Découvrez le Cameroun : Les enjeux actuels

Le Cameroun a vu son économie tirée par le haut par le café, le cacao, la banane et le coton jusqu’en 1977, ensuite par le pétrole jusqu’en 1985, puis par le bois. Entré depuis 1986 dans une crise économique sévère (en grande partie due au choc pétrolier) et dont il ne s’est toujours pas entièrement relevé, le pays a dû mettre en place des réformes afin de répondre à l’ajustement structurel requis par le FMI, et qui n’ont pu tous être menés à bien. En 2021 les conséquences de la crise sanitaire de la covid-19 ont incontestablement contribué à l’augmentation de la dette publique. En septembre 2023, l’endettement du Cameroun est évalué à environ 12 500 milliards de FCFA (soit un peu moins de 21 millions dollars US). Malgré des mesures gouvernementales instaurées sur la base des propositions du GICAM (le Groupement inter-patronal du Cameroun) pour amortir l’impact économique de la pandémie, le Cameroun voit ses finances publiques mises à rude épreuve.

Agriculture : un secteur au cœur de l'économie

Depuis 1963, l’économie camerounaise a connu de profondes mutations dans le but de dynamiser ses différents secteurs productifs. Mais, l’agriculture, présente dans toutes les régions du Cameroun et profitant de la variété des climats et des sols, reste la base de cette économie. Elle assure l’autosuffisance alimentaire du pays à hauteur de 95 %, emploie la majorité de la population et représente encore près de 50 % des recettes d’exportations.

Banane. La culture de la banane s’est développée au Cameroun au début du XXe siècle, en 1907 plus exactement, sous l’influence allemande. D’abord concentrée dans la région de Buéa et Limbé, elle s’est ensuite étendue à d’autres parties du pays, pendant l’occupation anglaise puis française. Aujourd’hui, l’industrie bananière camerounaise emploie plus de 50 000 personnes et est aujourd’hui le deuxième employeur du Cameroun. Avec 300 000 tonnes exportées chaque année, la banane est l’un des premiers produits à l’exportation et contribue à hauteur de 6 % au PIB du Cameroun. Ses principales concurrentes sont les bananes d’Amérique latine et des Caraïbes, mais aussi, celles, plus proches, de la Côte-d’Ivoire. Le Cameroun reste le premier exportateur de banane des États Afrique - Caraïbes - Pacifique. Autant dire que ce secteur économique du pays a vraiment la banane ! Et la France, à elle seule, absorbe près de 90 % des exportations de banane camerounaise.

Cacao. Depuis l’indépendance et jusqu’au début des années 1990, c’est le gouvernement qui fixait les cours. Cela avait ses inconvénients, mais aussi ses avantages, puisque les producteurs connaissaient à l’avance le prix exact auquel leur cacao serait acheté. Depuis 1991, le secteur du cacao et du café est géré par l’ONCC (Office national de cacao et de café, bras séculier de l’État) et le CICC (Conseil interprofessionnel du cacao et du café, structure de concertation des opérateurs privés). À leur côté, différentes structures locales et organisations internationales évoluent. Le Cameroun occupe aujourd’hui le 5e rang, avec une production cacaoyère qui représente 4,5 % de la production mondiale. La culture du cacao a nettement évolué au cours des dernières décennies. Modernisée, elle réclame de plus en plus de connaissances et d’adaptation aux techniques nouvelles.

Café. Le Cameroun produit aussi bien du robusta, variété la plus importante, cultivée dans les régions de l’Ouest, de l’Est, du Sud et du Littoral, que de l’arabica, essentiellement cultivé dans la région plus élevée de l’Ouest, où les cultivateurs sont regroupés en coopératives autour de l’UCCAO (Union centrale des coopératives agricoles de l’Ouest). La production est ensuite exportée vers l’Europe, la France, l’Italie, l’Allemagne et l’Angleterre en tête. L’arabica camerounais est de très bonne qualité, mais les rendements restent faibles en raison principalement du vieillissement des plantations et du manque de moyens des planteurs.

Coton. Le coton aime les terres sèches, aussi le retrouve-t-on dans le nord du pays, dont il constitue l’une des principales richesses agricoles. Sa culture a commencé dans les années 1950. La production de coton (coton graine ou coton fibre) emploie aujourd’hui plus de 3 000 salariés. La production du coton a connu, depuis 2006, une évolution en dent de scie mais lors de la campagne 2018-2019, la production a retrouvé son niveau d'avant-crise, avec 320 000 tonnes de production nationale. C’est une culture qui reste encore essentiellement artisanale.

