Les écosystèmes ivoiriens
Le territoire ivoirien est schématiquement partagé en deux écosystèmes : le domaine guinéen (paysage forestier) et le domaine soudanais (paysage de savane). Tous deux offrent une grande diversité de formations végétales.
Le domaine guinéen. Il regroupe quatre grands types de formation. Au sud, la forêt dense humide qui se caractérise par la présence de plusieurs strates et d'arbres aux racines échasses ou à contreforts. Les arbres peuvent y atteindre cinquante mètres de haut ou plus. La forêt mésophile, qui s'étire de Man à Bondoukou en passant par Séguéla, Bouaflé, Singrobo et Dimbokro. Les savanes de basse côte couvrent une superficie relativement importante d'environ cent mille hectares. Situé entre les deux grands domaines, guinéen et soudanais, le district préforestier guinéen se caractérise par une mosaïque d'îlots de forêt mésophile et de savanes entrecoupées de forêts-galeries.
Les domaines sub-soudanais et soudanais. Ils sont constitués d'une juxtaposition de formations forestières et de formations savanicoles. De nos jours, le paysage végétal est principalement constitué par les différents types de savanes : toute la Côte d'Ivoire septentrionale est le domaine des forêts claires et des savanes qui en dérivent. On distingue quatre types de savanes : boisée, arborée, arbustive et herbeuse.
Une déforestation massive au fil du temps
Aujourd’hui, 80 % des forêts de la Côte d’Ivoire ont disparu en 50 ans, sous la hache des exploitants forestiers, le feu et la machette des planteurs. La déforestation a considérablement bouleversé le paysage végétal ivoirien, notamment celui du Sud et a fait fondre entre 1880 et 1991, les 16 millions d'hectares de forêt primaire à quelques lambeaux de forêt secondaire, isolés entre les plantations et les jachères. Les 454 000 hectares du Parc national de Taï, dans le sud-ouest du pays, constituent le dernier vestige de l'ancien bloc forestier guinéen de forêt primaire du pays. Idem pour les formations forestières et arborées de savane, dont la superficie est maintenant inférieure à 3 millions d’hectares.
Une faune de forêts et de savanes
La Côte d'Ivoire possède 710 espèces d'oiseaux et 232 espèces de mammifères. Les mammifères se répartissent en 17 espèces de primates, 19 espèces d'antilopes, 12 espèces de chiroptères et 184 autres espèces de différents ordres. À lui seul, le parc national de Taï compte, par exemple, 47 espèces de mammifères sur les 54 connues pour la zone guinéenne, et 231 espèces d'oiseaux, pour la plupart éthiopiennes ; avec, dans de nombreux cas, une sous-espèce typique d'Afrique occidentale.
La principale caractéristique de la faune ivoirienne est la diversité des espèces que l'on peut y rencontrer. L'existence des grands fleuves aurait joué le rôle de barrières géographiques multipliant les sous-espèces dans plusieurs genres, notamment chez les singes. L'interpénétration des différents milieux végétaux assure la transition entre la forêt dense humide et la savane soudanaise. La progression de la zone des savanes, le « V » baoulé, aurait conduit à la présence, au centre du pays, d'espèces animales du milieu soudanais.
En Côte d'Ivoire, la mise en valeur de la faune par des safaris photos dans les parcs nationaux n'est encore que timidement amorcée dans ce domaine. Bien que moins spectaculaire que celle d'Afrique orientale ou australe, la faune de Côte d'Ivoire n'en constitue pas moins une potentialité touristique très intéressante. Les « amateurs avertis » représentent une clientèle non négligeable qui s'est déjà orientée, entre autres, vers la découverte et l'approche de familles de chimpanzés. De nombreuses autres perspectives ne demandent qu'à être exploitées. Plus d'informations sur le site de l'Office Ivoirien des Parcs et Réserves (www.oipr.ci).
