Antiquité
À la croisée des routes des grands navigateurs, tout porte à croire que les Phéniciens, habitués à longer les côtes africaines, auraient pu accoster au Cap-Vert dès l’Antiquité. Dans le mythe des Hespérides, les Grecs mentionnent des îles inhabitées mais qui pourraient se référer aux Canaries. L’histoire d’un voyage exploratoire en 425 av. J.-C., désigné sous le nom de Périple d’Hannon, mentionne un grand nombre d’escales au-delà de la mystérieuse île de Cerné, dont l’une pourrait être le Cap-Vert. La flamme géante évoquée dans le récit pourrait être le volcan en éruption de Fogo. Texte véridique ou légende ? Aucun autre élément ne vient corroborer les faits. La présence potentielle de pêcheurs Lébous sénégalais et de marchands arabes est toujours à l’étude. Aucune trace archéologique ne permet de soutenir qu’une occupation humaine est antérieure à l’arrivée des Portugais.
1456
L’histoire nous apprend que le Cap-Vert a été découvert au XVe siècle mais les dates demeurent incertaines. Plusieurs noms sont imputés à sa découverte. Le premier en la personne d’un noble navigateur vénitien Alvise Ca’ Da Mosto, reconnu pour ses remarquables qualités de négociant, que l’infant Henri le Navigateur va engager pour explorer (et exploiter) les côtes de l’Afrique de l’Ouest. Le prince met à sa disposition des caravelles et lui promet la moitié des bénéfices. Da Mosto voyagera en 1455 pendant 2 ans et évoquera, dans ses carnets de voyage, des contrées sauvages jusqu’alors inexplorées. Il dépeindra, avec force détails, les côtes de Guinée, le Sénégal et les coutumes de ses peuples. Poussé de la côte par un vent impétueux, il aperçoit des îles inconnues. « Car nous n’étions pas encore avertis qu’il y eut là aucune terre, donc pour en être mieux acerténés, fîmes monter deux hommes en la gabie, lesquels découvrirent deux grandes îles » (Relation des voyages à la côte occidentale d'Afrique d'Alvise de Ca' da Mosto). Da Mosto baptisa l’île Boa Vista pour être la première terre à avoir été repérée, et Santiago pour y avoir accosté le jour du saint patron.
1460
La version officielle désigne Antonio Noli comme découvreur, un navigateur génois que le roi Alphonse V nommera gouverneur. D’autres noms de navigateurs tels que Diogo Gomes et Diogo Dias sont également associés à la découverte des îles mais les historiens, faute de documents, n’ont pas encore tranché et la controverse est toujours d’actualité.
1462
La colonisation portugaise ne tarde guère, et le premier peuplement se fera dans les îles de Santiago et Fogo, et plus tard Maio et Boa Vista. Les Portugais trouvent des îles couvertes de végétation n’ayant pas grand-chose à offrir, hormis des paysages grandioses et des plages. Arrivent des nobles qui aménagent un port d’escale pour les navires portugais à Ribeira Grande sur l’île de Santiago. Cette ville coloniale tropicale jouera un rôle conséquent dans le développement de l’archipel et sera rebaptisée Cidade Velha, nom qu’elle porte encore aujourd’hui mais dont le changement est en pourparlers.
1494
Le fameux Traité de Tordesillas est signé entre l’Espagne et le Portugal. L’île de São Antão, la plus occidentale, sert de repère pour délimiter les zones d'influence et de conquêtes entre ces deux grandes puissances. La ligne de démarcation, qui va du pôle Nord au pôle Sud est à 370 lieues de l’île.
1496
Dépourvue de ressources naturelles ou minérales précieuses et avec un climat sec et aride, l'agriculture conventionnelle est compliquée. La position géostratégique des îles était d'une importance capitale, pouvant servir de point de départ pour l'exploration du continent ou de port de transit vers l'Amérique ou l'Asie, mais le Portugal comptait faire du Cap-Vert une colonie prospère, qui générerait des richesses pour la métropole. Une vision difficile à réaliser sur des îles disposant de si peu d’avantages, mais la Couronne a rapidement entrevu la solution. Pour encourager l’occupation, elle accordera une « charte royale de privilèges » aux colons, leur octroyant la permission de faire le commerce des esclaves, activité qui deviendra vite le principal moteur économique.
