Vers une meilleure éducation ?
Le Sénégal étant peuplé en majorité de jeunes de moins de vingt ans, l’éducation reste une priorité pour les pouvoirs politiques. Bien qu’on puisse noter quelques progrès en matière éducative ces vingt dernières années, le pays est encore loin de former suffisamment de cadres et de techniciens supérieurs pour gagner en productivité. L’analphabétisme est entre autres encore trop élevé, touchant près de la moitié de la population sénégalaise. Mais ce taux de 54,6 % dissimule de nombreuses disparités, selon l’âge, le sexe et le lieu de résidence. Ainsi, les femmes sont les plus touchées par ce fléau, elles qui abandonnent l’école pour aider leur famille aux champs ou se marier. Cependant, comme les mœurs évoluent et le système éducatif s’améliore, ce taux tendrait à diminuer dans les prochaines décennies. Déjà, le Sénégal affiche une progression remarquable en Afrique en matière de scolarisation à l’école élémentaire, dont le taux est passé de 54 % en 1994 à plus de 82 % en 2005. Certes, la loi de 2004 rendant la scolarité obligatoire et gratuite pour tous les enfants âgés de 6 à 16 ans, en est la principale raison, et montre la volonté de l’État d’offrir une éducation pour tous. Seulement au-delà des chiffres, se cache là aussi une réalité bien désolante : des écoles éloignées des villages, des classes bondées, du matériel insuffisant et des enseignants parfois médiocres. Beaucoup d’élèves décrochent, appelés par les obligations familiales, et seuls 43,7 % d’entre eux accèdent au secondaire. Il existe cependant une véritable élite sénégalaise, particulièrement à Dakar. Créée en 1957, l’université Cheikh Anta Diop à Dakar, qui abrite différentes facultés, a vu sortir de nombreux cadres sénégalais et étrangers de ses bancs. Longtemps considérée comme l’une des meilleures d’Afrique francophone, elle connaît une baisse de la qualité d’enseignement due à un trop-plein d’étudiants, toujours plus nombreux chaque année. Respectivement ouvertes en 1990 et 2007, les universités Gaston Berger à Saint-Louis et Assane Seck à Ziguinchor constituent, elles aussi, deux portes vers l’éducation aux populations les plus éloignées de la capitale. On compte également de nombreuses formations supérieures dans des établissements privés de renom, aux coûts plus élevés et rarement accessibles à toutes les bourses.
Polygamie ou monogamie, à chaque époux son choix
Pays à majorité musulmane, le Sénégal reconnaît depuis 1972 dans son Code du droit de la famille la polygamie, qui n’est autre que la polygynie, car seuls les hommes peuvent contracter plusieurs épouses. Lors de son premier mariage, qu’il soit musulman ou chrétien, l’époux doit ainsi faire le choix irrévocable de sa monogamie ou de sa polygamie. S’il opte pour la monogamie, il devra divorcer de son épouse avant d’en prendre une autre. Au contraire s’il se marie sous le régime de la polygamie, il pourra épouser jusqu’à quatre femmes. Bien que dans le milieu citadin cette pratique tende à diminuer, elle reste dans le milieu rural une tradition bien ancrée. On estime que près de 35 % des ménages sénégalais sont polygames. L’homme, qui s’impose alors comme chef de ménage, doit veiller aux besoins de ses femmes et enfants ainsi que les traiter de façon égale. Pourtant, qu’elles vivent dans la même concession ou chacune dans sa maison, il existe de nombreuses rivalités et jalousies entre coépouses. Aussi l’obsession d’une femme est-elle de garder tout l’intérêt de son mari pour éviter dans la mesure du possible qu’il aille voir ailleurs et surtout, pour ne pas partager ses privilèges avec d’autres épouses. Bien que les jeunes citadines désapprouvent cette pratique, parallèlement la polygamie attire de plus en plus de femmes intellectuelles qui y voient dans le rôle de seconde épouse, une forme de liberté et d’indépendance. Elles sont cadres, journalistes, informaticiennes, entre autres métiers, et apprécient ce temps pour soi, lorsque leur mari visite sa première épouse. Parfois aussi, ces jeunes intellectuelles, célibataires dues à la durée de leurs études, cèdent à la pression sociale de la famille, et se laissent prendre comme deuxième ou troisième épouse d’un homme souvent beaucoup plus âgé qu’elles. Au-delà de la religion, la polygamie est avant tout une tradition qui perdure dans la société sénégalaise.
La famille, noyau de la société sénégalaise
Dans ce pays en voie de développement, au chômage élevé et aux bas salaires, la famille tient une place primordiale dans la société. C’est en effet grâce à l’entraide et au soutien familial que les membres peuvent subvenir à leurs besoins. Dans les campagnes, la famille est soudée au sein d’une concession plus ou moins étroite, où les enfants devenus grands subviennent aux besoins des parents trop âgés pour travailler. Si l’un des membres a migré en Europe ou ailleurs, il aura le devoir d’envoyer tous les mois une partie de son salaire pour aider sa famille. On estime que chaque Sénégalais issu de la diaspora mande environ 1 000 € par an aux siens. Il existe au Sénégal, comme dans une grande partie de l’Afrique, un véritable respect accordé aux anciens. Dans ce pays aux traditions orales, les personnes âgées sont considérées comme des sages, gardiens des connaissances ancestrales transmises par leurs parents et grands-parents. Ici, point de maisons de retraite, les anciens sont intégrés au reste de la famille et bichonnés. On les consulte régulièrement pour leur sagesse, savoirs et conseils avisés. Lors d’un conflit dans le village par exemple, si aucune solution n’est trouvée entre les personnes concernées, le Conseil des Anciens se réunit pour trouver un arrangement par le dialogue, remplissant ainsi parfaitement leur rôle d’intermédiaires. Bien que la population ait tendance à s’urbaniser, il est encore peu fréquent de vivre seul au Sénégal, même si ce phénomène est de plus en plus répandu à Dakar. Cependant, pour le travail ou les études, le Sénégalais trouvera bien souvent un cousin, un oncle, une tante ou un ami proche pour l’héberger. Solidarité et hospitalité ne sont-ils pas les maîtres-mots de la société sénégalaise ?
