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Aux origines

L'histoire du Cameroun est multimillénaire, comme le prouvent ses grands sites mégalithiques. Celui des Mégalithes de Saa est particulièrement intéressant. On y découvre des pierres dressées en cercle, carré ou ligne, associées à de grandes plateformes circulaires au rôle magico-religieux. Ce dernier aspect se retrouve dans toutes les cultures du Cameroun. Chefferies, royaumes, sultanats ou lamidats (sous l'autorité d'un lamido), sont autant de structures du pouvoir qui existent depuis des siècles. Parmi les plus anciens témoins de ces grands royaumes se trouve la Tour de Goto, non loin de la grande cité fortifiée de Goulfey. Entièrement réalisée en terre et argile, la tour, véritable totem islamique, revêt une forme cubique qui atteint 12 m de haut et 9 m de large. Elle est flanquée d'un grand escalier qui permet d'atteindre son sommet, vaste espace rectangulaire. Comme bon nombre d'édifices de la zone, elle est recouverte de Gley, une terre visqueuse recueillie dans le lit de la rivière Chari, qui permet tout à la fois d'embellir les structures et de les protéger de l'érosion. Les Chefferies du Cameroun sont, elles aussi, célèbres pour leur architecture du pouvoir. Dans les Chefferies traditionnelles des Grassfields, la Grande Case est une sorte de palais-temple sacré. Fait unique pour ce type de constructions, ces grandes cases peuvent atteindre 30 m de haut et 20 m de large. On les reconnaît à leurs toits coniques en chaume, et à leurs ossatures et charpentes en bambou et raphia disposées sur une base en quadrilatère. Les poteaux et encadrements sont sculptés de motifs géométriques ou mythologiques. Une architecture-sculpture très codifiée que l'on retrouve dans les chefferies Bamiléké aux grandes cases construites en terre ou en bambou et recouvertes d'élégantes vanneries de raphia. Grands bâtisseurs, les Bafut ont construit des palais intégrés à de grands complexes associant maisons construites en brique de terre cuite et aux toits de tuiles, sanctuaires en bambou et toit conique de chaume avec un pilier en bois sculpté et sacré, bungalows, etc. Une hiérarchie spatiale qui illustre la hiérarchie du pouvoir. La case du chef est la plus importante. Elle est ensuite suivie des cases destinées aux épouses et aux concubines puis aux hôtes. Les espaces végétaux sacrés y jouent également un rôle primordial. Dans les Monts Mandara, le paysage culturel de Diy Gid Biy abrite les trésors d'architecture des Mafa, qui connurent leur apogée entre les XIIe et XVIIe siècles. Des dizaines de ruines de grandes structures en pierre sèche y ont été retrouvées. Toujours construites au sommet d'éperons rocheux, les grandes bâtisses y jouaient le rôle de forts et de tours de guet. Hautes fortifications, structures et plateformes complexes, sanctuaires et mausolées, et même tunnels creusés dans la roche, complètent ce riche paysage. Autre fascinant site de pouvoir : le Palais de Rey Bouba, fief du Lamidat du même nom, qui connut son apogée au XIXe siècle. Protégé par une muraille de 800 m de long et 7 m de haut, le palais est en réalité un grand complexe s'organisant autour de cours, jardins potagers et quartiers destinés à différentes activités.

