Découvrez Bali : Architecture (et design)

A Bali, nature et architecture forment un ensemble harmonieux régi par un ordre spirituel qui ne laisse rien au hasard. Les temples, dont les hautes tours à toits multiples jalonnent le territoire, en sont les fiers représentants. L’habitat traditionnel est lui aussi le fruit de cette conception quasi magique de l’architecture. Une spiritualité qui s’accompagne d’une grande fonctionnalité, permise par le recours à des matériaux aux propriétés étonnantes, le bambou en tête. Bali, c’est aussi la splendeur des palais et jardins des royaumes passés. Les influences hollandaises, chinoises ou arabes traduisent, elles, l’histoire souvent mouvementée de l’île. Une caractéristique qu’elle partage avec sa voisine Lombok. Aujourd’hui, face aux écueils du tourisme de masse, de nombreux architectes défendent l’identité de Bali, alliant tradition et innovation, dans des projets… souvent étonnants !

Honorer les dieux

Si beaucoup sont de construction récente (ne vous fiez pas à leur délicate patine qui n’est, en réalité, que le résultat de l’érosion de la pierre tendre dans laquelle ils sont taillés !), les temples ou pura se font l’écho de traditions anciennes. La plupart sont érigés sur d’anciens sites animistes, occupés, pour certains, depuis la Préhistoire, comme le laisse penser la présence d’imposantes stèles et pierres dressées mégalithiques. Autre influence phare : celle de la culture hindo-javanaise qui fut notamment véhiculée par le prêtre-architecte javanais Dang Hyang Nirartha, qui, au XVIe siècle, fit construire ou reconstruire un grand nombre de temples. C’est d’ailleurs à lui que l’on doit les Kerobokan ou temples de la mer, série d’édifices jalonnant la côte sud notamment. Mais les temples les plus importants de l’île sont les Kahyangan Jagad ou temples directionnels marquant les points cardinaux et assurant une protection totale de l’île. A ces temples d’état s’ajoutent de grands temples de montagnes, de lacs ou bien encore des temples agricoles. Aucun détail de leur conception n’est laissé au hasard. Tout repose sur la philosophie du Tri Hita Karana, visant à une relation harmonieuse entre les mondes céleste (swah), humains (bwah) et souterrains (bhur), ainsi que sur un ordre de pureté qui se traduit par des axes directionnels précis : de l’amont pur et divin, kaja, symbolisé par la montagne sacrée, à l’aval, négatif et impur, kelod, symbolisé par la mer ; de l’Est (kangin) à l’Ouest (kauch), naissance et mort du soleil. Ces pura sont des enceintes sacrées organisées autour de 3 cours aux niveaux ascendants de sainteté. On pénètre dans la cour extérieure, jaba pura, par un candi bentar, porche monumental en pierre à la silhouette fendue symbolisant la montagne sacrée divisée entre les forces positives et négatives. La cour médiane, jabah tengah où s’élèvent différents pavillons utilitaires (bale) et sanctuaires secondaires, est reliée à la cour intérieure ou jeroan, lieu le plus sacré du temple abritant les autels dédiés aux grandes divinités, par un kori agung, porche monumental de pierre finement ciselée, agrémenté d’un escalier et d’une porte à deux battants. Ces cours abritent différents autels et sanctuaires, dont certains se distinguent par leurs formes uniques. Le padmasana, trône au lotus, est situé dans l’angle le plus sacré du temple et dresse vers le ciel un siège vide symbolisant le dieu suprême, souvent soutenu par les symboles de la tortue porteuse de l’univers enserrée par des serpents naga. Le meru symbolise, lui, tout à la fois la montagne sacrée des hindous et la divinité vénérée dans le pura. Il se caractérise par des toits de chaume à étages, au nombre toujours impair pouvant aller de 3 à 11. Les plus élaborés possèdent des toits en feuilles de palmier sucrier noir, matériau très coûteux. Les pelinggih, eux, sont des autels composés d’un socle en maçonnerie et d’une niche montée sur pilotis et coiffée de chaume ; tandis que les candi, très rares, se caractérisent par une structure carrée surplombée d’un toit à étages pyramidal rappelant les temples de l’ancienne java. Une tour de guet, ou kulkul, disposée à un angle du mur d’enceinte, protège l’ensemble. L’ornementation est un autre élément phare de ces temples, dont le foisonnement décoratif a parfois été qualifié de baroque. Partout s’affichent de somptueuses et étonnantes sculptures. Figures célestes ou démoniaques, entrelacs floraux, bas-reliefs retraçant les grandes épopées divines, et incrustations de porcelaine de Chine… le décor des pura est d’une incroyable richesse. Tout comme les matériaux qu’ils emploient et qui permettent de magnifiques jeux de couleurs et de textures, à l’image de la brique rouge, du grès rose, des coraux aux teintes grisées ou irisées ou du paras, stuc volcanique gris, poreux et léger très utilisé par les sculpteurs de Batubulan. Certains temples sont sublimés par une alternance de pierre calcaire blanche et de pierre volcanique noire, rappelant la complémentarité des contraires dans un motif en damier. Les grands temples se comptent par centaines à Bali, difficile donc de tous les citer ! Mais parmi les plus étonnants, notons : le grand complexe religieux Besakih, le Pura Maospahit à Denpasar, le Pura Luhur Uluwatu, ou bien encore le Pura Puncak Pulisan, le plus haut de Bali !

