MUSIQUES TRADITIONNELLES
Au Tchad, partout dans le pays, la musique traditionnelle est courante, bien que très différente d'un endroit à un autre. Les instruments de musique utilisés par les différentes ethnies ne sont pas les mêmes : il y a les hu hu (un mélange entre des cordes et des calebasses), le kakaki (longue corne en métal) ou encore le kinde (harpe à archets). La tribu des Sara, située dans le sud du pays, utilise à la fois des tambours, des harpes, des sifflets et des balafons. Non loin d'eux, les Ngàmbáyes affectionnent plus particulièrement la musique vocale. À l'ouest, les communautés s'adonnent aux instruments à vent comme des flûtes ou des trompes. Dans les territoires plus désertiques, le balafon et la kora sont les plus courants, tandis qu'au nord, les artistes sont des orateurs ou des chanteurs, peu d'instruments viennent agrémenter leurs déclamations. Au fur et à mesure, certains instruments occidentaux sont arrivés au Tchad mais cela n'a pas altéré ni menacé le développement de la musique traditionnelle.
La musique traditionnelle a toujours été jouée lors de fêtes (naissances, funérailles, travaux des champs…). Elle est aussi beaucoup diffusée dans les radios locales. Pour pérenniser la pratique d'instruments traditionnels, certains événements ont émergé, comme La Nuit des balafonistes, pour mettre en avant le balafon, considéré pendant un temps en voie d'extinction, faute de relèves. Le festival « Sem ta doua » qui a lieu au printemps a eu pour objectif de donner rendez-vous aux musiciens traditionnels des quatre coins du Tchad pour partager ensemble leur passion. Quelques noms d'artistes résonnent encore aujourd'hui, comme Alifa Daï et Ngon Koutou.
MUSIQUES POPULAIRES
Le premier président de la République tchadienne, élu après l'indépendance en 1960, était un grand amateur de musique et en a fait une priorité. Grâce à certains de ses choix politiques, des œuvres ont pu être largement écoutées et constituent une culture commune importante pour les habitants. À l'instar de ce qui existe à cette époque-là au Congo, des premiers orchestres du pays émergent dans les années 1960 : Tchad succès arrive en 1962, Chari Jazz en 1964. Le style de ces orchestres est naturellement calqué sur la rumba congolaise. En parallèle, des groupes arabophones avec des sonorités orientales se font connaître. C'est le cas de Moussa Chauffeur, Djallali mais aussi Pékos.
Le hip-hop arrive, lui aussi, dans les années 1980, plaçant une musique engagée au cœur de la création. Il dépasse même la popularité du zouk ou du soukous, genres musicaux congolais très populaires. Les collectifs de rappeurs Komplyss, Les Banlyeuzar ou encore Toumai Rap sont des figures d'inspiration pour les jeunes générations. MC Solaar, rappeur franco-tchadien, en sera une également.
Doro Dimanta est un artiste de jazz tchadien qui a beaucoup œuvré pour la reconnaissance de la musique traditionnelle de son pays. Avec une vision particulièrement contemporaine de la musique, il a tenté de structurer une scène tchadienne musicale afin que les jeunes générations de musiciens n'aillent pas développer leur carrière au Congo, au Cameroun ou au Sénégal et qu'elles portent plutôt les couleurs du Tchad. Dans les années 1990, le groupe Pyramides parvient à tirer son épingle du jeu et va jouer à l'étranger. L'impulsion est alors donnée et on assiste enfin à un engouement, de la part de la population, pour la musique tchadienne. À partir de l'an 2000, des premiers studios d'enregistrement ouvrent leurs portes, quelques lieux de concert deviennent plus accessibles. Les artistes optent de moins en moins pour le français dans leurs morceaux mais utilisent davantage le ngambaye. Les groupes H'Sao ou encore Soubyanna revendiquent un style de musique pop, folk aux influences reggae, qu'ils qualifient de « saï », « dala » et « gourna » en référence aux danses traditionnelles du pays.
DANSE
Liée par nature à la musique, au Tchad comme dans beaucoup d'autres pays d'Afrique, la danse est l'objet même de la célébration, quelle qu'elle soit. Les danses traditionnelles sont transmises de père en fils, elles symbolisent l'agilité, la force, mais peuvent aussi être associées aux rites funéraires et aider à passer les épreuves de la vie. Dans beaucoup d'ethnies, des clochettes aux pieds des danseurs permettent de marquer le rythme, que la musique soit déjà présente ou non.