Période coloniale

Les premiers colons européens à avoir marqué le Cameroun furent les Allemands. Leur objectif était tout à la fois d'adapter leurs constructions aux exigences climatiques et de développer une architecture esthétique et fonctionnelle. On reconnaît leurs réalisations à leur plan rectangulaire, à leurs rez-de-chaussée surélevés, ornés de piliers et dont les angles sont occupés par des vérandas aérées, et par leurs toits à 4 pans. Pour les enduits et peintures, ne sont alors utilisées que des couleurs claires pour améliorer la réflexion des rayons du soleil et donc réduire l'absorption de la chaleur. Les toits sont eux-mêmes conçus selon un système dit en double couverture, afin d'assurer une bonne isolation. Le noyau central de l'édifice est réalisé en un appareillage massif qui évite aux murs de s'échauffer trop rapidement. Pour certains, il s'agit là d'une forme d'architecture écologique avant l'heure ! À l'époque, Douala porte le nom de Kamerunstadt. La ville fait l'objet de toutes les attentions, notamment en matière d'urbanisme. Tout est modélisé afin de mettre en scène le pouvoir. C'est alors le règne de l'importation : poutrelles de fer, tôle ondulée, carton bitumé… autant de matériaux nouveaux qui s'ajoutent aux briques et bois locaux. Une architecture métallique que l'on retrouve dans les travaux d'ingénierie jalonnant le territoire, qu'il s'agisse de ponts, infrastructures portuaires ou ferroviaires. Sur les flancs du volcan, le Palais Von Puttkammer domine la ville de Buéa de sa silhouette aux allures de château bavarois. Fontaine à l'effigie de Bismarck, maisons à pignons aux toits de tuiles vertes, tour d'horloge, casernes transformées en bâtiments administratifs… tout confère à la ville un charme désuet. L'architecture allemande impressionna beaucoup les souverains locaux qui s'en inspirèrent pour se faire construire de grands palais, à l'image de la dynastie des Njoya, dans la région de Foumban. Au XIXe siècle, pour son palais, le sultan rompit définitivement avec la tradition des grandes cases en poto-poto (plâtre de boue sur cadre en bois), et opta pour un édifice d'où émergent tourelles, arcades, toits à pignons, terrasses et loggias… À Douala, les villas à colonnades, telle la Villa Mandessi Bell, et le Palais des anciens Rois Bell, surnommé la Pagode, du fait de son enchevêtrement de toitures, sont de beaux exemples de cette influence européenne exercée sur les souverains locaux. Les grandes réalisations du début du XXe siècle portent la marque des Français qui optent pour un style mêlant la sobriété et la blancheur des volumes géométriques Art Déco à des éléments historicisants tels pilastres, colonnes doubles et autres balustrades à colonnettes nervurées encadrant des toits plats, donnant aux édifices des allures de temples modernistes. C'est notamment le cas de la Chambre de Commerce de Douala. Après-guerre, le pays connaît une croissance démographique sans précédent que l'administration coloniale française tente de juguler en créant de nouvelles cités, à l'image de la Cité des Douanes à Akwa ou la Cité Chardy à Bassa. C'est également à cette époque qu'apparaissent les premiers logements sociaux et grands ensembles.Alors que l'architecture coloniale se faisait jusque-là ouverte sur l'extérieur, l'architecture des années 1950 se replie derrière des murs ajourés de claustras ou flanqués de pare-soleil en béton. Les bâtiments sont alors le plus souvent construits sur des pilotis également en béton. La ville de Douala fait alors l'objet d'un nouveau plan d'urbanisme qui se fonde sur des éléments phares : simplicité des volumes, unité d'aspect, rejet des styles historicisants, importance donnée aux espaces verts. La ville est découpée en zones qui se déploient de la « ville européenne » à la « ville campagne », cette dernière étant la seule zone où le recours à des techniques traditionnelles est autorisé.

Depuis l'Indépendance

L'indépendance du pays s'accompagne d'un véritable boom de la construction. Le matériau phare de la période est le béton. Pour les bâtiments administratifs et gouvernementaux, la monumentalité est de mise : tout doit être fait pour mettre en valeur les aspirations de la jeune nation. La Bourse et l'Hôtel de Ville de Douala en sont de grands représentants. A Yaoundé, ce vent de modernité se conjugue également avec des formes héritées des traditions locales. L'un des grands symboles de ce renouveau y est sans aucun doute le Monument de la Réunification. Conçue par l'artiste Gédéon Mpando, cette architecture-sculpture de béton prend la forme d'une tour en spirale formée par 2 serpents dont la tête fusionne au sommet. Cependant, même si le pays est officiellement indépendant, l'influence étrangère se fait encore sentir en matière architecturale. Dans les années 1980, c'est au français Olivier Clément-Cacoub que l'on confie la réalisation du Palais de l'Unité de Yaoundé. Entre forteresse de béton et temple classique aux imposantes colonnes, le palais domine la cité de toute sa superbe. Dans la décennie suivante, modernité, monumentalité et tradition continuent de dialoguer, comme le montrent les grands édifices religieux du pays. La Basilique Marie-Reine des Apôtres de Mvolyé, bâtie sur 12 colonnes représentant les 12 apôtres, impressionne par ses dimensions (32 m de haut, 75 m de large) et par son élégant mélange de pierre, métal et bois, traduisant le savoir-faire des différentes ethnies ayant participé à sa construction. Dans les années 2000, d'autres grands projets sortent de terre comme les grandes tours de verre abritant banques et hôtels, le Palais des Sports de Yaoundé, auquel est venu s'ajouter un grand Palais de la Culture, juxtaposition de formes cubiques installées au sommet d'une colline de la ville… et financé par la Chine. Aujourd'hui, les grands centres urbains du pays font face à des défis de taille : urbanisation croissante, pression sur les infrastructures et le patrimoine historique, etc. Une situation qui pousse de nombreux architectes à repenser leur manière de créer. L'agence Architecturestudio fait ainsi le choix de la réhabilitation. Sous son impulsion, le bâtiment de l'ancienne Caisse Nationale de Prévoyance Sociale va se transformer pour accueillir l'Hôtel Radisson Blu. Cet ancien complexe de logements de 16 étages va être repensé pour offrir des volumes généreux, des terrasses spacieuses et une façade comprenant notamment des surfaces vitrées protégées par des lamelles élancées assurant une modulation de la lumière et de la chaleur. Autre symbole fort que l'agence va réhabiliter : le Siège National pour la Banque des Etats d'Afrique Centrale. La tour principale s'étagera en gradins paysagers, tandis qu'une double-peau permettra une protection passive et donc de meilleures performances énergétiques. Un souci écologique qui est au cœur du travail de Thomas Epoune. Son objectif : s'inspirer des techniques traditionnelles pour imaginer des bâtiments respectueux de l'environnement. Ainsi, dans ses réalisations, pas de climatisation, mais des systèmes d'aération en cheminée ou par circulation transversale. En termes de matériaux, l'utilisation du béton et du ciment est réduite à son strict minimum. Tout est basé sur les propriétés des briques de terre cuite qui offrent de belles finitions et d'excellentes propriétés thermiques.Le succès est au rendez-vous puisque l'architecte s'est vu confier la réalisation du centre hospitalier de l'Université Catholique de Yaoundé ! En parallèle, le Cameroun réalise petit à petit l'importance de préserver son patrimoine. La ville de Douala a ainsi mis en place un grand projet baptisé « Douala, ville d'art et d'histoire » qui vise à baliser 30 sites et bâtiments historiques au moyen d'arches de la mémoire en métal. Une forme loin d'être anodine puisqu'elle rappelle la tradition des arches de palmes placées à l'entrée des lieux en fête !