Art d’habiter balinais

En plus de respecter les règles du Tri Hita Karana, les Balinais s’en remettent également aux conseils des Undagi, prêtres-architectes, qui conçoivent les maisons selon des mesures précises assurant l’harmonie entre la demeure et son occupant. Pour ce faire, l’Undagi établit une mesure-étalon à partir des proportions mêmes du propriétaire ! Les villages balinais s’organisent, à l’image des grands temples, selon l’axe kaja/kelod et se divisent en trois parties, symbolisées par trois petits temples. Le Pura Dalem, temple des morts, se situe en aval du village, du côté impur, où ils côtoient le cimetière. Au centre se trouve le Pura Desah ou temple communal dédié aux divinités protectrices du village ; tandis que le Pura Puseh, où sont vénérés les ancêtres fondateurs, se situe en amont. La vie du village s’organise également autour d’espaces communaux phares : le wantilan, grand préau communal que l’on reconnaît à ses toits en pagode à plusieurs étages reposant sur de nombreux piliers ; le bale agung, grand pavillon sacré de réunion, hérité de la tradition javanaise des pavillons bâtis sur des amas de pierres ; le bale banjar, pavillon rectangulaire ; et le pasar ou marché qui possède lui aussi son pura. L’espace résidentiel du village se divise en enclos domestiques séparés les uns des autres par des murs d’argile ou de brique. Protégeant l’intimité des familles, ce mur revêt aussi une fonction symbolique, comme en témoigne l’aling-aling, pan de mur en retrait nécessitant un contournement et protégeant donc des esprits maléfiques qui ne savent se déplacer qu’en ligne droite ! Ces murs abritent différents bale ou pavillons organisés autour de la cour ou natah, centre symbolique du microcosme familial. La cuisine ou paon se situe le plus au sud, dans la zone impure, tandis que le bale meten, pavillon des maîtres reconnaissables à sa structure fermée et ses nombreux piliers, est situé le plus en amont de l’enclos. Autre élément phare : le lumbung, grenier à riz sur pilotis. Chaque pavillon est flanqué de niches destinées à recevoir les offrandes protectrices. Portail de pierre ou d’argile avec une couverture de chaume simple ou en feuilles d’alang-alang tressées, ou portail en briques ouvragées, pierres finement sculptés et toits de tuiles… les entrées des enclos illustrent le niveau de vie des propriétaires. Ces villages se font également les témoins des riches potentialités des matériaux naturels employés. Dans la région de Mengwi et de Tabanan, les murs en brique sont ainsi montés sans mortier. Profitant d’une propriété particulière de l’argile de la région, les maçons frottent les briques les unes contre les autres jusqu’à ce qu’elles produisent une fine poussière qui, une fois imbibée d’eau, agit comme une puissante colle. Le palmier lontar est extrêmement résistant. Ses feuilles nervurées servent à fabriquer nattes tressées, toitures et clôtures. Le vétiver est également très résistant. Ses feuilles peuvent être tressées et ses jeunes pousses être employées pour la couverture des toits, tandis que ses fines racines ondulées servent à confectionner des stores parfumés. Mais le matériau phare reste évidemment le bambou. On l’emploie pour les poteaux, poutres et chevrons, les cloisons amovibles ou bien encore les toits en bardeaux. La tradition veut qu’il soit toujours découpé verticalement et disposé dans le sens de la coupe afin de ne pas rompre le flux de la vie. Parmi les plus beaux villages traditionnels, ne manquez pas Tenganan et Penglipuran.