Les problèmes de cohabitation et de braconnage
Mais la chasse intensive coloniale avec des armes à feu, puis le braconnage a décimé le pays de ses animaux sauvages. Selon l'une des rares études sur la question, dans la seule région de Lamto, sur les 63 espèces de mammifères présentes avant 1950, 36 seulement existaient encore en 1990, dont 13 de façon exceptionnelle. La perte en diversité des espèces est encore plus nette si l'on ne s'intéresse qu'aux grands et moyens mammifères : 39 espèces présentes avant 1950 et seulement 14 en 1990, dont 8 de façon exceptionnelle.
Le problème des rapports entre les responsables des parcs et les populations qui vivent à leur périphérie ne peut être ignoré. Pour ces populations, comme les Lobis dans le parc national de la Comoé, la chasse, associée à la culture des terres, est souvent le seul moyen de subsistance, et le fait que celle-ci soit interdite les prive d'une source de nourriture, voire de revenus. Ces populations ont donc tendance à considérer les espaces protégés comme des obstacles et des contraintes. En réaction, elles pratiquent le braconnage et font parfois pression pour tenter d'obtenir le déclassement partiel des terres afin d'étendre leurs activités (culture, chasse). Deux types de braconnages coexistent : d'abord un braconnage de type « familial » occasionnel. Il s'agit, le plus souvent, d'une activité traditionnelle faisant appel à des méthodes quelque peu archaïques ou à des armes rustiques. Son produit est essentiellement absorbé par la consommation familiale, l'éventuel excédent étant cependant vendu le long des voies de communication. Puis, un braconnage commercial, pratiqué avec des armes modernes et beaucoup plus destructeur que le précédent, les braconniers se mettant au service des commerçants et de personnes d'un rang privilégié qui leur fournissent armes et munitions.
L’éléphant, emblème du pays en voie d’extinction
L'éléphant, emblème national qui a donné son nom au pays tant les pachydermes y étaient nombreux à l'arrivée des colons, est en grave danger d'extinction dans le pays. La Côte d'Ivoire dispose même de deux espèces : l'éléphant de savane (Loxodonta africana) et l'éléphant de forêt (Lonxodonta cyclotis). Mais de la centaine de milliers d'éléphants présents au début du siècle en Côte d'Ivoire, on en comptait seulement 1 139 individus répartis dans 26 habitats en 2000. Ils ne sont plus que 300 aujourd'hui, réduits à quelques habitats les plus reculés et inaccessibles. Dans les forêts classées de Téné, Bolo, Okromodou et des parcs nationaux de la Marahoué, d'Azagny, plus aucune trace de pachyderme, déjà tristement éteint. Les reliques de groupes existants ne comptent que 3 à 6 éléphants contre des dizaines habituellement, enfouis aux confins des parcs nationaux de la Comoé et de la forêt de Taï. De plus, en dehors des aires protégées, les derniers éléphants sont exposés à des populations en colère, car ils détruisent leurs cultures. Une dizaine de conflits homme-éléphant est signalée chaque année dans le pays. De plus, la demande en ivoire asiatique, toujours très forte, dope le braconnage des éléphants en Afrique. À l'international, la Côte d'Ivoire fait partie des 9 pays d'Afrique qui demandent l'inscription de tous les éléphants à l'annexe 1 de la CITES – la plus protectrice –, qui prône l'interdiction totale de la vente d'ivoire. En 2023, le gouvernement ivoirien a adopté un projet de loi pour favoriser la conservation des éléphants, validé par les parlementaires en 2024, qui prévoit la création de "sanctuaires d'éléphants".
Un beau potentiel de parcs et de réserves
Les premières réserves de faune datent de 1953 : celles de Bouna et du Haut-Sassandra (actuellement les parcs nationaux de la Comoé et de Taï) et le parc national du Banco. Les autres territoires protégés de parcs et réserves ont été classés en 1968 et 1981. Ces 8 parcs nationaux et 6 réserves de faune et flore couvrent une superficie de 21 038 km², soit 6,53 % du territoire, et présentent un large échantillonnage des différents écosystèmes de Côte d'Ivoire.