Gnetum. Le gnetum, appelé aussi gnète, est un enjeu économique important pour l’agriculture camerounaise. En effet, cette plante grimpante, dont on consomme les feuilles, mélangées avec d’autres légumes (on en fait une sauce avec de l’huile de palme ou d’arachide) et pouvant accompagner des viandes ou des poissons fumés, fait l’objet d’un commerce grandissant avec le Nigeria, qui en importe près de 3 000 tonnes par an. Elle est cultivée et exportée à partir d'Idenau, un village de pêcheurs sur la côte, et de Campo, dans la province du Sud près de Kribi. La demande nigériane (la culture intensive et la déforestation l’ont fait pratiquement disparaître dans ce pays) a fait monter les cours. On appelle le gnetum eru ou okok. Ce légume est devenu une monnaie d’échange pour les paysans du sud du pays. L’exportation est massive, à des prix qui font rêver les agriculteurs camerounais, même si la gnète est revendue 6 fois plus cher au Nigeria et au Gabon et 20 fois plus encore en Europe.

Les autres ressources économiques du pays

L'exploitation forestière. La forêt camerounaise couvre le tiers de la surface du pays et les espèces qui y poussent sont très variées (près de 300 essences différentes, comme l'acajou, l'ébène, le sipo, l'iroko, l'azobé, l'ilomba…). Toutefois, l'exploitation forestière menace le développement durable du pays. En effet, près de 80 % de la forêt tropicale est en exploitation, souvent illégalement, et les prévisions annoncent dans les prochaines années une destruction de cette ressource si les modes d'exploitation ne sont pas rapidement modifiés. Pour contrôler l'exploitation du secteur bois, le gouvernement s'est doté de deux organismes compétents, à savoir l'Onadef (Office national de développement des forêts) et le Minef (ministère de l'Environnement et des Forêts). Depuis 2001, le taux de déforestation est fixé à 0,6 % par an, soit 20 000 ha l'année ; et l'Onadef œuvre pour la régénération de la couverture forestière en plantant des arbres ; ainsi, environ 1 000 ha sont reboisés chaque année. Le secteur forestier contribue fortement à la formation brute de capital intégré au PIB, à hauteur de 6 % avec un chiffre d'affaires estimé à plus de 400 milliards de francs CFA par an, juste derrière les matières premières et le pétrole. L'Europe (France, Allemagne, Italie, Espagne) constitue le principal acheteur du bois camerounais.

Pêche. Malgré les 400 km de côtes que possède le Cameroun et ses nombreux lacs et cours d'eau, la pêche, qu'elle soit traditionnelle ou industrielle, reste peu développée. Les principaux ports du pays sont ceux de Douala, Limbé et Kribi, et la pêche artisanale représente 90 % de l'activité du secteur. La pêche fluviale ou lacustre est surtout concentrée dans le nord du pays, à savoir dans le lac Tchad et les fleuves Chari et Logone, deux lacs parmi les plus poissonneux d'Afrique.

Plusieurs problèmes empêchent toujours l'industrie de la pêche de se développer. Tout d'abord, le secteur manque de moyens adaptés, les jeunes pêcheurs n'ayant pas les moyens d'acheter un bateau bien équipé. Un programme d'aide, via la Caisse de développement de la pêche maritime a été mis en place mais les résultats restent maigres, et le potentiel piscicole des grands bassins hydrologiques du pays n'est pas exploité comme il devrait l'être.

Le second grand problème auquel se heurte l'industrie de la pêche est celui du transport, car le réseau routier et ferroviaire tout comme le manque de camions réfrigérés ne permettent pas de commercialiser de manière fiable du poisson frais. Le produit de la pêche est donc séché ou fumé pour pouvoir être plus facilement conservé.

Industrie. Le Cameroun possède des industries métallurgiques (aciérie, production d'aluminium avec la société ALUCAM), des industries chimiques (plastique, savonnerie, cimenterie, peinture et colle, etc.), des brasseries (les Brasseries du Cameroun appartiennent au groupe Castel), des industries textiles, forestières, agroalimentaires (qui réalisent environ 50 % du chiffre d'affaires du secteur industriel) et bien sûr des industries pétrolières. Le pays dispose également de ressources naturelles et énergétiques importantes, même si elles sont souvent sous-exploitées : eau (elle permet, entre autres, la production d'électricité), pétrole (surtout exploité dans la région de Limbé, où se trouve le gisement off-shore du Rio del Rey, et dans les bassins de Douala et de Kribi), gaz naturel (le Cameroun possède d'énormes réserves estimées à plus de 100 milliards de m3), mais aussi minerai de fer, bauxite, rutile, étain et or. La construction de l'oléoduc Tchad-Cameroun favorise fortement l'emploi de la main-d'œuvre locale et le secteur de la construction. Depuis 2010, de grands projets ont été entamés pour booster le secteur industriel du pays. Parmi ces projets, il y a l'énergie. En effet, le pays a amélioré ses installations dans ce domaine avec notamment la construction de centrales thermiques (Yassa et Limbé). Le centre thermique de Kribi et les barrages du fleuve Sanaga peuvent faire du Cameroun un des plus grands producteurs énergétiques de l'Afrique (avec une production énergétique nationale équivalant à plus de 2 000 mégawatts), ce qui lui permettrait d'exporter son énergie au Tchad.

