Croissance, espérance de vie et tutti quanti
Les derniers chiffres du recensement de 2022 nous donnent une population totale de 498 063 habitants, concentrés principalement dans les zones urbaines. Plus de la moitié de la population vit à Santiago, dont 130 000 dans la capitale, suivie par Mindelo sur l’île de São Vicente. Santa Luzia reste, quant à elle, inhabitée.
La composition ethnique se répartit de la manière suivante : environ 70 % des Cap-Verdiens sont métis, 29 % sont africains et 1 % sont blancs. Ces derniers d’ailleurs n’ont jamais été très nombreux et ne dépassaient pas 3 % à l’indépendance. Les femmes sont presque aussi nombreuses que les hommes (50,2 %), il existe des localités où ce sont plutôt les femmes qui partent, pour des questions de rapprochement familial. Le manque d'hommes, ainsi que les retours intermittents et les longues absences, sont deux des raisons pour lesquelles le mariage, et les unités familiales traditionnellement composées d'un père, d'une mère et d'enfants, sont inhabituels. Les hommes peuvent avoir des enfants de plusieurs femmes et ne sont souvent mariés à aucune d'entre elles ; la réciproque est aussi valable. La responsabilité de l'éducation des enfants incombe invariablement aux femmes, qui peuvent être dépendantes des transferts de fonds envoyés de l'étranger par les différents pères.
La croissance de la population est de 2,4 % et le gouvernement a fait campagne pour la faire baisser par le contrôle des naissances, y compris par l'avortement. L'Eglise catholique a évidemment riposté. L'espérance de vie est de 70 ans pour les hommes et de 75 ans pour les femmes. Environ 80 % de la population est alphabétisée, et ce chiffre atteint un excellent 90 % chez les jeunes. Environ 28 % de la population a moins de 14 ans, et 7 % a plus de 65 ans, l’âge moyen étant de 24 ans.
Une culture kriola unique
Le peuplement des îles commence avec l’arrivée des premiers colons, suivi ensuite par les esclaves arrachés par les Portugais aux côtes africaines, plus particulièrement de Guinée-Bissau, pour travailler dans les plantations ou être exportés vers le Brésil. Le peuplement du Cap-Vert n’a jamais été la raison première des Portugais, à cause des sols pauvres. Peu de familles blanches lusitaniennes s’y installent à cause du climat rude, de la terre ingrate et des maladies mortelles telles que les fièvres. Le pays voit donc naître la formation ex nihilo d’un peuple composé de soldats, notables, navigateurs, négociants, prisonniers de droit commun, prostituées et esclaves. Ainsi, entre 1802 et 1882, environ 2 500 condamnés seront déportés dans l’archipel. Parmi les populations noires, on retrouve aussi des hommes libres qui côtoient les marchands, engagés comme truchements. Les autres sont issus des peuples Mandingue, Peul, Bambara originaires de Guinée et du Sénégal. Au XVIIIe siècle, les descendants des colons, délaissés par Lisbonne, renoncent à la traite et affectent les esclaves au travail de la terre. Les enfants métis sont, dans beaucoup de cas, le fruit de l’union entre un Portugais et son esclave. Au fil des siècles, leur population devint plus importante. Les esclaves, tenus de se convertir, doivent adopter le nom de leur maître, créant ainsi des familles larges et recomposées. Le port de Mindelo reçoit des marins de tout le globe et le métissage va se diversifier davantage avec l’arrivée d’Anglais, d’Indiens de Goa, de Français et de Chinois. On peut observer de nos jours, un mélange morphologique très étonnant. Selon les îles, on perçoit des différences de couleur de peau, phénomène expliqué par les types de populations qui ont foulé leur sol. Sur Brava et Fogo, par exemple, les locaux sont plus clairs de peau qu’ailleurs, car il y avait moins d’esclaves présents.
Au XIXe siècle, le comte de Montrond, un aventurier français, arrive à Fogo pour fuir les autorités. La légende dit qu’il aurait engendré pas moins de 200 enfants. Ses nombreux descendants portent encore son nom. À Santiago, la population noire domine, car bon nombre d’esclaves ayant fui dans la montagne et les travailleurs de plantations se marièrent entre eux et échappèrent donc au métissage. À Santo Antão, la population est particulièrement métissée, du fait de flux migratoires nombreux.
Quand partir fait partie de la vie
Le début de l’émigration date du XVIIIe siècle, celle-ci est liée au passage des baleiniers américains dans les ports de l’archipel. De nombreux Cap-Verdiens, fuyant la famine et la sécheresse, s’engagent alors sur les bateaux à destination des États-Unis où ils finirent par s’établir, notamment dans des villes comme New Bedford. Une première vague partie de Brava s’est transformée en déferlante au fil du temps, jusqu’à la mise en place de quotas dans les années 1920.
Le sujet de l’émigration est si cher au cœur des Cap-Verdiens que le pays a récemment décidé de lui consacrer un musée. Il faut dire que la survie de l’archipel dépend en grande partie de ce phénomène, sachant qu’il y a plus de Cap-Verdiens disséminés dans le monde, partis à la recherche d’une vie meilleure, que dans leur propre pays : une diaspora estimée à environ 800 000 individus pour une population d’environ 500 000 habitants sur les îles. La majorité s’est exilée aux États-Unis, notamment dans les états du Massachusetts et Rhode Island, tandis que Portugal, les Pays-Bas et la France représentent les pays européens à plus forte densité cap-verdienne.
Les emigrantes jouent un rôle fondamental pour l’économie de leur pays d’origine par leur précieux soutien financier et investissent dans l’immobilier et les affaires (petites entreprises, commerces…) atteignant ainsi 11 % du PIB. Sans oublier les voyages de retour au pays des expatriés, pendant leurs vacances ou à l’occasion des fêtes votives qui rapportent un grand nombre de devises à l’État et stimulent l’économie locale. La diaspora a toujours aidé les autres restés au pays à faire face aux difficultés, voire même à survivre, et prend aujourd’hui une dimension solidaire. C’est au cours des périodes de crise, qu’est apparu l’usage des « bidons », grands contenants dans lesquels la communauté expédie des produits utiles et variés à leurs proches, une pratique encore en cours de nos jours. Au terme de leur vie active, certains reviennent passer leur retraite au pays natal et continuent de représenter un exemple de réussite pour les jeunes générations, toujours candidates au départ. Le projet du musée visera à préserver et à valoriser l'identité culturelle de l'archipel, en sauvegardant tout le processus historique de son émigration, en quelque sorte en rendant justice à l'histoire du peuple cap-verdien.