Maîtres et esclaves entre le XVe siècle et 1876
Le coton de Fogo, la canne à sucre de Santiago, le sel et le bois, seront les marchandises les plus convoitées qui vont attirer des négociants européens. Mais le commerce le plus rentable est d’un tout autre registre. La capitale Ribeira Grande va devenir la plaque tournante du commerce transatlantique d’esclaves dont les Portugais détiennent le monopole. Les navires négriers vont déverser des centaines d'esclaves provenant des côtes de Guinée, du Sénégal et de Sierra Leone, qui seront vendus aux colons dans des marchés d'esclaves en plein air et qui connaissent leur apogée dans la période comprise entre le XVIIe siècle et l'abolition de l'esclavage en 1876. Pendant plusieurs siècles, le Cap-Vert aura pour triste vocation d’être le centre névralgique du trafic d’êtres humains et l’escale obligée du commerce triangulaire entre l’Europe et l’Afrique et le Nouveau Monde.
L’archipel ne possède pas de peuple original car il a été découvert inhabité, les premiers signes de la mémoire collective capverdienne se trouvent chez les esclaves restés sur place. C'est alors que le créole capverdien est apparu comme une forme de communication entre esclaves d'origines différentes, une langue qu’ils emporteront avec eux aux Amériques et qui donnera naissance aux autres langues créoles dans les Antilles françaises et anglaises.
1533
Escale portuaire majeure, le statut de ville royale est octroyé à Ribeira Grande, ainsi qu’un tout premier évêché. On peut enfin baptiser les esclaves dits ladinos qui sont évangélisés avant d’être acheminés vers le Brésil.
XVIe siècle
Durant ce siècle de développement économique majeur pour l’archipel, les îles sont constamment attaquées et pillées par les pirates et corsaires français, anglais et hollandais qui sévissent au large du continent africain. On construit des forts pour les repousser.
Milieu du XVIIe siècle
La colonie insulaire entre dans une phase de larges pertes économiques, sous l’effet conjugué de la concurrence étrangère dans le commerce des esclaves (en faveur des Espagnols qui tracent de nouvelles routes), ainsi que du déclin de la production des pagnes de coton. S’ajoutent à cette question les problèmes liés au monopole des compagnies coloniales. Les propriétaires agricoles et les négociants commencent alors à plier bagage. Restent leurs héritiers métis qui développeront, tant bien que mal, un commerce local.
Mai 1712
C’est une date importante dans l’histoire du pays, marquée par l’attaque du corsaire vendéen, Jacques Cassard, sous les ordres de Louis XIV. Il va s’emparer du fort de Ribeira Grande et mettre la ville à feu et à sang, sans discontinuer pendant un mois. Les notables abandonneront définitivement la ville, en faveur de Praia, à 15 km de là, et s’installeront sur ce qui deviendra le quartier « plateau », hors de portée des boulets de canon. Elle deviendra la nouvelle capitale en 1770.
En 1876 et au-delà
Avec l’abolition de l'esclavage, le pays a perdu une partie de son activité. De nombreux navires continuent à faire escale dans ses ports, dont les Britanniques qui s’intéressent particulièrement à São Vicente et à sa fonction de ravitaillement en charbon. Malgré cela, la situation des Cap-Verdiens reste terrible. Les colons s'approprient les richesses de l'archipel tandis que des milliers de paysans sans emploi et tout le reste de la population vivent dans la misère ou vont grossir les rangs des candidats au départ définitif. Entre le XIXe et le début du XXe siècle, plusieurs conspirations, révoltes et même une guerre civile avortée, vont avoir lieu. Et pour cause, durant cette période sombre, pas moins de 7 grandes famines décimeront 300 000 personnes et pousseront des milliers de gens à l’exil. On assistera notamment à des soulèvements entre métayers et propriétaires fonciers, du fait des répartitions inéquitables des terres.