Le terme de « diagonale écologique » a d'ailleurs été employé pour désigner la répartition dessinée par les deux parcs de la Comoé (en savane soudanaise) et Taï (en forêt dense humide), représentatifs des deux grands biotopes du pays. Trois aires protégées ivoiriennes sont par ailleurs inscrites au patrimoine mondial de l'UNESCO (parcs nationaux de la Comoé et de Taï, réserve intégrale du mont Nimba).
Parc national de la Comoé (1 149 150 ha). Prévu dès 1926 et fondé en 1953 sous le nom de « Réserve de Bouna », le Parc national de la Comoé a été rebaptisé en 1968. C'est l'un des plus anciens parcs naturels du pays, mais aussi le plus vaste, et de loin. C'est l'un des plus beaux sanctuaires de la biodiversité ouest-africaine, classé à l'UNESCO. Il se distingue par sa remarquable diversité faunique et végétale le long du fleuve Comoé qui s'étire sur près de 230 km. On y compte 620 espèces végétales, 135 espèces de mammifères, 35 espèces d'amphibiens, 60 espèces de poissons, 3 espèces de crocodiles, 500 espèces d'oiseaux et moult insectes comme les termites. Parmi les grands mammifères, on compte l'éléphant, le léopard, le chimpanzé, le lycaon, le calao, différentes antilopes, parmi les oiseaux remarquables, l'outarde de Denham, la pintade à poitrine blanche et le jabiru, et en reptile, le crocodile nain de forêt. Peu accessible aux touristes, il est également situé dans une zone à risque, frontalière du Burkina Faso, en proie à de multiples attaques terroristes depuis 2018. À tel point qu'en 2019, tous les acteurs du parc, préfets, chercheurs et organisations militaires, se sont réunis pour parler du problème. Au total, 300 militaires ivoiriens supplémentaires ont été déployés pour l'opération « frontière étanche » en juin.
Parc national de Taï (454 000 ha). Cet extraordinaire parc à la frontière du Liberia, réserve de biosphère et inscrit à l'UNESCO, est le dernier vestige de la forêt primaire qui tapissait le sud du pays avant sa déforestation massive. On y observe des mammifères intéressants : l'hippopotame nain, le céphalophe-zèbre, les antilopes jentink et bogon, le tout mignon pétauriste (écureuil volant nocturne). Mais surtout quantité de singes, à commencer par la star le chimpanzé (l'espèce commune Pan troglodytes et l'espèce naine ou bonobo Pan paniscus), le mangabé, le colobe blanc et noir, le colobe de Van Beneden, le cercopithèque diane, le mone de Campbell… Il existe un projet d'écotourisme communautaire à Taï avec nuit chez l'habitant et visite avec des éco-guides. Un écolodge confortable s'y trouve aussi ainsi qu'une mission catholique modeste.
Parc national de la Marahoué (101 000 ha). Situé au centre du pays, près de Yamoussoukro et du grand lac de Kossou, il compte quelques rares éléphants, bongos et waterbucks (type d'antilope) et buffles. Un centre d'accueil existe à l'entrée principale, ainsi que des points hauts d'observation, une mare aux éléphants et une aire de pique-nique.
Parc national du mont Sangbé (95 000 ha). Situé dans la région montagneuse entre Man et Séguéla, il est tapissé d'une très dense forêt et compte éléphants, buffles, léopards, chimpanzés, babouins, bubales, cobs de Buffon, hippotraques, guibs harnachés, ourébis, et antilopes royales. Sa difficulté d'accès n'a pour l'instant pas permis le développement touristique.
Parc national du mont Péko (34 000 ha). Dans le prolongement au nord de la forêt de Thaï vers Man, il abrite des chimpanzés, léopards, céphalophes, hippopotames pygmées, buffles… Pas de valorisation touristique actuellement.
