Aux origines du peuplement du Tyrol
Pendant l'âge de fer, le territoire qui correspond à l'actuel Tyrol était principalement occupé par le peuple des Rhètes qui vivait dans l'arc alpin oriental. Conquis par les Romains au début de l'ère chrétienne, le territoire est occupé par des vagues successives de peuples germaniques qui traversent les cols des Alpes : Lombards, Carolingiens, Francs mais aussi les Bajuvares (Bavarois), qui laisseront leur nom à la Bavière. Aujourd'hui, les Tyroliens, de même que les Autrichiens, parlent un dialecte haut-allemand de la branche bavaroise. Intégré au Saint-Empire romain germanique puis à l'Empire des Habsbourg, devenu Empire austro-hongrois en 1867, le Tyrol a partagé les destinées de ces États, jusqu'à la scission de son territoire après la Première Guerre mondiale et au rattachement du Sud-Tyrol et du Trentin à l'Italie. L'italianisation forcée, impulsée par Mussolini, crée évidemment des tensions qui ont perduré durant plusieurs décennies, entraînant le développement de mouvements extrémistes souhaitant le rattachement du Sud-Tyrol à l'Autriche. Aujourd'hui, heureusement, les communautés linguistiques du Sud-Tyrol cohabitent pacifiquement. L'assimilation des origines latines dans le substrat germanique est notamment visible dans les noms des habitants qui peuvent avoir un prénom germanique et un nom de famille italien ou vice versa. Par ailleurs, le Tyrol a été relativement peu touché par les mouvements migratoires qui ont marqué l'Europe de la seconde moitié du XXe siècle et des premières décennies du XXIe siècle. La région du Tyrol est vraiment emblématique des rapports intrinsèques puissants qu'entretiennent les territoires, l'histoire, l'identité et les communautés linguistiques.
Les spécificités linguistiques
Hormis le Trentin qui est italophone, le Tyrol est une région majoritairement germanophone. Le dialecte allemand parlé est une langue plutôt chantante qui appartient à la branche bavaroise et ressemble à s'y méprendre à l'allemand parlé en Bavière ainsi que dans le reste de l'Autriche. Les langues ayant de façon générale tendance à suivre les territoires et les personnes, le dialecte allemand parlé dans le nord-ouest du Tyrol autrichien se rapproche de celui parlé en Suisse alémanique. Le Tyrol italien possède quant à lui deux langues officielles : l'allemand et l'italien, auxquelles il faut ajouter le ladin dans certaines communes. Aujourd'hui, environ 70 % des habitants du Trentin-Haut-Adige (Sud-Tyrol) se considèrent germanophones (même s'ils sont en réalité assez souvent bilingues), 26 % se disent italophones et 4 % ladinophones (surtout dans le Val Gardena [Gherdëina] et dans le Val Badia). La province autonome de Bolzano compte environ 470 000 habitants, répartis entre 116 communes dont les principales sont Bolzano (chef-lieu), Merano, Bressanone et Brunico. Le Haut-Adige, comme la vallée d'Aoste, est une région officiellement multilingue, ce qui entraîne par exemple une signalétique entièrement bilingue italien/allemand. Selon les endroits, vous y entendrez plutôt Grüs Gott (« bonjour » en bavarois) que Buon giorno.
La spécificité de la langue ladine
Lorsque les locuteurs d'une langue ou d'un dialecte sont isolés, à cause des reliefs et de la géographie par exemple (montagnes, mers, etc.), le dialecte en question a tendance à rester figé car il n'y a ni apports de mots nouveaux venus d'autres dialectes, ni disparition à cause d'un groupe ayant pris le pouvoir et imposé sa langue. C'est ce qu'il s'est passé pour le ladin qui est resté relativement bien isolé au creux des vallées montagneuses d'accès difficile, près des Dolomites. Le ladin fait partie de la famille des langues indo-européennes, branche des langues italiques, romanes et plus particulièrement rhéto-romanes. Il est issu du métissage linguistique entre le latin et les langues des Rhètes, ce peuple occupant les Alpes orientales dans l'Antiquité qui fut conquis et assimilé par Rome.
Arrivez-vous à deviner ce que ces quelques mots de vocabulaire en ladin signifient : uedl, lesier, trei, roda, ciajuel, cësa, cian, gialina, giat ?
Dans l'ordre d'apparition, ils signifient œil, léger, trois, roue, fromage, maison, chien, poulet, chat.
Aujourd'hui, le ladin survit grâce aux quelque 30 000 locuteurs répartis dans les Dolomites, dans la région du Trentin-Haut-Adige mais aussi en Vénétie et dans le Frioul. Il faut savoir que le ladin est l'un des plus petits groupes linguistiques d'Europe ! Reconnu comme langue minoritaire par la région autonome du Trentin-Haut-Adige, il est parfois employé dans l'administration et l'enseignement, mais aussi dans la signalisation avec des panneaux trilingues. A propos, les locuteurs du ladin sont presque tous bilingues si ce n'est trilingues (ladin, italien, allemand).
Tyrol, terre d’accueil ?
Au cours des vingt dernières années, le nombre d'habitants issus de l'immigration dans le Tyrol a presque triplé, passant de 16 000 en 2002 à plus de 50 000 en 2022, ceci en raison de sa position géographique, des différentes crises politiques, humanitaires et des secteurs du bâtiment, du textile et du tourisme qui nécessitent régulièrement de la main-d'œuvre. Si cette population issue de l'immigration apporte bien évidemment de la diversité culturelle et linguistique, elle pose des défis dans cette région régulièrement pointée du doigt pour sa mauvaise politique d'intégration, et pour cause : accès difficile aux logements sociaux, discrimination salariale (un quart des citoyens turcs résidant en Autriche vit par exemple en dessous du seuil de pauvreté), naturalisation compliquée, tests linguistiques, abandon obligatoire de la nationalité d'origine (en Autriche). Le sujet des migrants reste particulièrement sensible, en témoignent par exemple les violentes réactions qui ont eu lieu en 2020 lorsque le maire d'Innsbruck Georg Willi (le seul maire écologiste de toute l'Autriche) propose d'accueillir 200 migrants venus de Grèce dans des centres de réfugiés vides. Haut les cœurs !