Découvrez le Congo Brazzaville : Architecture (et design)

La République du Congo, souvent appelée Congo-Brazzaville pour la distinguer de son imposante voisine la RDC, est un petit pays au très riche patrimoine architectural. Elle conserve ainsi d’étonnants sites témoignant de l’histoire de ses grands royaumes à l’architecture sacrée. Une dimension spirituelle que l’on retrouve dans l’habitat vernaculaire qui fait aussi la richesse du pays. Mais c’est surtout durant la période coloniale que la République du Congo va connaître un développement sans précédent. Brazzaville et Pointe-Noire vont se transformer en authentiques laboratoires du modernisme, accueillant les réalisations de grands noms de l’architecture française. Depuis son Indépendance, le pays connaît une urbanisation croissante qui s’accompagne de défis colossaux à relever, dans un contexte politique souvent complexe. Mais cela ne l’empêche pas de regarder fièrement vers l’avenir, les pieds solidement ancrés dans ses riches traditions !

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Origines et traditions

Tout au long de son histoire, la République du Congo fut marquée de l’empreinte des grands royaumes qui y imposèrent un pouvoir tout à la fois politique et spirituel, l’architecture étant un moyen de l’illustrer aux yeux de tous. Parmi les témoins de ces royaumes se trouve le Domaine Royal de Mbé qui constituait le maillon central du Royaume de Téké. Dans la tradition Téké, une capitale était abandonnée chaque fois qu’un souverain mourait. Une fois abandonnée, la capitale retournait alors à la nature pour devenir forêt sacrée. Ici, les vestiges du domaine royal comprennent l’ancienne capitale Mbé et la résidence de la reine, auxquelles s’ajoutent des éléments magico-religieux telles les sources et chutes d’eau sacrées délivrant l’eau nécessaire aux rites royaux, et une aire sacrée où s’effectuaient les rites initiatiques.

Autre site historique phare : l’Ancien Port d’Embarquement des Esclaves de Loango. S’y découvrent tout à la fois l’histoire du Royaume de Loango, dont le témoin phare est le Palais Royal aux vastes pièces aujourd’hui transformées en musée, et l’histoire de la traite négrière. Stèle marquant le départ des caravanes, marché des transactions et débarcadère marquent ce qui fut l’une des plus grandes opérations de déportation transocéanique. Les arbres sacrés, eux, montrent que malgré tout, les populations du pays ne renonçaient jamais à leurs identités et leurs traditions, opérant des rituels protecteurs des âmes avant le départ. Un site extrêmement émouvant pour ne jamais oublier.

