Art traditionnel

La multiplicité des ethnies camerounaises se traduit par une variété de styles et de traditions. Les caractéristiques et significations des objets varient en fonction des ethnies. Les statuettes et les masques constituent l'essentiel de ce patrimoine qui fascine les collectionneurs occidentaux.

Occupant le Grassland, au Nord du Cameroun, les Bamun, les Bamileke et les Tikar confectionnent des figures aux traits frappants : leurs joues sont rebondies et leurs yeux exorbités. Les Bamileke se distinguent par l'ajout de perles. Certaines statuettes d'ancêtres en bois sont entièrement incrustées de perles multicolores. Elles ont un rôle magique, qu'elles soient en bois, en terre cuite ou en métal.

Les masques, généralement en bois recouvert de peaux animales ou de perles, s'ornent de motifs géométriques chez les Doualas. Arborés lors des cérémonies, ils incarnent une force invoquée pour accompagner le rite.

S'il est vrai que le terme « art » ne se traduit pas en dialecte Bamun, les créations de ce royaume ont la préférence des amateurs d'art africain. D'une étonnante diversité, l'art bamun est à la fois réaliste et truffé de symboles. Il comprend des cavaliers en bronze, des statues féminines, des masques-heaumes tissés de perles, des colliers garnis de têtes en laiton, ou encore des bas-reliefs narrant des combats ou des célébrations. Ces sculptures en bas-reliefs, destinées à orner les portes et les murs des palais, reflètent la richesse du peuple Bamun.

Les multiples facettes de ce pays d'Afrique sont évoquées au Musée national du Cameroun. Son histoire, ses traditions et ses personnalités y sont brillamment mises à l'honneur. Un parcours composé de photos, sculptures, objets rituels, archives, instruments de musique et tant d'autres articles rend hommage à la complexité des régions. Désormais, l'institution abrite aussi de l'art contemporain.

Peinture

La peinture sur toile fait son entrée au Cameroun à l'orée du XXe siècle. Les Allemands puis les Français introduisent la peinture sur chevalet, ouvrant la voie à une première génération de peintres. Dans les années 1940-1950, le pionnier, Lobè Lobè Rameau (décédé en 1988), est aussi un guitariste connu pour sa contribution au Makossa. Les précurseurs retranscrivent leur environnement dans un style naïf, sans vraie recherche plastique.

La première génération vient à l'art pictural par les missionnaires et les colons qui forment, repèrent et encouragent les artistes en herbe. Ceux-ci se détournent de leurs thèmes et de leurs techniques à l'aube de l'Indépendance.

Sans avoir reçu de formation, Rigobert Aimé Ndjeng (1927 – 2011) est l'un des premiers artistes à s'exprimer sur la toile et sur le papier. Il commence par des scènes religieuses et des portraits de chefs occidentaux. Remarqué par un administrateur colonial, il explore ensuite le paysage et les scènes champêtres.

Gaspar Gomán est l'un des premiers artistes camerounais à recevoir une formation académique à l'étranger. Né en 1928, Gomán passe six années à l'Escuela Superior de Bellas Artes de Barcelone. De retour en Afrique, il enseigne en Guinée équatoriale, expose ses œuvres et décore deux églises. Malheureusement, il est incarcéré sous la dictature de Francisco Macías Nguema pour avoir eu le privilège d'étudier en Espagne.

Le sculpteur Gédéon Mpando, né en 1932 à Yabassi, s'amuse dès l'enfance à reproduire des formes inspirées de la nature. Grâce à une bourse, il intègre l'École des Beaux-Arts de Paris. Sa passion pour la sculpture ne fait que se renforcer. Rentré au Cameroun, il travaille le bois d'ébène et le marbre.

Né en 1933, Martin Abossolo s'entraîne à recopier les illustrations de son manuel de lecture. Dès l'âge de douze ans, il décide de devenir peintre. Il est l'un des premiers à s'écarter du réalisme.

Vers l'Indépendance

Après l'Indépendance, plusieurs artistes bénéficient d'une bourse pour étudier à l'étranger. Le sculpteur et peintre George Abraham Zogo (né en 1935) fait partie des premiers artistes africains à rejoindre la scène culturelle européenne. Après l'Académie des Beaux-Arts de Lyon, il poursuit sa formation en Italie. Son style s'oriente vers l'abstraction, inspirée par l'architecture camerounaise et ses motifs curvilignes.

Un tournant s'opère dans les années 1970 autour des premiers collectifs d'artistes. C'est ainsi que sont fondés l'atelier Art Nègre en 1968, à Yaoundé, et l'Atelier Viking, à Douala, en 1976. Au sein de ces groupes, ont lieu les premières réflexions sur un style africain affranchi des canons occidentaux et de l'art figuratif des précurseurs.

À leur suite, les collectifs et mouvements fleurissent dont le Cercle Maduta, et CAPLIT – Collectif des Artistes Plasticiens du Littoral. Des personnalités émergent : Viking, Koko Komegne, Combattant Mboua Massok (passé en politique), Nya Delors, Othéo… Après eux, les plasticiens partent compléter leur apprentissage en Europe.

