Musique traditionnelle

Avec de multiples ethnies et traditions ancestrales, la musique la plus répandue reste la musique traditionnelle au Cameroun. Elle s'accompagne de danses rituelles et de chants ancestraux. Les instruments sont nombreux à circuler dans le pays pour accompagner ces véritables processions musicales. Côté percussions, on relève le balafon, le mbira, le sabar, le djembé, le ka, kabosse, la calebasse, le tama. Côté instruments à cordes, on trouve la kora, l'oud, le ngoni ou encore le mvet. Si elles sont encore inconnues du public étranger dans les années 1960, il faut attendre les années 1980 pour que les musiques africaines s'occidentalisent, empruntant alors des racines traditionnelles et les diffusant ainsi à travers le monde. La musique camerounaise, ainsi modernisée, avec une basse bien présente, se répand progressivement, encourageant alors la professionnalisation des artistes du pays. Un marché parallèle se développe même au Cameroun proposant au grand public d'acheter des disques copiés de variété internationale, parfois retouchée à la camerounaise avec des sonorités de musiques traditionnelles. La fusion musicale est parfois étonnante !

Makossa

Le makossa est l'un des styles musicaux les plus connus d'Afrique. Et c'est bien au Cameroun qu'il prend sa source. Caractérisé par une basse funk et des cuivres rythmiques, cette musique est conçue avant tout pour la danse et se joue, au départ, dans les clubs camerounais. Les influences sont multiples : musiques latines, rumba congolaise, jazz… Les premiers artistes à s'affirmer dans ce style s'imposent dans les années 1950, avant de conférer une réelle identité au makossa dans les années 1960. Manu Dibango, surnommé Papa Groove, le rend populaire au début de la décennie suivante. Grâce à son timbre de voix et sa maîtrise du saxophone, le makossa de Dibango est reconnu à travers le monde. Un événement y contribue particulièrement : son tube Soul Makossa est repris et samplé par Michael Jackson en 1972 pour son titre Wanna Be Starting Something, il le sera aussi par Rihanna sur son tube Don't stop the music.

La musique camerounaise vivra aussi grâce à Richard Bona, considéré comme l'un des meilleurs bassistes au monde, de même qu'Etienne MBappe. Au fil des années, le makossa dérive sur du makossa-soukous (le public se souvient de Petit Pays, de Marcel Swanga ou de Jean-Pierre Essome) ou s'ouvre sur d'autres styles comme la variété, la world ou le jazz.

Jazz

La passion des musiques traditionnelles et du makossa mène bien souvent à la passion du jazz pour bon nombre de musiciens camerounais. Alors que les historiens savent pertinemment que ce genre prend racine en Afrique, car émanant des Africains débarqués en Amérique pour travailler, il a fallu attendre le cours du XXe siècle pour qu'une scène jazz émerge concrètement au Cameroun et dans d'autres pays d'Afrique centrale. À Douala et Yaoundé, les événements, bien qu'éphémères, se sont succédés : Jazz sous les manguiers, Jazz sans frontières, Yaoundé festival jazz, Festival jazz 237, en lien avec l'Institut Français du Cameroun. L'Alliance franco-camerounaise soutient aussi les concerts de jazz et en diffuse, s'ajoutant aux quelques clubs de jazz du pays où il est possible de s'adonner à un concert du genre. À l'international, des artistes camerounais comme Justin Bowen, natif de Yaoundé, se sont fait connaître avec un jazz empreint d'influences : pur et juste, comme celui de Charlie Parker, mais teinté d'une pointe de makossa…

Slam

L'art oratoire, au Cameroun comme ailleurs en Afrique, est au cœur de la performance populaire. Le pays s'est découvert une appétence pour le slam dans le début des années 2010, notamment grâce à l'émergence de plusieurs artistes : Stone Karim, Ayric Akam, Yanik Dooh, Faithfull et surtout, Lydol La Slameuse, qui a largement contribué à structurer cette nouvelle pratique au Cameroun. Le slam, à mi-chemin entre la poésie, le rap, le théâtre, la musique et même le conte, est un carrefour des pratiques artistiques, il a particulièrement séduit le public pour sa transversalité et son aspect scénique et ludique. Les slameurs se produisent dans les festivals et les tremplins qui se sont multipliés à travers le pays depuis quelques années, mais aussi dans les centres culturels. Des « attentats verbaux », performances soudaines et spontanées qui prennent le public par surprise, ont également lieu sur les places publiques ou les restaurants.

Théâtre

Le théâtre camerounais est né des formes de rituels religieux et traditionnels, mélangés à une pratique européenne. Cet art mêle l'improvisation, les dialogues, les mimes, les masques mais aussi la danse et la musique. Il prend de l'ampleur quelques années après l'indépendance alors que le pays se cherche une identité. Il faut attendre la proclamation de l'État unitaire en 1972 afin que la parole se libère. Une première génération d'artistes de théâtre se fait connaître. Parmi eux, Dieudonné Afana (connu sous le patronyme Jean-Miché Kankan) et Dave K. Moktoï posent les bases mais assistent rapidement à des bouleversements : le théâtre est tributaire de la crise économique et des changements politiques. Les formes varient en fonction des époques : monothéâtre, performances commerciales, comédie musicale, vidéothéâtre… Tout y passe. L'institution théâtrale est souvent pointée du doigt au Cameroun. Le potentiel est présent mais les connaisseurs attestent un manque d'intervention publique pour espérer une structuration drastique de la scène théâtrale. Les comédiens ont besoin de formation, d'enseignement, de lieux de diffusion… Beaucoup d'entre eux partent faire carrière à l'étranger, d'autres parviennent à monter des projets dans leur pays. C'est le cas de Jacobin Yarro, qui fait ses premiers pas sur scène dans les années 1970. Il se forme à l'étranger puis revient au Cameroun donner naissance à sa troupe de théâtre, l'Atelier Cocrad (collectif des créateurs d'art dramatique) à Douala, avec l'aide du Centre culturel français du Cameroun. Il est considéré aujourd'hui comme l'un des meilleurs acteurs et metteurs en scène du pays.

