La rumba congolaise
La rumba vient-elle de Cuba ou du Congo ? Les historiens ont débattu et s’accordent à dire que la rumba congolaise est née d’une danse appelée le « kumbia » (mot qui signifie « nombril »), qui fut pratiquée dans le royaume Kongo, lors de la période pré-coloniale. Cette « danse du nombril », qui invitait homme et femme à danser « nombril contre nombril », a traversé l’Atlantique avec les esclaves arrachés à leur terre dont certains ont été débarqués à Cuba. Le glissement géographique a aussi permis d’observer une mutation dans le nom de cette fameuse danse. Le « kumbia » devient alors « rumba » à Cuba et marque les esprits en 1933, lors de l’Exposition universelle de Chicago, durant laquelle les descendants des anciens esclaves noirs de Cuba présentent pour la première fois cette danse, ce qui produit un écho sur le monde entier.
Rapportée par cargo en Afrique lors d’échanges continentaux, la rumba voyage alors à travers les « coastmen », ces ressortissants africains qui travaillaient sur les bateaux et qui empruntaient un style artistique propre aux « crooners » européens tels que Tino Rossi et Dario Moreno pour en influencer leurs interprétations une fois revenus en Afrique… Certains artistes tels que Serge Essou, Célestin Kouka, Nino Malapet, ou encore Edo Nganga portent la rumba à Brazzaville dans les années 1950, jusqu’à former le groupe des Bantous de la Capitale, l’un des premiers orchestres du pays. Le projet se lance dans le premier bar dancing de Brazzaville, Le Faignond, dans le quartier de Poto-Poto. Il resta en place malgré les aléas politiques du Congo. D’autres n’ont pas eu cette chance et l’auteur-compositeur Franklin Boukaka se fera assassiner en 1972 en appelant, dans l’une de ses chansons, à l’unification des deux Congos.
L’un des artistes congolais les plus emblématiques impactant la culture du pays tout entière à ce moment-là est Papa Wemba, reconnaissable avec son béret Molokai et l’usage, dans ses morceaux, du lokole, un instrument de musique traditionnel.
Dans les années 1980, la rumba évolue progressivement vers des styles plus internationaux, les couleurs jazz, reggae, funk et antillaises apparaissent. La rumba donne d’ailleurs naissance à de nouvelles esthétiques congolaises, le soukous et le ndombolo, devenues très populaires aujourd’hui.
La rumba congolaise est inscrite au patrimoine immatériel de l’Unesco depuis 2021… aux côtés de la rumba cubaine.
Des styles musicaux influencés par la rumba
Une scène jazz plus large émerge dans les années 1990 et est héritière directe de la rumba congolaise, de la tradition des orchestres également. Quelques groupes sortent du lot, parmi lesquels New Jungle Quartet. Des événements font également leur apparition, comme le festival Brazza jazz fusion et quelques clubs de jazz tentent de faire leur place dans le pays.
Ndombolo. C’est à la fin des années 1990 que l’on entend pour la première fois parler du ndombolo, un style dérivé de la rumba congolaise caractérisé par un « atalaku », qui scande des animations vocales au rythme des percussions et des guitares. Originaire du Congo-Kinshasa, le style arrive rapidement au Congo-Brazzaville et des grands noms du ndombolo deviennent incontournables pour la population : Extra Musica, Koffi Olomidé, JB M’Piana…
Le soukous dérive aussi de la rumba congolaise et vient du « sébène » qui est la partie de la rumba la plus rythmée, la plus instrumentale, incarnée notamment par les guitares. Avec son tempo rapide, dansant, le soukous prend ce nom signifiant « secousses » en français. Musicalement, des cuivres, une batterie, une basse et quelques guitares constituent l’orchestre.
Musiques urbaines
La rumba congolaise, le ndombolo, le jazz, le soukous se sont immiscés dans l’émergence d’autres styles : la musique urbaine en intègre des « gimmicks » (des bribes de notes). Le hip-hop s’impose dans les années 1990 chez les jeunes générations congolaises grâce aux cassettes reçues des « cousins » qui vivaient en France. Le premier groupe qui apparaît à Brazzaville fut Warriors for the Peace, puis arrive en 1997 Bisso Na Bisso, collectif fondé par le rappeur Passi. Il faut attendre la fin de la guerre civile pour que des événements tels que le Festival panafricain de musique (Fespam), à Brazzaville, donnent une légitimité à ce nouveau mouvement. De nombreux artistes de la sphère hip-hop ou rap rayonnant en Europe viennent du Congo-Brazzaville.
Depuis quelques années, l’Institut français du Congo organise le festival Congo-B, mettant en lumière les musiques urbaines du Congo, mais aussi de la Côte d’Ivoire.
Danse
Au Congo, la danse est une évidence. Les styles se croisent : les danses folkloriques traditionnelles se mêlent aux danses plus « modernes », associées aux sonorités musicales congolaises. Leur point commun : toutes sont techniques et sont prises très au sérieux par les Congolais !
