Découvrez la Zambie : Architecture (et design)

Moins touristique que certains de ses célèbres voisins, la Zambie abrite pourtant de véritables trésors. Ses superbes paysages s’y font les écrins d’un patrimoine architectural étonnant. Le pays est ainsi riche de grottes et abris de pierre préhistoriques abritant un riche art rupestre. La Zambie conserve également de précieux témoins de l’histoire des grands royaumes africains aux fascinants complexes palatiaux. Missions et églises, forts, sites industriels et miniers, nouvel urbanisme et renouveau stylistique… l’époque coloniale a laissé une forte empreinte sur le pays. Mais dès l’indépendance, ce dernier a souhaité se démarquer en faisant le choix du modernisme. Aujourd’hui, le pays fait face à une urbanisation croissante qu’il peine à contrôler. Malgré tout, de très beaux projets contemporains voient le jour, en grande partie inspirés de la véritable richesse de la Zambie : son architecture vernaculaire. Alors, prêt pour le voyage ?

Aux origines

La Zambie abrite d’étonnants sites préhistoriques témoignant de la manière dont les populations d’alors utilisaient les grottes et abris de pierre pour se forger un habitat déjà très sophistiqué. Roches et pierres étaient ainsi travaillées pour permettre la création d’arches et d’écrans protecteurs en amont des abris, qui possédaient tous un foyer central en pierre. Les grottes de Mumbwa en sont un bel exemple. C’est au cœur de ces habitations de pierre que s’est développé un fascinant art rupestre, comme le montre la grotte de Nsalu et ses peintures aux motifs schématiques et géométriques. Avec la sédentarisation progressive sont ensuite apparus les premiers villages aux maisons faites de lattes de bois et de plâtre. Le site de Sebanzi Hill dans le parc national de Lochinvar abrite les vestiges d’un village de l’âge du fer. Plus récent, le site archéologique de Ingombe Ilede révèle les vestiges de plusieurs villages datés de 700 à 1400. On y trouve notamment des sites funéraires révélant un art décoratif extrêmement poussé employant des motifs en perles de verre et coquillages, témoignant du statut social du défunt. Une organisation hiérarchique qui annonce les chefferies et royaumes dont le pays abrite de nombreux complexes palatiaux. Les bâtiments y sont toujours placés de manière à créer une cour extérieure qui sert de lieu de rassemblement, elle-même toujours agrémentée d’arbres offrant des espaces ombragés. Le palais principal est réservé au chef, tandis que les résidences annexes sont réservées à la famille. Le palais de justice, quant à lui, est le lieu où s’organisent toutes les activités du quotidien. L’entrée dans le complexe est filtrée par une zone d’accueil. Au XIXe siècle, lorsqu’il visite le Royaume du Kazembe, Livingstone fait une fascinante description de la capitale, Kanyembo, avec sa vaste enceinte palatiale carrée entourée de haie de hauts roseaux, et abritant la grande hutte du chef et une multitude de plus petites huttes annexes. Un autre fascinant complexe palatial est à voir dans le non moins fascinant paysage culturel du Barotseland, habité par les Lozis. Il s’agit du Palais Royal Lealui avec ses nombreux pavillons et la maison de la reine, tous réalisés en matériaux provenant des quatre coins insakadu royaume. Le Barotseland est également célèbre pour son architecture et son ingénierie adaptées aux crues inondant la zone de façon cyclique. Les habitants y ont creusé de nombreux canaux pour faciliter le drainage des terres ; érigé de nombreux tertres afin d’y établir en sécurité leurs maisons (le plus souvent de plan rectangulaire, avec une structure en poteaux de bois remplie de boue et surmontée d’un toit de chaume), palais, temples et sites funéraires et sacrés ; et construit des barrages reliant les tertres. Obligés de quitter leurs tertres lors des transhumances, les Lozis ont également imaginé des abris temporaires baptisés maongo et faits de roseaux, herbes et branches. Une architecture pensée pour s’adapter à son environnement et désormais protégée par l’Unesco !