Le genre théâtral qui fait ses preuves et qui est le plus répandu au Cameroun demeure le théâtre farcesque, caractérisé par un comique exacerbé, qui permet à cet art d'être le plus populaire possible. En réponse à la précarité culturelle et sociale, cette pratique s'adapte au contexte et permet à certains comédiens de tirer leur épingle du jeu, tel que Moustik le Karismatik ou encore Charlotte Ntamack.

Les marionnettes sont, au Cameroun, mais aussi dans d'autres pays d'Afrique centrale, liées à des rituels ancestraux des ethnies. Par exemple, chez les Ejagham et les Widikum, des marionnettes incarnent des personnages que l'on brandissait jadis lors de grandes fêtes commémoratives. Chez les Fang, des portraits d'ancêtres sont sculptés dans du bois et utilisés comme des marionnettes pendant des rituels initiatiques. Chez les Béti et les Ewondo, la cérémonie du melan est impressionnante et fait intervenir des marionnettes qui jouent des saynètes. Chez les Kapsiki et les Banen, les marionnettes servent pour les cérémonies mortuaires afin de rendre hommage au défunt.

Les marionnettes sont devenues des objets de divertissement au fil du temps, d'abord dans les villages avant d'arriver dans les grandes villes camerounaises comme Yaoundé ou Douala. Des théâtres de marionnettes ambulants s'arrêtent dans la rue devant des passants afin de jouer de courtes pièces.

Certaines troupes ont pu se professionnaliser et ont même réussi à exporter le théâtre de marionnettes camerounais à l'étranger. Un festival annuel, le RIMAC (Rencontre internationale des Masques et Marionnettes du Cameroun) a été fondé en 2004 avant de s'éteindre quelques années plus tard. Cela a toutefois permis d'initier une véritable pratique artistique liée à la marionnette dans le pays, reprise à présent par la scène théâtrale contemporaine.

Danse

L'art de la scène, qu'il soit musical, théâtral ou chorégraphique, vient d'une tradition rituelle. Les danses les plus répandues au Cameroun descendent de chorégraphies typiques de certaines communautés : le luma vient des Pygmées, le mangambeu des Bangangtés, le menang et le oku des Tikar, le djingo des Bassa's, l'assiko des Béti… Ces danses s'occidentalisent par la suite avec les influences modernes venues d'Europe et la popularisation de certains styles de musique, avec l'introduction de nouveaux instruments de musique comme la guitare électrique, font évoluer les mouvements et les occasions d'exécuter ces danses. Douala et Yaoundé sont les terrains d'exécution des danses dites « modernes ». De cette effervescence palpable dans les discothèques, l'une des têtes de file, Lisa Ngwa, fonde le Ballet national et en prend la direction. D'autres ensembles naîtront également : le Ballet Adongoro De Ngoro le Ballet Ngono d'Alfred Ngoume et Edouard Etouké ou encore le Ballet Bantou de Moïse Malobo. Dans les années 1990, le Cameroun plonge dans une crise politique et il faut attendre 1993 pour que le secteur théâtral bénéficie d'une nouvelle dynamique. Il est notamment aidé par la diffusion d'une campagne de communication à travers l'Afrique encourageant le développement de la « danse contemporaine africaine ».

Le ben skin est une danse relativement moderne, elle est devenue populaire dans les bidonvilles de Douala. Les historiens disent qu'elle prend toutefois racine dans l'ouest du Cameroun chez le peuple Bangangté qui entretenait une pratique équivalente dans son essence. Littéralement, ben skin signifie « se courber en avant ». La chorégraphie est exécutée par les femmes, qui montrent ainsi leur beauté et leur sensualité. Pour accompagner les mouvements, la musique fait appel à des tambours et des maracas fabriqués en matériaux de récupération.

L'une des danses traditionnelles les plus connues est le bikutsi, venant de la tribu Betis. Elle a pour objectif de soigner la souffrance causée par la perte d'un être cher ou une douleur physique. Le bikutsi symbolise, comme son nom l'indique, le fait de frapper le sol. Cette danse est exécutée par des femmes qui interprètent ce geste à l'aide de bâtons. L'exportation de ce style dans les grandes villes et l'arrivée de la « guitare-balafon » au sein de la ligne musicale à la fin des années 1970, livre une autre dimension à cette danse, donnant naissance à un style musical à part entière. Alors que les chanteurs sont à présent majoritairement des hommes, Anne-Marie Nzié, considérée comme la « Reine du bikutsi », fait danser le Cameroun et Yaoundé plus particulièrement. Chaque groupe de bikutsi s'établit dans un bar de la ville : l'Escalier bar, le Mango bar, le Palladium bar, le Chacal bar… Un guitariste camerounais s'impose sur la scène nationale et internationale : il s'appelle Zanzibar et intègre le groupe des Têtes brûlées dans les années 1980. Deux films ont été produits pour retranscrire l'histoire de ce groupe : Bikutsi Water Blues, par Jean-Marie Teno, et Man No Run, de Claire Denis. D'autres grands noms s'imposeront par la suite : Zélé le Bombardier, les Maxtones et Givinal Ndzinga Essomba, précurseur de la « techno-bikutsi ».