Ce rapport à la nature est également très présent dans l’architecture vernaculaire. Originellement, les villages étaient surtout construits en hauteur, au sommet de collines, permettant ainsi aux habitants de se prémunir des attaques et des inondations. Aujourd’hui, cependant, beaucoup s’établissent à proximité des voies de communication, qu’elles soient fluviales, routières ou ferroviaires. L’unité de base du village est le clan qui occupe un quartier, souvent séparé des autres quartiers par des haies végétales. La végétation est également présente à l’intérieur des villages, avec une importance toute particulière donnée aux arbres fruitiers. Parmi les constructions phares du village se trouvent : la maison des hommes aux murs en brique cuite ou crue ou en poto-poto et souvent blanchis à la chaux et ornés de motifs ; la case-cuisine, lieu réservé aux femmes ; la case à palabres où la communauté se réunit et qui peut aller d’une forme sommaire (poteaux soutenant un toit de chaume ou de tuiles de palmier-raphia) à une forme plus élaborée (construction en pisé) ; les fours (à pain et à brique) ; les étables ; les greniers et poulaillers ; et les séchoirs à fèves de cacao, petites cases fixes aux toits couverts de nattes ou de tôles possédant des rails sur lesquels coulissent les claies de séchage… une structure leur valant le surnom de « séchoirs autobus » ! En matière d’habitat individuel, les cases ont le plus souvent un plan rectangulaire avec des toits coniques ou à 2 ou 4 pans. Dans les zones de savane, les matériaux privilégiés sont la paille ou les tuiles végétales pour le toit, et le torchis (mélange de boue et de paille ou de feuilles de palmier) pour les murs. Dans les zones forestières, les toits sont le plus souvent réalisés à l’aide de tuiles de bambou ou de feuilles de palmier tressées. Les murs, eux, sont généralement construits à partir de boue appliquée sur des lattes de bois ou raphia formant un système de clayonnage. Dans le Sud, on peut aussi voir des maisons en planches éclatées. Aujourd’hui, ces matériaux naturels ont tendance à laisser la place aux matériaux plus modernes que sont le béton et la tôle. Malgré tout, certains habitats traditionnels fascinants perdurent. C’est le cas des huttes pygmées entièrement réalisées en matériaux végétaux. Ces huttes consistent en un cadre de bois souple plié en forme de dôme sur lequel on vient appliquer de fins branchages puis de grandes feuilles, auxquels viennent s’ajouter diverses fibres végétales destinées à rendre l’ensemble plus solide et étanche. Les Bangangulu ont développé de longues cases dont les murs nervurés sont réalisés en nattes de palmier-raphia tressées, le pignon étant souvent flanqué d’une véranda. En pays Batéké, certaines cases sont entièrement construites en paille, les murs étant faits d’éléments pouvant être facilement démontables, comme des plaques en paille tressée. Les Téké sont également célèbres pour leur travail du décor que l’on retrouve dans leur mobilier en vannerie et dans leur art des planches en bois peintes de couleurs vives et aux motifs géométriques animant les murs des cases.