Au sud, les Sara (appelés aussi Mbaye) pratiquent la danse klag, qui consiste à bouger le buste à l'aide de ses bras sur le rythme, la lele est, elle, une danse du royaume d'Ouaddaï, à l'est, qui est une danse collective qui fait preuve de chorégraphies précises, mêlant hommes et femmes. La danse mbilé, qui puise sa source dans la ville de Kinda, consiste à imiter les animaux. Un véritable spectacle ! À l'ouest du pays, au Kanem, la danse traditionnelle pratiquée, surnommée la « danse des braves », consiste à se déhancher lentement, sans déplacement. Bien que ce soit une danse guerrière, tous les habitants ou participants à la fête, hommes et femmes, sont conviés à danser. Enfin, au Logone oriental, à l'extrême sud du Tchad, la danse Mbeul est impressionnante : avec leurs visages maquillés et costumes colorés, les danseurs marquent le rythme grâce à des morceaux de ferraille aux pieds, ainsi qu'un bâton qu'ils tapent au sol. Dans l'autre main, il n'est pas rare de voir les danseurs tenir des marteaux.
Conscientes que la transmission reste aléatoire et que certaines pratiques pourraient bien s'éteindre au fil du temps, des associations s'organisent pour préserver ces danses traditionnelles et les mettre en lumière lors d'événements. C'est le cas de Promudat (Festival de la Promotion des Musiques et de la Danse du Tchad), porté par l'artiste Issa Bichara alias Tchadiano qui tente d'alimenter les archives et de convier des groupes folkloriques à l'occasion de son festival à N'Djamena.
Quant au Ballet national du Tchad, il a été fondé en 1960 sous le nom de ballet Djingué, puis, en 1982, il s'est professionnalisé. Les danseurs qui le constituent offrent une vitrine des différentes danses traditionnelles du pays lors de leurs prestations dont certaines ont lieu à l'étranger. Le Ministère de la Culture a décidé de soutenir le Ballet dans le but de promouvoir les traditions culturelles tchadiennes. En 1977, il se distingue lors du Festival des arts nègres à Lagos (Nigeria) où il remporte une médaille d'or, il reçoit aussi une médaille d'argent aux Jeux de la francophonie au Canada et une médaille de bronze aux Jeux de la Censad au Niger.
Les danses dites « modernes » ont également fait leur place au Tchad. Le hip-hop, allant de paire avec le rap qui a émergé dans les années 1980, s'imprègne des danses traditionnelles et aussi de ce qui se passe au Cameroun. Dans la capitale N'Djamena, il suffit de traverser le fleuve Chari pour se retrouver dans le pays voisin, qui, lui, a déjà vu se former des groupes de danse hip-hop. Certains artistes comme Rodrigue Ousmane conçoivent un style bien à eux, s'inspirant aussi de la danse contemporaine internationale. Depuis quelques années, plusieurs collectifs tchadiens se font connaître, c'est le cas de Toumaï dance ou encore d'Omaac Dance Banatt Tchad, un groupe exclusivement féminin. Tous deux participent à des compétitions ou des festivals dédiés qui ont lieu majoritairement à N'Djamena ou à Moundou. Parmi eux, le festival Koura Gosso, fondé en 2017, a pour vocation de mettre en avant les artistes émergents du Tchad.
THÉÂTRE
Comme pour la danse et la musique, le théâtre souffre aussi d'un manque d'investissements publics : la culture fut valorisée après la proclamation de l'indépendance, mais ces dernières années, plusieurs scènes artistiques peinent à se révéler et à s'institutionnaliser. Le Tchad compte plusieurs artistes investis et des compagnies de théâtre mais les lieux de diffusion sont très peu nombreux. En contrepied de ce défaut d'institutionnalisation, certaines figures investissent l'espace public pour jouer des pièces ou déclamer des poèmes. D'autres décident de monter leurs propres structures : c'est le cas de Baba Moustapha, dramaturge, qui a décidé d'initier une compagnie. Dans la capitale tchadienne, une Maison de la culture porte même son nom. Des événements artistiques pluridisciplinaires y sont encore organisés, comme par exemple les 72 heures des Arts et de la Culture tchadienne, lancées par la Compagnie artistique Mandargué. Son directeur, Issakha Digadimbaye, souhaite, comme beaucoup d'autres, relancer la scène théâtrale du pays. Et ce, dans toutes les provinces tchadiennes. La Compagnie artistique Mandargué a pris la décision de faire tourner une caravane baptisée « Al-Moussama » à travers le pays. L'objectif est simple : amener théâtre, mais aussi musique et danse, aux populations les plus reculées et véhiculer un message de paix.
Certains estiment que le cinéma tchadien est en meilleure posture que le théâtre, permettant aux talents du pays d'être plus largement diffusés à l'étranger, parfois de passer par le divertissement télévisuel à défaut de monter sur les planches d'un théâtre. L'Institut Français du Tchad tente de proposer une programmation éclectique, valorisant à la fois le cinéma, mais aussi le théâtre, sans oublier la danse et la musique tchadienne. Les compagnies émergentes y sont accueillies, ainsi que les troupes folkloriques, permettant de donner une place significative aux artistes locaux. Des festivals comme Wassou Boom (compétition de danse urbaine et danse traditionnelle) ont même lieu dans les jardins de l'institution française. Un lieu à ne pas négliger donc lors d'une visite à N'Djamena.