Échanges extérieurs. Au Cameroun, le trafic portuaire est de 4 à 5 millions de tonnes de marchandises par an. Le port de Douala est encore la principale porte d'entrée et de sortie des marchandises, et sert de débouché maritime pour des pays comme le Tchad, la République centrafricaine et la partie nord du Congo. Les trois autres ports importants du Cameroun sont ceux de Limbé, de Kribi (surtout dédié au commerce du bois) et de Garoua dans le Nord (un port fluvial dont l'activité principale est le commerce d'engrais et de coton). Le port en eaux profondes de Kribi peut accueillir des bateaux de 100 000 tonnes quand l'actuel port de Douala se limite à l'accueil de navires de 15 000 tonnes. Cela modifie considérablement l'horizon économique du pays, qui envisage de devenir une plate-forme incontournable dans les échanges commerciaux avec les pays de la sous-région et du monde.

Les chemins de fer, très peu développés, sont peu utilisés pour le transport de marchandises (sauf sur la ligne Yaoundé-Ngaoundéré). La quasi-totalité du trafic intérieur se faisant par camions, malgré le mauvais état des routes et l'insuffisance du réseau.

Avec les états voisins, le Cameroun s'est impliqué dans la création et le développement de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale), qui a vu le jour à N'Djaména, au Tchad, en 1994. Les pays concernés par cette nouvelle organisation sous-régionale sont le Cameroun, le Tchad, la République centrafricaine, la Guinée équatoriale, le Gabon et le Congo. Lors des sommets dédiés à la CEMAC, les dirigeants des 6 pays membres soulèvent les problèmes fondamentaux comme celui de l'insuffisance des infrastructures de communication et de transport routières et ferroviaires, un véritable handicap pour l'essor des échanges transfrontaliers. Les travaux réalisés sur les axes routiers Douala-Bangui et Douala-N'Djamena font partie des initiatives d'ampleur dont la CEMAC est à l'origine depuis 2012.

Malgré un fort PIB (par rapport à la zone CEMAC), des exportations de plus de 5 700 milliards de FCFA et des importations de 9 000 milliards de FCFA, les échanges extérieurs ont largement souffert de la crise sanitaire de la Covid-19.

Emergence 2035 : une course contre la montre

Depuis une dizaine d’années, l'objectif déclaré est de mettre le Cameroun sur la voie de l’émergence à l’horizon 2035. Le gouvernement est face à des enjeux de taille, à savoir augmenter la production énergétique du pays, pour être autosuffisant et pouvoir exporter l'électricité dans les pays voisins, comme le Tchad (ouvertures des centrales thermiques de Limbé et Yassa).

Les travaux de la centrale de Mem’vele et du détournement du pipe-line ont commencé le 3 août 2012, et la construction du barrage de Lom Pangar qui en dépend a elle aussi débuté. La régulation du fleuve Sanaga pourrait faire bénéficier le Cameroun d’un potentiel hydroélectrique non négligeable (jusqu’à 3 000 MW).

Investir dans l’infrastructure et dans le transport de biens et de personne est l’un des axes principaux du gouvernement dans le but d’atteindre son objectif. Parmi les axes annoncés : améliorer l’accès à l’éducation, notamment dans les zones rurales du pays. Le levier de l’éducation est considéré comme un facteur clé pour la croissance et le développement économique du pays.

Développer le secteur agricole, étroitement lié à l'accès à l'eau. Avec la création de Camwater, le gouvernement vise une meilleure desserte urbaine et rurale. C'est dans ce cadre que Douala s'est vu doté d'une nouvelle usine de production d'eau potable ayant une capacité de 50 000 m3/jour.

Promouvoir le tourisme fait également partie des axes de développement mis en évidence par le gouvernement dans le but d’atteindre son objectif de 2035. Au sortir de la crise sanitaire de la Covid 19, le pays a repris à bras le corps les projets annoncés dans ce sens et l’accueil de la CAN de 2022 a incontestablement dynamisé à nouveau ce secteur.

Renforcer la bonne gouvernance et lutter contre la corruption font également partie intégrante des mesures annoncées en septembre 2023 par le Président Paul Biya, dans le but d’atteindre transparence et respect des chantiers de modernisation engagés par les pouvoirs publics et un environnement politique stable.

Après la pandémie et la plongée en 2021 dans une crise du carburant qui impacte fortement la marche vers les enjeux majeurs du pays, l'émergence 2035 reste dans les discours. Mais le contexte actuel prête à s'interroger sur cet objectif qui prend des airs de course contre la montre. En effet, ces facteurs impactent considérablement le rythme de mise en œuvre des projets et des investissements, poussant le FMI à revoir constamment les estimations de croissance globale.

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