Période coloniale

Le premier établissement français voit le jour en 1880. Le territoire s’organise alors en concessions pour favoriser l’exploitation des ressources. Aujourd’hui quartier de Brazzaville, Poto-Poto fut fondé en 1900 sur des terrains marécageux. Très vite, l’administration coloniale souhaite marquer le territoire de son empreinte. Poto-Poto est alors entièrement repensé selon un plan directeur en damier. De cette époque subsistent quelques cases de briques aux toits de tôle à 4 pans. Autre lieu à faire l’objet d’un grand plan d’urbanisme : Pointe-Noire. Dès les années 1920, la ville devient un centre commercial et économique, notamment grâce à l’avènement du chemin de fer. L’administration coloniale divise alors la cité en « zone européenne » et « zone indigène ». Avec l’augmentation de la population, la ville s’agrandit de façon radiale avec l’ajout de couronnes reliées par des grandes avenues, dont l’aspect rectiligne doit rappeler le Paris de Haussmann. Le découpage en îlots et parcelles quadrillés permet à l’administration coloniale de mieux gérer les « zones indigènes ». La ségrégation spatiale et raciale se lit de façon évidente dans la nature des constructions qui, dans les « zones indigènes », restent précaires et le plus souvent réalisées en matériaux de récupération. En « zone européenne », au contraire, tout est codifié et réglementé (proportions, alignements, matériaux employés, styles) et une grande importance est donnée aux espaces verts qui « aèrent » l’espace urbain. Un schéma que l’on retrouve également à Brazzaville qui conserve la plus ancienne cathédrale d’Afrique Centrale : la Cathédrale du Sacré-Cœur, à l’impressionnante silhouette de briques. Avec ses arcades, balustrades ajourées et autres pilastres ornant les façades de ses ailes symétriques, le Palais du Peuple est un autre exemple d’une architecture coloniale aux échos ici néoclassiques. Il faut attendre l’après-guerre pour que de nouveaux styles apparaissent. Avec sa véranda sur pilotis dont les courbes rappellent celles d’un paquebot, la blanche et épurée Villa du Directeur de la Caisse Centrale d’Outre-Mer à Brazzaville est un très bel exemple d’Art déco. En parallèle, de nombreux fonctionnaires originaires du Sud-Ouest de la France vont amener avec eux les traditions architecturales de leur région d’origine. Entre modernité et rusticité, le néo-basque, avec ses colombages, ses toits très pentus en tuiles et ses volets colorés, est très populaire. Dans le Quartier du Clairon à Brazzaville, les anciennes maisons d’officiers en sont de parfaits témoins. Mais c’est sans aucun doute la Gare de Pointe-Noire qui offre le plus bel exemple de cette modernité historicisante. Elle se veut une copie de la gare de Trouville ! Voyez ses arcades, sa tour d’horloge et ses pignons élevés. C’est à cette époque que Brazzaville-la-verte, comme on la surnomme alors, va se transformer en véritable laboratoire architectural et voir naître un étonnant modernisme tropical. Les Maisons Tropicales de Jean Prouvé en sont de célèbres représentantes. Conçues dans les ateliers du maître à Nancy, ces structures préfabriquées furent remontées, notamment Avenue Paul Doumer, non loin de la grande Poste de Brazzaville. Si elles ont subi modifications et dégradations au fil des années, elles n’en conservent pas moins ce qui fit leur grande modernité dans les années 1950 : superbes pièces de carrosserie d’aluminium ajourées de rainures de ventilation et des fameux hublots Prouvé, auvents et brise-soleil réglables, balcons et vérandas aux élégants garde-corps. Jean Prouvé participa également à une autre réalisation phare de l’époque : l’Unité d’Habitation d’Air France, surnommée « l’immeuble rouge » par les habitants du fait du grès rouge dans lequel il est construit. Conçu en 1952 par 4 disciples de Le Corbusier, l’immeuble reprend les grandes idées du maître moderniste avec ses 140 m de long ponctués de brise-soleil et cheminées d’aération, et surplombés de toits-terrasses. A l’intérieur, le mobilier avait été entièrement pensé par Jean Prouvé et Charlotte Perriand, l’une des plus grandes figures du design français. Malheureusement, beaucoup de ses trésors furent pillés pendant la guerre civile lorsque l’immeuble servi de QG aux militaires. Henri Chomette, architecte qui œuvra dans nombre de colonies françaises, réalisa l’Immeuble de la Société Générale et Henri-Jean Calsat dota la capitale de son premier Hôpital Général. Mais les deux plus grands artisans de ce renouveau moderniste sont Roger Lelièvre, plus connu sous le nom de Roger Erell (en référence à RL ses initiales !), et Jean-Yves Normand. Grande figure de la Résistance, Roger Erell est choisi par De Gaulle lui-même pour travailler au service des Travaux Publics de Brazzaville qui, en 1941, est la capitale de la France Libre. Son crédo est simple : allier toutes les nouveautés de la modernité aux potentialités des matériaux et styles locaux, à l’image du grès mauve qui abonde sur les rives du fleuve Congo. C’est à lui que l’on doit la Basilique Sainte-Anne avec sa grande toiture de tuiles vernissées en écaille de couleur verte rappelant la peau d’un serpent, ses grandes ouvertures sans vitraux pour permettre une aération constante, et sa grande voûte de maçonnerie protégeant un plan à nef et absides tréflées. L’université Marien-Ngouabi avec sa façade aux claustras géométriques, le Phare de Brazza ou bien encore le Stade Félix Eboué sont aussi signés Erell. Mais sa plus célèbre réalisation reste la Case De Gaulle, actuelle résidence de l’Ambassadeur de France. Pensée comme « une case de passage pour les hôtes de marque », elle reprend les codes d’un classicisme moderniste comme on peut le voir à Paris avec le Palais de Chaillot. De grès et de béton, pilastres, balustrades protégeant les terrasses et claustras servant de brise-soleil animent ce bel édifice. Roger Erell va collaborer avec Jean-Yves Normand pour repenser l’urbanisme de Brazzaville. De grands axes sont alors utilisés pour bien délimiter les différentes zones de la ville. Les deux architectes s’intéressent tout particulièrement à l’Avenue Foch qu’ils dotent d’imposantes arcades protégeant les piétons du soleil et de la pluie. L’avenue crée de belles perspectives sur l’Hôtel de Ville réalisé par Normand. Ses 2 façades superposées en quinconce sont ornées de rangées de 7 colonnes, en référence aux 7 arts. Son large perron aux dalles noires et blanches impressionne. Le Palais de Justice est une autre de ses très belles réalisations et un chef d’œuvre de cette architecture climatique qui ne laisse rien au hasard pour s’adapter parfaitement à l’environnement : disposition des structures en fonction des vents dominants et de l’exposition au soleil, portiques créant de larges zones d’ombre, larges baies avec des cloisons mobiles pour moduler air et lumière, mobilier en bois local. Une référence à l’histoire locale que l’on retrouve dans son Eglise Notre-Dame-du Rosaire dont la façade reprend le modèle du Ngongui, cloche traditionnelle du Congo.

