmông Vert, Hmông Rouge, Hmông Noir. Les Yao, arrivés dans le nord du Viêt Nam aux alentours des XIVe et XVe siècles, sont, comme les Hmông, subdivisés en plusieurs groupes : Yao rouge, Yao à sapèques…

La famille sino-tibétaine. Cette famille regroupe d’une part les Chinois de la diaspora, les Hoa, qui constituent une importante collectivité urbaine dans le quartier de Cholon à Hô Chi Minh-Ville, où ils sont implantés depuis la fin du XVIIIe siècle, et d’autre part le groupe des tibéto-birmans, constitué de petites communautés Lolo, Hani, Lahu, Sila, Phula qui vivent en altitude dans les zones reculées du nord-ouest. Peu nombreux au Viêt Nam, ces ethnies sont présentes dans le sud-ouest de la Chine et dans tout le monde himalayen.

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