Héritage colonial

Les premières grandes implantations coloniales sont les missions. Bien que toutes différentes, ces dernières possèdent des caractéristiques communes : espace clos, disposition des constructions sur le pourtour d’une aire centrale, espaces agencés pour que tout converge vers l’église, déploiement des édifices secondaires par ordre d’importance (école, hôpital, dispensaire…) Les missionnaires sont les premiers à introduire la brique séchée ou brûlée faite à partir d’un mélange d’argile, de sable et d’eau. Un matériau qui permet de créer d’intéressants jeux de couleurs et de motifs selon leur disposition. La Mission Mbereshi Church, près de Mwansabombwe, formait ainsi ses propres briquetiers et artisans du bâtiment. L’édifice phare de la mission est l’église. Parmi les plus fascinantes, notons : les ruines de l’église de Niamkolo, plus vieille église du pays, qui conserve ses murs de pierre épais et sa tour-clocher de plan carré donnant à l’ensemble une allure résolument médiévale alors que l’église est datée de 1895 ; ou bien encore l’église de la Mission Chilubula à Mporokoso aux proportions impressionnantes et aux arches, porche et clocher d’inspiration romane. La présence coloniale a, par la suite, pris des atours plus défensifs. L’Empire britannique a ainsi jalonné le territoire de postes administratifs ou policiers fortifiés baptisés bomas. A l’origine, ce mot bantou désigne les enceintes faites de pierre, poteaux de bois ou bosquets épineux protégeant les villages, mais les Britanniques ont repris ce mot pour désigner les bureaux gouvernementaux fortifiés érigés dans les zones reculées, et protégés par des palissades de bois ou de pierre. Le Nkala Old Boma ou le Fort Monze en sont de bons exemples. Pour asseoir leur domination, les Britanniques ont cherché à maîtriser le territoire et ses topographies variées en édifiant des ponts notamment. Le Victoria Falls Bridge est le plus célèbre du pays. Surplombant le Zambèze, ce chef-d’œuvre d’ingénierie achève en 1905, s’étend sur 198 m de long et s’élève à 128 m de haut. Un système de câble mécanique avait été imaginé pour permettre de faire circuler les matériaux venus d’Angleterre et pensés pour résister aux éléments. Ce pont entraîna le désenclavement de la zone et le développement de Livingstone. Imaginée selon un plan en grille, la ville est divisée en zones administrative, commerçante et résidentielle, cette dernière étant située en périphérie. Poste, église, tribunal, hôtels, la ville a connu un véritable boom de la construction qui illustre très bien l’évolution de l’architecture coloniale domestique. Au départ, les premières habitations n’étaient pas vraiment pensées pour le confort… il faut dire que leurs murs et toits en tôle transformaient l’ensemble en étuve. Mais progressivement, les toits se firent plus pentus et dotés de conduits afin de favoriser la ventilation, puis on abandonna tout à fait la tôle au profit du chaume et du torchis bien plus adaptés au climat, avant de faire un usage quasi systématique de la brique. Au départ sans transition entre intérieur et extérieur, les maisons se sont dotées de vérandas aux dimensions toujours plus importantes, faisant bientôt tout le tour des demeures, l’ensemble reposant sur des fondations de brique ou de pierre et étant protégé par un toit aux imposantes avancées en saillie. Certaines de ces demeures se sont inspirées du style Cape Dutch très présent en Afrique du Sud et que l’on reconnaît à ses pignons tout en courbes, à ses murs blanchis à la chaux et à ses toitures de chaume. La Old Freedom House et la Old Government House sont de parfaits exemples de cette architecture coloniale. Le pays a connu une autre phase de fièvre constructrice avec l’exploitation de la Copperbelt et la création de mines. Infrastructures routières et ferroviaires, imposants barrages de béton et stations hydroélectriques, ateliers… l’exploitation minière a bouleversé le visage du pays, et renforcé une ségrégation déjà très présente, les ouvriers blancs étant logés dans des cités-jardins et habitats de qualité, tandis que les ouvriers noirs étaient relégués dans des habitations précaires.