Depuis l’Indépendance

Pour célébrer son Indépendance, le pays se dote de constructions modernes qui font la part belle au matériau phare de l’époque, le béton. D’anciennes structures sont également remplacées, à l’image de la Gare de Brazzaville. Une manière de rompre définitivement avec le passé colonial. Les églises aussi changent de silhouette comme le montre l’Eglise Saint-Christophe de Pointe-Noire avec ses murs en parpaings recouverts d’enduit ponctués de claustras et sa charpente métallique supportant un toit en tôle galvanisée. Modernité et sobriété dominent. Comme beaucoup de ses voisins, la République du Congo attise les convoitises et les capitaux étrangers, russes et chinois notamment, qui financent de nombreux projets de construction, tels le Palais des Congrès et l’Ecole d’Administration et de Magistrature. Très vite, le pays connaît également une urbanisation galopante qui entraîne de graves problèmes de logements. On estime que 70% de la population vit en ville, dont 37% rien que dans la zone de Brazzaville. Sans véritable réglementations ou plans d’aménagement, la capitale croit de façon anarchique, voyant naître de nombreux quartiers d’auto-constructions sommaires. Des programmes de travaux sont parfois lancés mais leur mise en pratique est compliquée par des problèmes de coûts comme dans les quartiers Jacques Opangault ou Talangaï. Même si ce dernier fut désenclavé grâce au grand viaduc à haubans Talangaï-Kintélé long de 6 865 m. Malgré cela, le pays lance de grandes réalisations pour montrer sa prospérité économique, en particulier des tours, dont la Tour Nabemba de 106 m de haut, et les Tours Jumelles du quartier Mpila, inaugurées en octobre 2023, et qui dominent la ville du haut de leurs 135 m. Aux contraintes d’urbanisation s’ajoutent également les problèmes liés au réchauffement climatique. Pour tenter d’y répondre, certains architectes font le choix de réalisations plus durables, sans toutefois faire l’impasse sur la modernité. Le Centre des Congrès de Kintélé en est un bon exemple. De grandes colonnades assurent une protection contre les éléments tout en ouvrant les espaces vers l’extérieur, les fenêtres sont enfoncées profondément dans les murs et protégées de claustras, l’eau est partout présente sous forme de fontaines et cascades offrant de véritables îlots de fraîcheur, tandis que les couleurs naturelles de l’édifice lui permettent de s’inscrire harmonieusement dans son environnement qui n’a été que très peu modifié, les architectes ayant essayé de limiter au maximum les excavations. Le Musée du Cercle Africain à Pointe-Noire, lui, est un bel exemple de ce que peut offrir la réhabilitation. De larges terrasses et des espaces scéniques et modulaires ont été ajoutés à l’édifice Art déco de 1947. D’autres projets intéressants devraient voir le jour, telle la tour des bureaux d’Africanews à Brazzaville. Perchée sur 4 piliers aux allures de totem, la tour devrait également posséder une double couverture en bois et un toit-terrasse végétalisé avec partout repris le motif traditionnel du losange, comme un trait d’union avec les richesses du pays. Affaire à suivre !

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