Du marabout au griot, une société hiérarchisée
De même qu’au sein de la famille, la société sénégalaise se révèle à la fois complexe et hiérarchisée. Sans rentrer dans les détails, on peut estimer que les deux extrémités de cette échelle sont représentées par les marabouts en haut et les griots en bas. Un bon marabout est digne d’estime, on le consulte pour un oui ou un non, que ce soit d’ordre religieux, médical ou mystique. Ainsi, dans n’importe quelle ethnie animiste, le marabout sorcier est celui vers qui l’on va en cas d’envoûtement par les mauvais esprits ou par une personne souhaitant se venger, ou à l’inverse pour envoûter quelqu’un. Comme l’on ira voir, selon sa confrérie, un marabout spirituel pour des conseils d’ordre religieux ou même politique. Car ces guides jouent aussi un rôle économique et politique important dans la société sénégalaise, eux qui sont habilités à décider du vrai du faux, du juste ou de l’injuste pour une cour de fidèles, qui leur octroient une obéissance absolue. Jouissant d’un véritable pouvoir sur la population, ils sont utilisés comme administrateurs par les colons durant le développement de l’arachide, acquérant ainsi un rôle considérable dans cette économie. Aujourd’hui, ils sont impliqués dans la politique où ils n’hésitent pas à donner par exemple des consignes de vote. Tout en bas de l’échelle sociale, les griots. Ils sont le verbe de l’Afrique, son histoire et sa bibliothèque. Par leurs contes et musiques, ils transmettent coutumes et traditions, et chantent les louanges des lignées sénégalaises. Seulement ces conteurs d’importance, conviés à l’époque aux cours royales pour les plus grands, ces « réécrivains » de l’histoire sur commande étaient à la fois craints et méprisés. Il fut dit d’ailleurs au Sénégal qu’un griot inhumé faisait baisser le rendement de la terre là où avait lieu la cérémonie. Ils furent donc déposés debout, dans le tronc des baobabs, vêtus de leurs plus beaux habits, mais sans aucune cérémonie. Cette pratique fut interdite par Léopold Sédar Senghor en 1962.
Deux pratiques interdites
Mutilation sexuelle d’origine culturelle, l’excision est interdite au Sénégal depuis 1999 où elle peut être punie d’emprisonnement. Pourtant, près d’un tiers des Sénégalaises sont excisées et ce phénomène perdure dans les régions les plus profondes du pays où les coutumes sont bien ancrées, notamment chez les Peuls et les Toucouleurs. Dans les régions de Matam, de Sédhiou et de Kédougou entre autres, ce sont près de 90 % des Sénégalaises qui sont concernées par cette pratique, réalisée par les femmes âgées sur les plus jeunes. À la manière d’une coutume, elles perpétuent cette pratique de génération en génération, qui reste encore tabou dans la société. Cependant, de nombreuses femmes militent contre l’excision en organisant des campagnes de prévention et de sensibilisation dans les villages les plus retirés, afin de faire changer les mentalités. Quant à l’homosexualité, elle aussi interdite par la loi, elle est fortement dénigrée dans la culture sénégalaise, considérée comme un acte contre nature. Elle est passible de peine d’emprisonnement, allant d’un à cinq ans, et jusqu’à 1 500 000 FCFA d’amende. Difficile alors pour les Sénégalais de vivre pleinement leur homosexualité dans leur pays, où ils ont l’obligation de se cacher pour éviter les sanctions de l’État et les violences homophobes.
La prostitution et le tourisme sexuel, une triste réalité
Des plages de la Petite Côte aux bars de Dakar, la prostitution et le tourisme sexuel constituent des fléaux importants dans ce pays où de nombreuses familles vivent dans la misère. Les locaux restent certes les principaux clients, mais ces dernières années, avec l’augmentation des touristes sur le territoire, le tourisme sexuel a connu un véritable essor, faisant du Sénégal une destination phare pour ce genre de pratique. Il n’est donc pas rare de croiser à Saly, à Mbour ou même ailleurs, un homme blanc avec une jeune sénégalaise. Ou à l’inverse, une Occidentale d’un certain âge avec un Sénégalais viril. Dans cette étrange relation où l’argent a son pouvoir et où naissent parfois des sentiments, l’illusion peut être parfois la pire des trahisons. Certains Européens se laissent tenter par le mariage, et se rendent compte, bien trop tard, du faux-semblant de la relation. Certaines se retrouvent coépouses sans le savoir, d’autres sont une porte vers l’Europe, et encore d’autres se font soutirer de l’argent tout au long de la relation. Certains divorces pouvant être difficiles pour récupérer ses biens. Il ne faut bien évidemment pas stigmatiser tous les couples mixtes, car beaucoup sont aussi fondés sur la sincérité d’une relation amoureuse.