Palais et jardins royaux

Des grands royaumes qui se partagèrent l’île, nous sont parvenus de somptueux palais ou puri. Végétation luxuriante et eau purificatrice y sont également omniprésentes. Bon nombre de ces palais possèdent d’ailleurs un pavillon flottant, bale kambang, trônant fièrement au cœur d’un vaste bassin d’agrément. Passionné d’architecture, le rajah de Karangasem se fit ériger le Taman Tirtagangga, organisé autour d’une fontaine sacrée. Ses jardins, étagés en trois niveaux, offrent un riche décor de statues, sculptures et bassins ornementaux. Un candi bentar décoré de porcelaine de Chine en marque même l’entrée ! Une richesse décorative que l’on retrouve dans le Puri Agung Karangasem dont l’enceinte et l’imposant porche pyramidal laissent imaginer ce qu’il fut au temps de sa splendeur, lorsque ses portes et boiseries étaient dorées à l’or fin et que ses murs de brique rouge étaient incrustés de porcelaine de Chine. Le Taman Gili - Puri Semarapura porte, lui, la marque du riche royaume de Klungkung. Cet immense palais, baptisé « le jardin de l’île », était alors le centre symbolique du royaume et son organisation originelle était inspirée des mandalas, système établissant des correspondances de lettres, formes et couleurs avec les points cardinaux et les grandes divinités vénérées.

Influences extérieures

Singaraja possède encore quelques intéressants témoins de la présence hollandaise à Bali. Sur le vieux port, sont encore visibles hangars aux lignes sobres et épurés rappelant l’Art déco et maisons coloniales aux tuiles de terre. Mais les plus étonnants témoins de cette présence européenne à Bali sont sans aucun doute les villages de Belimbingsari et Palasari, tous deux fondés dans les années 30. Le premier est le village protestant. Il a été conçu selon un plan orthogonal avec de larges rues bordées d’imposantes villas mêlant foisonnement décoratif balinais et codes classiques européens. Son temple est un parfait exemple de syncrétisme, ses cours, son porche fendu et sa toiture en forme de diamant supporté par 18 piliers blancs rappelant les pura balinais. Le second est le village catholique, construit sur le même modèle orthogonal. Il possède la plus grande église de l’Est indonésien, qui mêle éléments gothiques et ornements en pierres volcaniques directement inspirés des temples hindo-balinais. Autre influence importante à Bali : celle de la communauté chinoise. A côté de leurs nombreuses et pittoresques échoppes, les Chinois se sont également fait ériger des temples que l’on reconnaît à leurs toits en pagode aux extrémités recourbées et à leurs tuiles rouges vernissées. L’influence musulmane, elle, se fait sentir dans les élégantes mosquées de l’île, telles la Masjid Agung Jamik avec son beau minaret et sa coupole dorée, et la Masjid Nur teintées de roses aux accents résolument indiens, toutes deux à Singaraja.