L'abstraction prend part au dialogue pictural dans le travail de Wéré-Wéré, de son vrai nom Eddy Njock Nicole. Ivoirienne d'origine camerounaise née en 1950, elle oscille habilement entre réalisme et langage abstrait. Elle expose au Cameroun et à l'étranger.

Explosion culturelle

La naissance de l'Espace Doual'art en 1991 revitalise la scène artistique doualaise. Ce Centre d'art contemporain devient aussitôt le laboratoire camerounais des nouvelles pratiques visuelles. Les questions urbaines y sont explorées à travers des événements rapprochant les artistes et la population. Quantité de talents sont révélés lors du Doual'art Pop 93. Ouverte en 1995, la galerie MAM assumera le rôle de galerie commerciale. Les artistes commencent à entrevoir la possibilité de faire carrière sans s'expatrier.

Une série d'initiatives privées conforte l'essor de la scène culturelle. Il s'agit de promouvoir la création camerounaise et d'offrir une visibilité aux artistes africains. À partir de 2005, l'exposition The Last Pictures Show devient annuelle et nomade. En 2013, elle est présentée à la Galerie Vendôme à Paris. Bien que disparate, la sélection reflète la vitalité de la scène camerounaise.

En raison de sa proximité avec le pouvoir, la scène artistique de Yaoundé ne profite pas autant de liberté que celle de Douala. À Douala, la liberté se ressent dans la prolifération de l'art public. Véritable musée à ciel ouvert, Douala la rebelle s'enrichit de nouvelles œuvres lors du Salon Urbain de Douala (SUD).

Depuis 2010, l'ouverture d'écoles d'art permet aux jeunes Camerounais d'approcher les techniques contemporaines et l'histoire de l'art.

Photographie

L'art photographique camerounais est porté par des talents exceptionnels.

Angèle Etoundi Essamba a récemment intégré les collections du MoMA de New York. Elle a également représenté le Cameroun à la Biennale de Venise après avoir été décorée de l'Ordre des chevaliers par le ministre de la culture camerounaise en 2016. Née en 1962 à Douala, Angèle Etoundi Essamba s'installe en France en 1972 et y reste jusqu'à la fin de ses études générales. Après cela, elle s'inscrit dans une école de photographie aux Pays-Bas. Dès lors, elle entreprend de « montrer la femme au-delà des stéréotypes. » Selon elle, le fait de vivre en Europe la rapproche de son héritage africain. Dans ses portraits de femmes africaines, la distance géographique lui permet d'avoir du recul sur la culture camerounaise. Angèle Etoundi Essamba aime s'inspirer d'œuvres occidentales, notamment des peintures des grands maîtres hollandais et de la Renaissance, pour réaliser des photographies proches de ses origines camerounaises. Par exemple, dans son interprétation de la Jeune Fille à la perle de Vermeer, une jeune africaine reproduit la pose mythique. Les corps et les visages tels qu'elle les révèle sont autant de symboles qui racontent à leur façon l'histoire d'une nation.

Maître de l'autoportrait, le photographe Samuel Fosso voit le jour en 1962 à Kumba. La Maison européenne de la photographie à Paris lui a consacré une rétrospective en 2021-2022. Samuel Fosso explique sa volonté de se mettre en scène par le fait qu'enfant, il n'apparaissait pas sur les photos de famille et était peu choyé en raison d'un handicap physique. La famille de Samuel Fosso, de l'ethnie Ibo, eut une destinée tragique. Obligé de fuir en République centrafricaine, il monte à l'âge de 13 ans son premier studio photo. Il choisit pour slogan : « Avec Studio National, vous serez beau, chic, délicat et facile à reconnaître ». Son goût pour le déguisement et la mise en scène se révèle très tôt et devient sa signature. Ses séries le rendent célèbre ; avec 70's Lifestyle ou African Spirits, Samuel Fosso rend hommage aux grandes figures que sont Malcolm X et Nelson Mandela. En 1997, il réalise la série Tati pour les 50 ans des magasins français éponymes.

Street-art

Avec une moyenne d'âge de vingt ans, la population camerounaise manie l'art mural avec aisance. Deux tendances coexistent sur les murs : le message politique contestataire, une pratique qui rapproche les populations, et la recherche visuelle. Douala cristallise ces orientations. Lors du festival Graff Up, Douala met les créateurs nationaux à l'honneur.

C'est aussi à Douala, le centre économique et l'agglomération la plus peuplée du pays, que s'expriment les contestations politiques. Les graffitis adressés par la jeunesse au président Paul Biya ne sont pas au goût de tout le monde. Dans le quartier d'Akwa, des phrases choc alpaguent le passant, dans l'esprit de « Tu as ton argent, j'ai mon art ». À bon entendeur …

Le précurseur de la scène urbaine est peintre et rappeur. Diesert, de son vrai nom Joël Kingué, estime que seul le graffiti peut diffuser un message à grande échelle et aider à redresser la situation politique, même si les tags sont fréquemment effacés. Cependant, l'opposition trouve dans ce mode d'expression une manière efficace de promouvoir ses idéaux. Certains politiciens n'hésitent pas à passer des commandes aux graffeurs.

Une autre tendance du street-art porte sur les sujets sociaux et l'éducation. L'art des rues devient alors un moyen accessible d'informer. Une mission louable, relevée avec inventivité.