Les origines du vaudou
Syncrétisme religieux entre les croyances traditionnelles yorouba, fon et éwé, le culte vaudou s'est développé lors de la fondation puis l'expansion du royaume d'Abomey (actuel Bénin), dès la fin du XVIe siècle. Avec la traite négrière, il s'est ensuite répandu en Amérique, principalement aux Caraïbes et au Brésil où il est largement diffusé. L'origine du terme vaudou vient du mot vodoun de langue fongbé, qui signifierait « se mettre à l'aise pour manger » en faisant référence à l'idée « d'esprit de partage avec les divinités ». Mais cette explication n'est pas reconnue par tous les adeptes du vaudou et l'origine du mot prête encore à polémique. Quant à son orthographe, le n final de vodun étant quasi inaudible pour les Européens non initiés, il a été enlevé pour former le terme vaudou, dont l'orthographe varie selon les pays et la phonétique apportée à l'époque par les colons. Qu'il soit orthographié vaudou, vodou, vodoun ou encore voodoo, le mot désigne les dieux ou les puissances invisibles que les adeptes essaient de se concilier, seul ou en groupe, pour atteindre le bonheur. Bien que le terme s'applique à des ancêtres divinisés, surtout dans les familles royales, le mot vaudou renvoie principalement aux forces de la nature comme l'océan, la mer ou la foudre. Il atteste l'existence d'un monde surnaturel, l'équivalent du culte yorouba des Orisha. Pour mettre en relation les deux mondes, le prêtre vaudou fait appel à l'esprit de Papa Legba, un iwa servant d'intermédiaire et de messager de dieu. Les rituels diffèrent selon les croyances traditionnelles des ethnies pratiquant ce culte, mais sont fondés sur les mêmes principes de mise en transe d'un ou plusieurs fidèles.
Le panthéon vaudou
Il existe plus de cent cinquante divinités vaudoues dont les esprits se manifestent la plupart du temps dans des objets inanimés de la nature, comme des pierres ou des arbres. On les appelle les iwa, voire les Mystères ou les Invisibles. Ils servent d'intermédiaire entre la divinité créatrice Mawu et les humains. Durant le culte, ils sont priés, honorés et loués en fonction de leur préférence et de leurs attributs au moyen d'offrandes, de danses et de rythmes sacrés, entre autres services rendus. L'un de ces principaux iwa est Erzulie, déesse de la beauté et de l'amour. Incarnant la figure du féminin, elle souhaite pour offrandes des objets de toilette, des parfums, des bijoux et des mets délicats. On peut également citer Ogun (Gu ou Gun, selon différentes orthographes), le dieu de la guerre et le patron des forgerons. Sa mission sur terre est d’en faire un lieu avenant pour accueillir les humains, mais cette tâche est loin d'être achevée. C'est un guerrier puissant et redoutable qui possède le pouvoir qu'a le fer de couper et de tuer. Parlons aussi de Mami Wata, la déesse de l'eau. Elle est décrite comme une femme noire d'une grande beauté, aux cheveux noirs et crépus. On la dépeint parfois sous les traits d'une sirène mi-femme, mi-poisson. Il faut se méfier de sa beauté fulgurante car selon les croyances, l'esprit enlève les gens pendant qu'ils nagent ou sur les bateaux. Elle les emmène dans son royaume aquatique. Si par chance la personne revient dans le monde des vivants, c’est généralement dans des vêtements secs, avec une intelligence spirituelle renouvelée. N'oublions pas les iwa Sakpata, dieu de la terre qui offre l'abondance des récoltes, et Hébiosso, vodun du tonnerre qui foudroie les scélérats. Papa Legba, quant à lui, joue le rôle d'intermédiaire et de messager des dieux. Sans lui, on ne peut entrer en contact avec les iwa. Son invocation permet donc d'ouvrir les portes entre le monde du visible et de l'invisible. Il est la personnification de la sagesse et de l'humilité. Les offrandes qui lui sont faites sont plus modestes que celles des autres iwa. Toutes ces divinités sont principalement le reflet de forces naturelles, d'ancêtres divinisés ou encore des puissances spirituelles. Elles permettent de garder une certaine harmonie entre les hommes, leurs groupes ethniques ou clans sociaux et la nature, où ils prennent ce dont ils ont besoin pour vivre sereinement.
Mawu, la divinité créatrice
Au sommet des divinités vaudoues, se trouve Mawu Lisa, dieu suprême qui règne sur les autres dieux. Sa personnalité est cependant mal définie et elle est considérée parfois comme un personnage androgyne, parfois comme deux esprits distincts. Pour les Fon, le monde aurait été créé par un dieu hermaphrodite, Nana Buluku, qui aurait donné naissance à des jumeaux, Mawu et Lisa. La femme, Mawu, a pour royaume la nuit et gouverne la lune. Plus âgée, elle est plus sage et douce que son frère-époux, Lisa. La nuit est d'ailleurs le temps du repos, de la fraîcheur et des rapprochements. Quant à Lisa, il a pour domaine le jour, avec comme élément fondateur le soleil. C'est un homme vif et rude qui représente l'effort, car le jour correspond au temps du travail. Toutefois, la majorité des fidèles au culte vaudou ne connaît que l'entité de Mawu Lisa. N'ayant pas de forme, la divinité n'est jamais représentée ni associée à des objets. C'est la créatrice des autres vaudous, dont leur rôle est d'être en relation avec les humains et le monde réel. Elle représente une entité à part entière plutôt qu'une personne. En langue éwé, Mawu signifie « ce que nul ne peut atteindre » ou « l'inaccessible », ce qui explique qu'il n'y ait aucun culte pour cette divinité. On ne fait que la remercier par des offrandes et la glorifier. C'est un esprit bienveillant envers toutes les créatures.