Richesses vernaculaires

Les nombreuses ethnies du pays ont développé ce que certains qualifient d'éthique environnementale. Tout part d'une observation rigoureuse des matériaux locaux, suivie de tests de durabilité qui permettent de distinguer les ressources propices à la construction et celles à préserver. Au cœur de la forêt tropicale, les Pygmées ont élaboré un habitat entièrement végétal. Ces cases sont réalisées à base d'un cadre de bois souple recourbé, sur lequel viennent s'ajouter de grandes feuilles. Les autres ethnies du Centre ont, elles, développé des cases à l'ossature faite de poteaux de bois horizontaux et verticaux reliés par des lianes puis recouvertes de feuilles ou de boue. Le toit, lui, est couvert de nattes tissées en feuilles de raphia. Pour décorer cet habitat, il n'est pas rare de voir employées des terres argileuses de couleurs différentes. Dans le Sud du Cameroun, vous pourrez découvrir les villages-rues dont l'axe principal est bordé de cases rectangulaires aux murs couverts d'un torchis composé de terre mêlée à de la paille qui est placée à la main sur un clayonnage de lattis en cannes de raphia, technique appelée « banco armé ». Ces murs sont protégés des eaux de pluie par de larges toits à débordement en palmes tressées ou en tôle. Les Bamiléké sont célèbres pour leur concession familiale, sorte de grands complexes s'organisant autour d'espaces verts, de cours intérieures et d'éléments magico-religieux (arbre sacré, cimetière, autels dédiés aux ancêtres). L'ensemble, qui comprend également les habitations et les constructions annexes (cuisine, toilettes…), est protégé par une haie végétale ou en dur. Lors de la construction d'une maison, de grandes quantités de terre sont excavées et réutilisées dans la fabrication de briques ; le trou obtenu sert alors de décharge familiale ! Parmi les richesses du Nord, vous pourrez découvrir l'habitat Kotoko que l'on reconnaît à ses maisons de plan rectangulaire en terre et à toits-terrasse, dont la juxtaposition dessine un urbanisme tout en géométrie. Les charpentes des maisons sont réalisées en bois de Doum, un arbre local que l'on choisit mort ou dépérissant, puisqu'il est alors moins lourd et moins sujet aux attaques de termites ! Dans ces massifs montagneux aménagés en terrasses, vous découvrirez également les sarés, ensembles de cases à toits coniques disposées de façon quasi contiguë et protégés par une enceinte de pierre, de brique de pisé ou de paille tressée. Les Massa, eux, vivent principalement dans des cases circulaires en terre couvertes de coupoles autoportantes constituées d'une armature de boudins de paille recouverte de nattes tressées en tiges de mil. Tiges et chaumes de paille étaient également les matériaux privilégiés chez les Peuls, ou bien encore chez les Foulbé, dont la célèbre Mosquée de Gurin fut, pendant 200 ans, sans cesse reconstruite en tiges de maïs ! Partout, le fait d'employer et d'entretenir fréquemment des toitures de chaume, permet aux différentes ethnies de montrer la prospérité de leurs cultures. Chez les Podokwo, c'est la pierre qui a toutes les faveurs. Appareillage en moellons, murs d'enceinte en pierre sèche, soubassement protecteur des cases et greniers aux formes arrondies et toits coniques, tout démontre l'art des tailleurs de pierre. Mais au Nord, le plus célèbre des habitats traditionnels est la « case obus » développée par les Mousgoum, célèbres pour leur travail de l'argile et leur art de la poterie.Construite dans un mélange de terre et d'herbe, elle consiste en une superposition d'assises circulaires, pouvant atteindre 15 mètres de haut et 10 mètres de diamètre, se rejoignant pour former un toit en forme de cône arrondi. Les motifs géométriques en relief visibles sur les dômes de terre servent également de marchepieds lors de l'entretien de la case, et sont très utiles pour drainer les eaux de pluie et prévenir l'érosion. Rien n'est jamais laissé au hasard !