Depuis l’Indépendance

Comme tous les pays africains ayant gagné leur indépendance dans les années 1960 et 1970, la Zambie a fait le choix d’un modernisme qu’elle voulait le symbole du post-colonialisme. Le béton est alors roi et l’on voit se multiplier bâtiments administratifs et éducatifs, stades, monuments commémoratifs et autres campus universitaires. Le Campus de l’Université de Zambie à Lusaka en est l’exemple parfait. Conçu par Julian Arnold Elliott, le complexe étonne par ses terrasses de béton en cascade. Le Parlement de Zambie dont la silhouette empreinte de brutalisme domine une petite colline, ou bien encore la Findeco House et sa façade tout en verre dont les 90 m de haut en font alors le plus haut gratte-ciel du pays, comptent parmi les autres témoins phares de ce vent moderniste. En parallèle, et surtout à Lusaka, se multiplient les quartiers résidentiels où les villas de béton sont reines. Depuis, le pays connaît une croissance urbaine difficile à juguler. Aujourd’hui, on estime que près de 70% de la population urbaine vit dans des zones d’habitats informels exemptes d’infrastructures. Pour répondre à cette situation, le pays participe notamment au projet UN Habitat qui vise à développer des constructions durables et à bas coûts dans les zones les plus touchées par la précarité. En parallèle, le pays a également signé des partenariats avec des entreprises spécialisées dans l’intelligence artificielle, afin de dresser une carte complète de la capitale, ville la plus touchée par cette urbanisation incontrôlée, et d’identifier les besoins en transports et infrastructures, de créer un véritable cadastre et de permettre de planifier une nouvelle Lusaka.

Autre problème de taille pour le pays : l’accès à l’éducation dans les zones reculées. Pour y remédier, des architectes internationaux se sont inspirés de l’architecture vernaculaire pour imaginer des centres éducatifs d’un nouveau genre. La Mwabwindo School par Selldorf Architects, dont le design général est inspiré des grands arbres de la savane offrant des lieux de rencontre ombragés, révèle une canopée de toits en tôle ondulée couvrant un village de salles de classe en briques de terre compressée, organisé autour de cours et d’une rue intérieure, tandis que panneaux solaires, éoliennes et systèmes de récupération des eaux de pluie assurent une architecture verte et durable. A Chongwe, le studio Caukin a imaginé l’Evergreen School. Réalisée en matériaux locaux, l’école s’organise autour d’une grande cour centrale. Son toit surélevé permet la création d’un étage de salles de classe à ciel ouvert, tandis que volets et claires-voies permettent de moduler la lumière. Ces différents centres éducatifs sont également générateurs d’emplois et favorisent la mise en valeur des communautés locales. Un souci que l’on retrouve dans les nombreux éco-lodges qui jalonnent les grands parcs et réserves du pays. Matériaux locaux laissés à l’état brut ou tentes de toile rappelant les campements nomades, ces éco-lodges font tout pour limiter leur impact environnemental. Parmi les plus beaux, notons : le Thorntree River Lodge, et les différents campements de luxe de la chaîne Time + Tide.