Les cérémonies vaudoues
Il existe différents rituels vaudous qui varient selon les coutumes propres à chaque ethnie. Toutefois, ils sont fondés sur les mêmes principes de mise en transe d'un ou plusieurs adeptes lors des cérémonies. Ces rituels sont pratiqués pour diverses raisons : pour soigner, lors de l'anniversaire d'un esprit, pour lui demander une faveur ou encore une protection. Ils sont présidés par un prêtre vaudou ou une prêtresse qui a pour rôle de mettre en relation les humains, le monde des esprits et celui des morts. En plus d'invoquer les iwa avec des paroles sacrées et des offrandes, il se sert d'un hochet, creusé dans une calebasse contenant des os de serpent, des graines ou encore des perles, qui symbolise son pouvoir. Au rythme des chants et tambours, le maître vaudou, et les initiés lors des cérémonies collectives, se met alors à danser jusqu'à entrer dans une profonde transe, de possession par les esprits. Parfois pour atteindre l'envoûtement, les adeptes réalisent plusieurs épreuves pour dépasser leurs limites. Dans la région de Sokodé, par exemple, les danseurs tournent autour du feu avant de marcher sur les braises ardentes, pieds nus. Certains les prennent même entre leurs mains pour se les passer sur le corps. Ce culte des esprits est également associé à la divination des fétiches qui sont investis de l'esprit du dieu vaudou lors de ces cérémonies mystiques. Empreints d'une grande symbolique cultuelle, ils sont ornés de plusieurs objets et matériaux, comme des ossements, des fourrures ou encore des fers rituels. Durant le rite, le féticheur verse plusieurs libations (sang de poulet, huile de palme, boissons alcoolisées…) sur les fétiches pour intervenir auprès du dieu. Le vaudou est d'ailleurs souvent assimilé à de la magie noire et à de la sorcellerie, notamment à travers le rituel des poupées, qui consiste à prendre le pouvoir sur une personne particulière à distance. Contrairement à la croyance populaire, la poupée vaudoue n'est pas seulement utilisée pour jeter des sorts à quelqu'un, mais peut être aussi employée pour une bonne cause : envoyer un charme, attirer la chance à quelqu'un, soigner une personne… Comme dans de nombreuses religions animistes africaines, les rites initiatiques vaudous marquent le passage de l'adolescent dans le monde des adultes. Pendant cette période, souvent un temps de réclusion dans une forêt sacrée, le jeune est initié à l'histoire, aux rites religieux, aux danses et au langage initiatique de son clan. Les rites d'initiation comportent également des épreuves destinées à augmenter la force physique et morale de l'initié. La plupart des cérémonies vaudoues se déroulent dans la sphère privée, souvent cachée, mais il existe des cérémonies collectives, ouvertes parfois aux non-initiés.
Le système de divination, Fa
Fa désigne à la fois le nom donné à l'oracle d'origine yorouba et un système de divination ancestrale. Il signifie en langue locale « là où les esprits vaudous viennent parler ». Selon plusieurs légendes, cette divination serait apparue dans la ville d'Ile-Ife, au Nigeria, avant de se répandre dans les pays voisins. Unique en Afrique, cette géomancie s'appuie sur un système complexe de seize figures divines principales et deux cent quarante signes secondaires. Les interprétations du prêtre vaudou, le bokonon, sont alors guidées par Fa, cet esprit prophétique considéré comme la divinité de la sagesse et du destin. Cette méthode est utilisée pour connaître son avenir et prendre des décisions importantes, qu'elles soient individuelles ou collectives. Sous la pression religieuse et l'influence occidentale, cette géomancie est de nos jours de moins en moins pratiquée. Les prêtres, devenus âgés, n'ont pas les moyens nécessaires pour transmettre ces connaissances mystiques, sans parler du manque d'intérêt croissant des jeunes d'aujourd'hui. Pour préserver cet art de divination ancestral, ce système de divination est inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'Unesco, depuis 2005.
Les sites vaudous incontournables au Togo
Pour vous imprégner du culte vaudou lors de votre séjour au Togo, plusieurs sites valent le détour. Tout d'abord, le marché aux fétiches d'Akodésséwa, situé dans le quartier est de Lomé, considéré comme la « pharmacie vaudoue ». Les initiés viennent y chercher les prescriptions des guérisseurs, sorciers ou féticheurs. Sur les étals, sont exposés des peaux d'animaux séchées et des crânes d'animaux tandis que dans des petites boutiques, on trouve diverses espèces d'oiseaux et de serpents vivants. De quoi préparer une bonne potion magique ! Berceau togolais du vaudou, Togoville est un village pas comme les autres, avec ses objets de culte devant les maisons, ses autels des ancêtres et sa myriade de fétiches. Le culte vaudou y est omniprésent sous différentes formes. On peut y assister à des fêtes traditionnelles comme celle du Yèkè-Yèkè qui marque le nouvel an vaudou ou encore à des cérémonies collectives, particulièrement au mois de septembre. Pour vivre au cœur de la culture vaudoue, une adresse incontournable : le parc Adjit'Art, où vous serez reçu chaleureusement par l'artiste africain et prêtre vaudou maître Ake O'Lokan.