Une ouverture religieuse nouvelle
Si les catholiques représentent encore 60 % des chrétiens, le protestantisme gagne progressivement du terrain. En cause, une influence grandissante des Églises américaines mais aussi une certaine défiance de la population vis-à-vis des prêtres catholiques qui ont été nombreux à prendre part aux massacres de 1994. Avant le génocide, la religion musulmane était anecdotique dans le pays. Aujourd’hui, on estime qu’elle est pratiquée par environ 5 % des Rwandais. Des milliers de catholiques ont en effet souhaité se convertir suite à la position pacifique adoptée par la plupart des imams en 1994. Les Hutus musulmans ont refusé de collaborer avec les génocidaires allant jusqu’à cacher et protéger les Tutsis appartenant à leur communauté religieuse. Biryogo, le quartier musulman, était alors considéré comme l’endroit le plus sûr de la ville. Depuis quelques années, le Rwanda voit aussi fleurir un peu partout sur son territoire des Églises du réveil, une mouvance évangélique importée au lendemain du génocide par les exilés rwandais rentrant d'Ouganda et de République démocratique du Congo. Le gouvernement surveille de près ces nouvelles Églises car les dérives sont nombreuses. Dans cette religion de spectacle, les messes prennent la forme de meetings survoltés ou un pasteur-gourou, le plus souvent autoproclamé, harangue la foule. Les fidèles crient, pleurent, se jettent à terre en psalmodiant des prières et n’hésitent pas faire de généreuses donations. En plus d’être un business juteux, certaines de ces Églises du réveil peuvent s’apparenter à des sectes. D’une manière générale, le président Paul Kagame voit d’un mauvais œil cette omniprésence de l’Église. Inquiet de l’influence des leaders religieux, il a fait fermer depuis son accession au pouvoir en 2000 plus de 6 000 édifices religieux, des églises principalement mais aussi quelques mosquées. Même si le gouvernement exhorte sa population à prendre de la distance avec l’Église et que le génocide a brisé une partie de la confiance religieuse, l’athéisme reste presque inexistant dans le pays. De toute façon, la pression religieuse est tellement forte au sein de la société rwandaise que les rares athées se gardent bien de révéler publiquement leur absence de conviction.
Le retour de l’ancienne religion
En parallèle de leur religion chrétienne ou musulmane, de nombreux Rwandais pratiquent encore certains rituels issus de l’ancienne religion traditionnelle. Ils continuent d’honorer la mémoire du dieu Imana qu’ils considèrent comme le créateur de toute vie et le protecteur des vivants. Selon la croyance populaire, les esprits des hommes et des animaux demeurent sur terre après la mort et se mêlent aux vivants. Si certains esprits sont troublés, ils peuvent causer des maladies, des mauvaises récoltes ou attirer le malheur sur une famille. Pour apaiser la colère des morts, les Rwandais peuvent faire appel à un umufumu, un sorcier qui communique avec les défunts grâce à des incantations rituelles. Cette religion traditionnelle joue un rôle significatif dans l’importance accordée par les Rwandais aux cérémonies funéraires. Ici les morts sont sacrés et honorés par leurs familles. La période de deuil peut durer plusieurs mois pendant lesquels les activités censées représenter la vie sont proscrites. La famille du défunt ne peut plus travailler, ensemencer les champs ou encore consommer de la viande. Les tâches agricoles et domestiques incombent alors aux voisins et aux amis. Il y a encore quelques années, il n’était pas rare de croiser des femmes avec le crâne rasé en signe de deuil. Pour les Rwandais, certaines pierres rondes revêtent un caractère sacré. Selon d’anciennes légendes, elles renfermeraient la puissance d’Imana. Autrefois, elles étaient ramassées dans des sources d’eau et placées dans une hutte où les croyants apportaient des offrandes chaque jour. Quand un membre de la famille décédait, son corps était enterré près de la hutte. Aujourd’hui cette tradition est tombée en désuétude, bien que certains considèrent encore les pierres rondes comme des porte-bonheur. En plus du dieu Imana, les Rwandais qui observent l’ancienne religion vénèrent Lyangombe, le plus puissant des esprits des ancêtres. Pour communiquer avec lui, il faut suivre une cérémonie d’initiation avec des incantations et des chants. Ce rite est appelé kubandwa et signifie littéralement « être possédé par l’esprit de Lyangombe ». Aujourd’hui encore, un grand nombre de Rwandais sont initiés.
Le mariage, une institution sacrée
Au pays des mille collines, le mariage est un passage obligé. Dans les campagnes, la tradition veut que la famille du futur époux s’acquitte d’une dot. Il s’agit en général d’une vache ostensiblement décorée et offerte au père de la jeune fille lors d’une cérémonie très ritualisée qui prend la forme d’un jeu de rôle. Le prétendant, paré à outrance de bijoux, s’avance d’une démarche princière vers sa belle-famille avec les bras chargés de cadeaux. Dans la tradition rwandaise, la dot ne sert pas à acheter la mariée mais à adoucir le chagrin de sa famille suite au départ de leur enfant. Le mariage traditionnel ne fait pas dans la sobriété. Les décors sont surchargés, kitsch au possible, et des troupes de musiciens et de danseurs mettent l’ambiance jusqu’au petit matin. Contrairement à nos mariages occidentaux, aucune nourriture n’est servie lors d’une cérémonie traditionnelle rwandaise.
Le tabou de la nourriture
L’une des choses susceptibles de vous frapper lors de votre venue au pays des mille collines est le rapport étonnant des Rwandais à la nourriture. Jusqu’au début des années 2000, il était presque impensable de voir un Rwandais se sustenter en public. La tradition considère en effet le fait de se nourrir comme un acte humiliant qui doit rester caché. Même si les mentalités évoluent, la question des repas est rarement évoquée en public. Dans les campagnes, une mère de famille préférera souvent annoncer qu’elle a « quelque chose à montrer » plutôt que de dire que le repas est prêt. Dans les grandes villes toutefois, il n’est plus rare d’inviter des amis à dîner ou d’aller au restaurant. Sous l’influence des Occidentaux, des fast-food se sont même implantés à Kigali et les jeunes cadres dynamiques osent le sandwich à emporter.