Parc national d'Azagny (19 850 ha). Situé sur la côte entre Abidjan et San Pedro, vers Grand Laou, il compte des lacs, la merveilleuse embouchure du fleuve Bandama, et offre de sublimes paysages. On y observe une avifaune importante en saison sèche (site de migration), des buffles, des éléphants de forêt, des chimpanzés, et de rares lamantins protégés par le projet Ramsar. Il est aménagé de terrasses d'observations et miradors, on peut y faire des randonnées fluviales et des sorties en bateau, des randonnées sont organisables depuis Grand Lahou, tout proche.
Parc national du Banco (3 200 ha). Situé en plein cœur d'Abidjan, poumon vert et réserve d'eau, il est paradoxalement une réserve de forêt primaire encore intacte avec des essences rares (acajou, avoridés). On observe de nombreux oiseaux et singes en tous genres. Des hôtels plutôt luxueux et des chemins de randonnée existent ici.
Parc national des îles Éhotilé (550 ha). Situé sur la lagune éponyme près d'Assinie, il s'agit d'un archipel de six îles et du pourtour de la lagune. On y observe 138 espèces d'oiseaux, dont beaucoup de migrateurs en saison, des mammifères comme le céphalopode et le potamochère (sorte de phacochère), mais surtout une importante colonie de chauves-souris Roussettes des palmiers et des lamantins protégés par le projet Ramsar. La population riveraine du parc répartie entre 21 villages est de 30 000 habitants vivant de la pêche traditionnelle. Les touristes sont les bienvenus pour des balades en bateau et des randonnées guidées au départ d'Assinie.
Réserve du Haut Bandama (123 000 ha). Située dans le nord entre Bouaké et Khorogo, vers Katiola, elle est constituée de forêt-galerie bordant le fleuve Bandama et de savane soudanaise. La région est très sauvage et non touristique.
Réserve du N'Zo (96 000 ha). La Réserve partielle de Faune de N'Zo est en réalité accolée au parc national de Taï. Elle est recouverte d'une forêt dense humide sempervirente et présente la même faune. Elle n'est pas visitée actuellement.
Réserve de faune d'Abokouamékro (20 430 ha). Située près de Yamoussoukro, dans un environnement de savane, elle a été créée par Houphouët-Boigny en 1986 dans le but de faire des safaris-photos touristiques. Sa faune provient des parcs nationaux de Côte d'Ivoire et d'Afrique du Sud. Près de 757 animaux appartenant à 16 espèces sont introduits progressivement jusqu'en 1993, mais elle a ensuite souffert de braconnage dans les années troubles. Elle abrite encore des buffles, des bubales, des antilopes et des cobs de Buffon principalement, mais aussi quelques rares girafes et rhinocéros blancs encore en vie. La visite avec guide et garde forestier armé est possible à pied ou en 4x4, comme le camping.
Réserve naturelle intégrale du Mont Nimba (5 000 ha). Classée au Patrimoine par l'UNESCO, elle est située aux confins de la Guinée, du Liberia et de la Côte d'Ivoire, et comprend les alentours du Mont Nimba qui culmine à 1 752 mètres (le plus haut sommet du pays). La réserve abrite une flore riche, avec une forêt dense tapissant le massif jusqu'à 1 000 m, puis par une forêt de montagne riche en épiphytes. Elle compte surtout des espèces endémiques comme le crapaud vivipare ou les chimpanzés, qui se servent ici de pierres comme d'outils ! Étant donné sa situation géographique sensible aux confins des trois frontières, aucune visite touristique n'est prévue là-bas.
Réserve naturelle intégrale de Lamto (2 585 ha). Située à la pointe sud du V Baoulé au sud de Yamoussoukro, elle abrite une station écologie et une station géophysique et depuis 1961, elle accueille des programmes de recherche sur les écosystèmes de savane tropicale. C'est un site facile d'accès qui peut se visiter, où cohabite une importante population de buffles et de cobs de Buffon.
Réserve naturelle partielle de Dahlia fleurs (148 ha). La dernière née des réserves créée en 2004 est minuscule et située en périphérie d'Abidjan. Elle abrite 15 espèces de mammifères, 69 espèces d'oiseaux et elle est surtout propice à des balades pour s'aérer au vert et faire une pause avec le tumulte de la capitale.