Pour chaque style de musique, on trouve une danse correspondante au Congo : ainsi la rumba congolaise est une langoureuse danse de couple, le soukous repose sur un déhanchement énergique, le ndombolo fait appel à des mouvements coordonnés des bras, jambes et bassin. Il ne faut pas oublier le coupé-décalé, dont les mouvements simples et populaires ont permis au style de voyager dans toute l’Afrique. Tous ces danses sont pratiquées par la jeunesse congolaise dans les boîtes de nuit depuis plusieurs décennies.
Les danses traditionnelles des ethnies existent aussi et alimentent, depuis toujours, la passion du peuple congolais pour la danse (et la musique, puisque l’un ne va pas sans l’autre). Chaque région possède d’ailleurs sa propre pratique chorégraphique emblématique : on trouve les danses sur échasses au Niari, l’ekongo des Batongo, la sanza ou l’olelanga des Bateke… les rituels des Pygmées, ethnies habitant dans les forêts du nord du pays, sont particulièrement reconnus. Sur une polyphonie qui leur est propre, ils mêlent harpe arquée, harpe-cithare, arc musical, flûte, pour marquer une danse précieuse, exécutée pour les cérémonies.
Dans le Lékoumou, à l’ouest du pays, dans les ethnies Yakas et Lalis, on peut observer le mukissi, danse rituelle destinée à guérir les malades. Hommes et femmes exécutent une chorégraphie qui consiste à balancer ses pieds d’avant en arrière et tourner sur soi-même. Le mvuli et le mungala, chez le peuple Kota, offre des solos de danseur, où des mouvements acrobatiques sont pratiqués. Parfois, une chaise apparaît comme accessoire pour cette performance. Chez les Punu, c’est la danse des jumeaux qui fait parler d’elle : elle intervient pour vénérer les fratries de jumeaux, considérés comme des génies de l’eau. Comme une transe de possession, la danse est intense et portée par une musique plutôt entraînante. Elle est menée par des femmes, placées en cercle, frappant le sol avec leurs pieds sur le rythme des chants récités.
Théâtre
L’art théâtral est hérité, au Congo, des colonies. Avec une affection particulière pour la transmission orale, cette pratique bien qu’arrivée tardivement dans la culture congolaise, parvient à se répandre de manière significative dans tout le pays. Alors sous emprise coloniale au début du XXe siècle, ce sont les sujets de propagande qui sont mis en avant dans les pièces de théâtre, puis viendra ensuite le divertissement. Dans les années 1960, Segolo Dia Mahungu, jeune militaire ayant fait ses études en France se fait connaître pour ses imitations de Louis de Funès. Il fonde alors la première troupe de théâtre congolaise, baptisée Kongo Lungueni. D’autres troupes voient le jour à Brazzaville. Les pièces évoquent alors la culture congolaise bien qu’elles soient majoritairement interprétées en français. Il faut attendre la fin de la guerre civile pour que le théâtre congolais prenne un nouveau souffle. Relevant la tête, Dieudonné Niangouna, metteur en scène et comédien crée sa compagnie Les Bruits de la Rue en 1997. En juillet 1999, l’homme de théâtre Matondo Kubu Turé, présidant l’association Nouvel’Art, engage un partenariat avec le Centre culturel français de Brazzaville pour animer chaque mois une activité culturelle.
Ces événements sont extrêmement suivis par le public et beaucoup d’artistes se font connaître, parmi lesquels Sylvain Bemba, dramaturge, homme politique et homme de lettres. Des festivals découlent de cet engouement à Brazzaville comme Mantsina sur scène et Maloba.
Théâtre de marionnettes
Dérivé du théâtre et de la danse, l’art de la marionnette prend aussi racine en République du Congo. Masques ou sculptures en bois ont été créées dès le XVIIe siècle à des fins de culte, de divination, de médecine ou de funérailles. Certains chefs-d’œuvre du genre sont conservés dans des collections d’art africain et parfois dans les musées. Les « nganga », guérisseurs des tribus, procédaient parfois à des séances médicales théâtralisées dans le but de conjurer le mauvais sort… Les marionnettes étaient mises en scène notamment lors du kiébé-kiébé, manifestation majeure du théâtre de marionnettes congolais. Cet art ressemble à une danse, agrémentée naturellement de musique et fait aussi penser à une compétition entre les protagonistes incarnant les marionnettes. Plusieurs ethnies sont associées au kiébé-kiébé : les Kuyu, les Mbochis et les Makua. La légende raconte que cette pratique avait d’abord été inventée pour les femmes exclusivement dans un but ludique, mais, après avoir été accaparée par les hommes, le kiébé-kiébé devint une danse guerrière… C’est pour cette raison qu’il est possible que cet art traditionnel soit d’abord assimilé comme étant une danse, et non comme un théâtre de marionnettes.
Si dans les années 1960, des troupes itinérantes parcouraient le territoire congolais pour donner des spectacles, à l’heure actuelle, il ne reste plus que quelques marionnettistes qui cherchent à impressionner les touristes dans les rues de Brazzaville.