Le 12 novembre 1910 : révolte de Ribeirão Manuel
La plus célèbre révolte des manuels d’histoire porte le nom de révolte de Ribeirão Manuel. Elle a lieu à l’intérieur de l’île de Santiago, dans une localité où les femmes récoltaient le ricin et l’urzela destinés à l’exportation. Avec le déclin de cette production, la famine sévit, en même temps qu’une énième sécheresse qui s’abat sur les îles cette année-là. Désespérées, quelques femmes décident alors d’envahir les terres d’une richissime propriétaire. Aussitôt alertée, la police à cheval intervient brutalement et chasse les intruses. Mais, en entendant leurs cris, toute la population, armée de couteaux, accourt leur prêter main forte. La police doit battre en retraite et Arthur Marinha de Campos, tout nouveau gouverneur, se voit contraint d’écouter les doléances paysannes. Cette révolte demeure un symbole de résistance sociale face aux riches et à la brutalité du pouvoir en place.
En 1926
La dictature est instaurée au Portugal et beaucoup de ceux qui restent ne voient qu'une seule issue : lutter. Les années suivantes, des révoltes populaires et des affrontements violents ont lieu, ce qui contrarie fortement le pouvoir. Le régime de Salazar accentue la répression contre les rebelles et des milliers de Cap-Verdiens opposants anarchistes ou communistes sont condamnés au travail forcé à São Tomé et Príncipe ou dans les camps de concentration construits sur place, comme celui de Tarrafal.
Le 4 juin 1934
Un autre épisode important de l’histoire capverdienne est marqué par l’intervention de celui qu’on a appelé le Capitão da Fome (le capitaine de la faim). À ce moment-là, le commerce de Mindelo périclitait et la population exprimait son désarroi. À la tête de cette revendication, on trouve le Capitaine Ambrosio qui sera arrêté avec ses compagnons et déporté vers l’Angola pour y effectuer des travaux forcés. Cette révolte fait désormais partie des dates marquantes, et son héros sera invoqué, non seulement dans les livres de classe, mais il deviendra aussi source d’inspiration de poètes comme Gabriel Mariano ou Corsino Fortes.
Le 19 septembre 1956
C’est la date de la création à Bissau d’un mouvement indépendantiste, le PAIGC, Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et des îles du Cap-Vert. Le chef de file en est Amilcar Cabral, ingénieur agronome de son état, assisté de 5 compagnons patriotes cap-verdiens et guinéens, parmi lesquels son frère Luis et Aristides Pereira. Ce dernier jouera un rôle politique majeur et deviendra le tout premier Président de la République.
1960 -1961
Les intellectuels et les étudiants se mêlent à la lutte anticoloniale et clament haut et fort leurs revendications. Mais au mépris des résolutions de l’ONU condamnant les exactions du Portugal isolé sur la scène internationale, Antonio Salazar réfute tout dialogue en vue de l’indépendance de ses colonies. Une lutte armée acharnée, ponctuée de divers massacres, va opposer le gouvernement portugais aux rebelles, qui, soutenus par la communauté internationale, intensifient leurs actions sur le terrain.
1974
Après cinq siècles de colonisation, le Cap-Vert va pouvoir enfin accéder à l’indépendance. Les mouvements politiques pour l’indépendance s’inscrivent dans les autres mouvements d’émancipation coloniale en Afrique. En 1965, une partie du territoire guinéen est déjà libérée par les forces du PAIGC, mais le 20 janvier 1973 le mouvement perd son leader : Amílcar Cabral est assassiné à Conakry. Ce qui n’empêche pas la proclamation de l’indépendance de la Guinée-Bissau en septembre de la même année. La Révolution des Œillets au Portugal va changer la donne et marquer le début de la décolonisation.
Amilcar Cabral (1924-1973)
Dans un pays comme le Cap-Vert, où il y avait des colons et des colonisés, des maîtres et des esclaves, des Blancs et des Noirs, réaliser cette unité était tout simplement impossible. Inspiré par des communistes comme Alvaro Cunhal, Cabral a fait du concept de peuple l'une de ses principales armes politiques et idéologiques ; en analysant les racines de la domination, il a fini par trouver la base de l'identité cap-verdienne et a réussi à unir la majorité de la population.