Bali contemporain

Alors que dans les années 30, les Hollandais avaient souhaité faire de Bali un jardin d’éden à préserver à tout prix pour satisfaire les premiers touristes en quête d’authenticité, la pression touristique qui s’en est suivie a, elle, radicalement changé le visage de l’île… alors même que l’indignation suscitée dans les années 60 par la construction du Bali Beach Hotel, structure de 10 étages, avait engendré la promulgation d’une loi interdisant la construction de bâtiments plus hauts que le faîte des palmiers et protégeant en théorie l’île des affres de la spéculation immobilière. Fort heureusement, certains promoteurs et architectes ont, très tôt, préféré une approche sensible et discrète du bâti. Dès les années 60, Wija Waworuntu imagine le Tandjung Sari à Sanur, avec ses 27 bungalows traditionnels. Un modèle qui sera suivi par l’architecte Peter Muller à qui l’on doit l’Almandari près d’Ubud et l’Oberoi à Seminyak, tous deux faisant la part belle aux matériaux naturels. Ils sont nombreux ces hôtels écologiques et durables à se faire l’écho des traditions balinaises. Le Purilumbung Cottages offre ainsi des logements dans des greniers à riz réaménagés. Plus « extravagant », mais toujours en lien avec la tradition balinaise, ne manquez pas le Bajra Sandhi Monument à Denpasar. Cette structure en béton recouverte de parements d’andésite suit la forme d’une fleur de lotus. Etonnant ! Tout comme l’est la Pyramide de Plastique créée en 1993 par le peintre indonésien Teguh Ostenrik et réalisée en briques faites de déchets plastiques compactés… une manière insolite d’éveiller les consciences sur les questions environnementales. Aujourd’hui, Bali se fait terre d’innovation en matière d’architecture durable en bambou. Elora Hardy y réalise de somptueuses demeures légères et poétiques, tandis que la BambooU(niversity) attire les architectes et ingénieurs du monde entier. Parmi les plus beaux projets récents, ne manquez pas The Arch de la Green School, superbe structure composée d’arches de bambou de 14 m de haut et de 19 m de portée, s’entrecroisant dans un élégant jeu de force et de tressage.

Escapade à Lombok

L’habitat traditionnel de l’île est d’une richesse étonnante… tout comme les règles à respecter pour sa construction. Cette dernière doit commencer un jour propice défini, qui correspond toujours à une date impaire, et la charpente doit impérativement être terminée le jour même sous peine de grands malheurs ! Les villages s’organisent autour d’enclos domestiques ceints d’un mur abritant le beruga, pavillon ouvert, le bale tani, pavillon familial, et le lumbung, grenier à riz sur pilotis. De plan le plus souvent rectangulaire, ces bâtiments possèdent une ossature en bambou, un toit de chaume ou de roseau et des murs en treillis de bambou ou de nervures de feuilles de palmier rempli par un mélange de pisé ou de boue compactée. Cet habitat sasak (la principale ethnie de l’île) est à voir dans de très beaux villages comme Sade. A Batu Nampar, Sekotong et Tanjung Luar, vous pourrez observer de belles maisons en bois sur pilotis. Quant aux bale de Lombok, vous ne pouvez pas les manquer… ils sont partout. Petites structures en teck ou en bambou constituées d’une plateforme en bois tressé et d’un toit de chaume, ils invitent à la détente ! Lombok voit aussi se côtoyer somptueux pura et puri d’inspiration hindo-javanaise (Pura Meru, complexe de Narmada, Pura Lingsar…) et élégantes mosquées et maisons arabes comme à Mataram. Mais le site le plus étonnant est sans conteste le Masjid Kuno Bayan Beleq, le plus ancien lieu de culte Wetu-Telu de l’île. Le syncrétisme opéré par ce culte entre hindouisme, islam et animisme, se lit dans son architecture. Posée sur un soubassement de gros galets, sa structure de bambou, parfaitement carrée, supporte un élégant toit de chaume. Aucune décoration ne vient troubler l’harmonie parfaite des matériaux !

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