Richesses vernaculaires

A la fin des années 1990, l’architecte américain et professeur à la Copperbelt University, John « Twingi » Sojkowski décide de sillonner un grand nombre de pays d’Afrique afin de rassembler un maximum d’informations sur leur architecture vernaculaire… Ces informations serviront à nourrir une base de données inédite rassemblant les trésors vernaculaires de 48 des 54 pays africains, dont la Zambie. Durable, l’architecture vernaculaire n’emploie que des matériaux naturels et locaux. Le bambou est réputé pour sa résistance et sa flexibilité et permet de jouer sur des effets de texture lorsqu’il est utilisé tressé pour former des panneaux muraux. Le chaume, composé le plus souvent de miscanthus ou « herbe à éléphant » et de mupani, est travaillé d’abord au peigne fin pour être lissé avant d’être disposé en couche de bas en haut sur les structures de toits le plus souvent à 4 pans aux fortes avancées en saillie et dont la crête est décorée. Les charpentes peuvent se composer de treillis, d’un système de poutres ou de tasseaux, et reposent elles-mêmes sur des poteaux et branches taillées en Y afin d’assurer une plus grande stabilité. Les bois utilisés pour les cadres et structures portantes sont toujours des bois durs plus résistants aux attaques des termites. Les murs peuvent être réalisés en briques séchées, en torchis, en roseau ou même en bambou recouvert ensuite de plâtre pour davantage de solidité. Dans les zones humides désignées sous le nom générique de Dambo, on utilise l’argile du sol comme mortier gris-noir, créant de jolis contrastes avec les teintes traditionnelles rouge orangé. Retenant l’eau et les moisissures, ce mortier est très utilisé pour les sols et les murs intérieurs, d’autant que lorsqu’il est humide, il apporte une fraîcheur continue. Ces matériaux bruts et naturels sont souvent sublimés par un élégant travail décoratif : peintures des sous-bassement, motifs ornementaux sur les façades, sculptures du bois, polychromie des briques disposées de façon à créer des motifs variés, sables colorés utilisés pour créer des motifs et protéger les murs des intempéries… les possibilités sont infinies ! De façon générale, les villages se divisent en zones résidentielles –dont les maisons s’organisent autour de trois éléments, la pièce centrale, la chambre et la véranda qui crée un lien permanent avec l’extérieur – et en zones fonctionnelles. L’élément central du village est l’insaka, terme bamba désignant un lieu pour se rassembler. Il s’agit d’une sorte de kiosque ou de pavillon qui est aussi très souvent utilisé comme espace de cuisine. Fondations en briques brûlées, murs faits de briques ou de structures de poteaux de bois et boue, et toits de chaume caractérisent ces insakas qui peuvent être ouverts, semi-ouverts ou totalement clos. Placés sur des plateformes surélevées par souci de protection et de ventilation, les greniers, eux, se caractérisent par un toit de chaume amovible dont les avancées en saillie protègent les murs en bambou tressé ou en torchis. Du fait de sa flexibilité, le bambou est surtout utilisé dans des constructions à plan circulaire que l’on retrouve notamment dans les provinces de l’Est. Au Nord, plus influencé par les missionnaires notamment, on retrouve davantage de structures de plan carré et en briques séchées. Les containers à arachides, structures ovoïdes de briques placées sur des plateformes de bois, les pigeonniers aux murs de bambou tressé, ou bien encore les structures de séchage du tabac en boue et toit de chaume comptent parmi les autres trésors vernaculaires des villages de Zambie. Certains possèdent même encore des « cases d’initiation », constructions traditionnelles sommaires faites de clayonnages enduits de torchis situées à l’écart des habitations. Le pays abrite d’autres structures uniques, à l’image des abris aux cadres en bois recourbés et couverts d’herbes des camps temporaires de pêcheurs ; les maisons sur pilotis des Tonga avec leurs plateformes en poteaux de bois, leur base en plâtre créant un sol rigide, leurs murs en bambou et plâtre et leurs toits de chaume ; ou bien encore les huttes d’herbe des San que l’on reconnaît à leur forme de dôme, à leur toiture d’herbes et de roseaux descendant quasiment jusqu’au sol et supportée par un cadre de fins branchages, et à leur clôture protectrice en roseaux. Une architecture vernaculaire unique, pensée en harmonie avec son environnement et reflétant les infinies richesses d’un pays qui n’a pas fini de vous étonner !

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