Le 5 juillet 1975
L'indépendance du Cap-Vert est effective et proclamée sous une immense liesse populaire ; on fête la liberté avec un grand L sous le jeune drapeau. Le pays est alors sous l’égide du PAIGC. L'idée était peut-être utopique : voir le Cap-Vert et la Guinée fusionner et s’unir en un seul pays. Un coup d'État en Guinée en 1980 provoquera la division entre les deux pays frères et aussi entre les deux branches. Du PAIGC, naîtra le Parti africain pour l'indépendance du Cap-Vert (PAICV), avec à sa tête Aristides Pereira, limitant son champ d’action à ce seul pays.
De 1975 à 1990
À l’indépendance, le Cap-Vert est un pays totalement démuni de toute ressource et industrie. Une aide internationale sera alors mise en place pour éviter un désastre. Au cours des quinze premières années d'indépendance, le régime sera d’inspiration marxiste et les dirigeants nationalisent des secteurs de l'économie, tels que la pêche et les banques. L’objectif était aussi de réaliser diverses réformes agraires qui ont réussi à améliorer la production alimentaire, malgré le peu de terres cultivables (10 % du territoire). Cependant, le nouveau pays manquait de presque tout (infrastructures, personnel qualifié, industrie, routes) et le PAICV n'a pas pu satisfaire ces besoins avec l'urgence exigée par la rue. L'arrivée du Mouvement libéral pour la démocratie (MpD) a éliminé toute trace de cabralisme dans l'État : elle a signifié la privatisation de nombreuses entreprises publiques et l'ouverture du Cap-Vert aux marchés internationaux, une exigence fondamentale d'organisations telles que l'Organisation mondiale du commerce ou le Fonds monétaire international.
En 1990
Depuis l'indépendance, le PAICV a gouverné en tant que parti unique, mais ses politiques inefficaces et la chute du bloc soviétique vont le contraindre à accepter l’ouverture démocratique. Sans tension aucune, le Cap-Vert a instauré le multipartisme, constituant ainsi un modèle exemplaire en Afrique. Des élections législatives libres ont lieu : victoire pour le MpD (Mouvement pour la démocratie) de tendance droite, qui obtient 56 sièges sur 79 à l’Assemblée nationale, et qui devient le parti majoritaire. Le PAICV, quant à lui, avec 23 députés, devient un parti d’opposition. Les députés sont élus au suffrage universel direct, pour un mandat de 5 ans.
En février 1991
Soutenu par le MpD, António Mascarenhas devient le nouveau président de la République (il sera réélu en 1996). Un an après, une révision de la Constitution a lieu, aux termes de laquelle l’Assemblée nationale voit son pouvoir renforcé.
De nos jours
Depuis lors, le MpD et le PAICV ont alterné le pouvoir, sans qu'aucun des deux ne parvienne à améliorer significativement la situation du pays. Le PAICV a abandonné les idées marxistes de son fondateur pour se tourner vers la social-démocratie, l'économie de marché, les investissements extérieurs, l’industrie du tourisme, tout en maintenant sa stabilité politique.
17 octobre 2021
Les Cap-Verdiens sont appelés à voter pour élire un nouveau chef de l’État. C’est le socialiste José Maria Neves qui remporte les élections en obtenant 51,5 % des voix. Lors de sa fonction en tant que Premier ministre de 2001 à 2016, il avait notamment établi des relations avec la Chine et présenté en 2008 un gouvernement à majorité féminine. À noter que le scrutin législatif a plus de poids dans la mesure où le Président tient surtout un rôle d’arbitre et désigne un Premier ministre en fonction des résultats des législatives.
De 2021 à nos jours
Depuis les dernières élections, le pays maintient un système démocratique stable et continue de s'engager dans les programmes sociaux et économiques promis. Le Fonds Monétaire International participe à cette action et a concédé une facilité élargie de crédit au pays, dans le but de soutenir la reprise économique. Sur le plan politique, l'année 2023 a été marquée par un désaccord entre le gouvernement et le Président de la République concernant le vote d'une résolution de l'ONU sur le conflit Israël-Hamas, pour laquelle le Cap-Vert s'est abstenu.