Une histoire d’amour entre montagnes et cinéma
C'est en octobre 1896, à peine un an après la première projection du cinématographe Lumière à Paris, que le cinéma fait son entrée au Tyrol. Et même si le premier film réalisé au Tyrol est aujourd'hui considéré comme disparu, des traces subsistent attestant de la captation d'une danse folklorique à Merano, au tout début des années 1900. En 1905, le photographe et cinéaste anglais Frank (ou Frederick) Ormiston-Smith, considéré comme l'un des pères de l'alpinisme au cinéma, débarque au Tyrol dans le but de prendre des vues à ramener en Angleterre. Il documente de nombreuses ascensions, tout en capturant la vie quotidienne de la région dans La Vie à Innsbruck : Tyrol (1905) et dans une série de quatre courts métrages Le Tyrol de 1907. Dans les décennies qui suivent, la région accueille un nombre de tournages grandissants. Alfred Hitchcock, alors jeune réalisateur, y réalise son deuxième film, The Mountain Eagle, en 1926. Et si l'action du récit est censée se dérouler au Kentucky, c'est bien le village d'Obergurgl qui sert de fond à ce mélodrame anglo-allemand aujourd'hui considéré comme perdu, et l'un des films les plus recherchés du monde. Autre production notoire de cette période, le long métrage L'Ivresse blanche (1931), une comédie d'Arnold Fanck, grand succès du cinéma muet allemand, avec l'actrice et future cinéaste allemande Leni Riefenstahl en vedette. La Seconde Guerre mondiale force une pause dans les productions locales, mais l'industrie repart de plus belle dans les années 1950, avec le très célèbre Sissi (1955), avec Romy Schneider. Premier volet d'une trilogie austro-allemande, cet épisode transporte l'actrice sur les traces de l'impératrice, entre le château d'Ambras et le Palais impérial à Innsbruck. Un rôle qui fera la renommée planétaire de Romy Schneider, mais une exception pour les productions locales, dont la réputation peine à dépasser les frontières malgré une quantité accrue de films et de tournages réalisés dans la région. C'est du côté international qu'il faudra désormais chercher les plus grandes apparitions du Tyrol à l'écran, et ce dès les années 1960.
De Sissi à James Bond
Alors que Romy Schneider rayonne dans les halls des grands palais, c'est dans les montagnes que les cinéastes internationaux posent leurs caméras. Ainsi, Michael Ritchie réalise La Descente infernale (1969), avec Robert Redford dans la peau d'un jeune skieur du Colorado, et Gene Hackman dans le rôle de son intraitable entraîneur. La descente du Streif de Kitzbühel constitue l'un des moments forts du film. Deux ans plus tard, c'est l'acteur Michael Caine qui tourne – non sur des skis mais en habits d'époque – La Vallée perdue, aux côtés d'Omar Sharif. C'est le récit d'un pacifiste découvrant un havre de paix dans le Gschnitztal, cette vallée encaissée cachée au cœur du Tyrol. Presque deux décennies plus tard, Jean-Jacques Annaud se joue des montagnes de la région pour réaliser L'Ours (1988), une fable racontant l'amitié entre un grizzly et un ourson, adaptée du livre Le Grizzly d'Oliver Curwood. Le film est un succès en France et aux États-Unis, donnant le César du meilleur réalisateur à son cinéaste pour les prouesses techniques mises en place pour ce tournage atypique. Côté lieux de tournage, c'est dans les forêts entre Innsbruck et Lienz que vous devrez tenter de retrouver les traces de Youk et Kaar, les deux héros du film. Jean-Jacques Annaud reviendra à Lienz quelques années plus tard pour tourner certaines des scènes de Sept ans au Tibet (1997), avec Brad Pitt dans le rôle de l'alpiniste Heinrich Harrer. Parmi les productions internationales notables du XXIe siècle ayant fait halte au Tyrol, citons par exemple Le Transperceneige de Bong-Joon Ho (2013), adaptation de la bande dessinée éponyme de Jacques Lob et Jean-Marc Rochette, utilisant habilement les grandes étendues enneigées du glacier Hintertux pour créer une planète ravagée par une nouvelle ère glaciaire. En 2015, c'est Spectre, l'avant-dernier opus de la saga James Bond, qui a donné au Tyrol ses lettres de noblesse comme lieu de tournage alpin incontournable. Le domaine skiable de Sölden et la commune de Obertilliach ont ainsi accueilli le réalisateur Sam Mendes, accompagnés de Daniel Craig et Léa Seydoux, le temps de tourner de belles scènes au coin du feu et sous les sommets enneigés, au balcon du très moderne Ice Q Restaurant, joyau du domaine trônant sur le Gaislachkogl. Probablement l'un des meilleurs lieux pour vous faire vous sentir comme une star de cinéma.
Entre randonnées et descentes, où voir des films au Tyrol ?
Le temps de déchausser vos skis, vous voici prêt à profiter d’une bonne dose de septième art. À Innsbruck, vous profiterez non pas d’un, mais d’au moins trois festivals de cinéma par an, dont le IFFI (International Film Festival Innsbruck). Celui-ci, qui se tient chaque année durant six jours, entre mai et octobre selon les saisons, anime la ville au rythme des projections de documentaires et de fictions atypiques, mettant l’accent sur des films peu diffusés dans les circuits internationaux. L’occasion également de proposer des rétrospectives et la redécouverte de classiques du cinéma de montagne et d’ailleurs, dans un cadre idyllique. Une manifestation qui se tient notamment au Leokino, une des salles les plus dynamiques de la ville. Vous pourrez également y découvrir les dernières nouveautés en version originale sous-titrée, ou profiter – selon la saison – d’une séance en plein air, au pied des sommets. Si vous êtes plutôt en recherche de sensations fortes ou de grands espaces, préférez le Innsbruck Nature Film Festival, ou encore – si vous avez de la chance – le Freeride Film Festival, un rendez-vous itinérant consacré aux films de glisse, évoluant entre les différentes stations européennes.
Et si d’aventure vous divaguez vers le Tyrol italien, arrêtez-vous au cinéma de Caldaro, un lieu chargé d’histoire car il est l’héritier d’une salle dont la première activité date de 1911 ! Aujourd’hui, le Filmtreff Kaltern vous accueille dans l’ancien bâtiment de la gare de Caldaro, avec une salle de 118 places équipée des dernières technologies, mais aussi d’un projecteur 35 mm, une denrée rare dans cette région pourtant riche en récits de cinéma.