La religion orthodoxe
Depuis la rupture avec Rome en 1054, l’Église orthodoxe ne prend plus en compte le pape. Divisée en Églises indépendantes, c'est-à-dire autocéphales, chacune est dirigée par un patriarche, nommé catholicos en Géorgie. Dans le dogme, presque rien ne sépare l’Église catholique de l’Église orthodoxe (le seul avis divergeant concerne la Dormition orthodoxe, équivalente de l'Assomption de la Vierge : pour les orthodoxes, seule son âme est montée au ciel, à l'inverse des catholiques).
Selon la légende, la christianisation de la Géorgie se serait faite en premier lieu par un des apôtres, saint André. Il s’y rendit trois fois, y construisit la première église et y installa le premier évêque et le clergé. À partir de 313 et un édit promulguant la liberté de culte, sainte Nino, une des saintes les plus vénérées de Géorgie, prendra le relais et consacrera sa vie à convertir les souverains, puis le pays entier. Son œuvre fut approfondie par les treize pères assyriens. Entre le XIe et le XIIIe siècle, le christianisme connut une apogée qui eut un réel impact sur les arts et la littérature au Moyen Âge.
Le catholicos Élie II
Menée par le patriarche Élie II (Ilia II en géorgien), l'Église est officiellement séparée de l'État, mais joue un rôle prédominant dans les domaines sociaux et politiques. Depuis l'implosion de l'URSS, le pays vit un véritable renouveau spirituel. Malgré l'accord signé confirmant la séparation de l'Église et de l'État en 2002 et la liberté de culte, la loi en vigueur fait de l'Église orthodoxe la religion officielle.
Né en 1933 en Ossétie du Nord, le catholicos Élie II bénéficie d'une très forte autorité spirituelle, à tel point, alors que la Géorgie est en proie à une très forte dénatalité depuis les années 1990, que lorsque le patriarche a annoncé qu'il baptiserait personnellement tout troisième enfant d'une famille, il a déclenché un vrai baby-boom. Lors de la Journée internationale contre l'homophobie en mai 2013, il a encouragé le gouvernement à ne pas autoriser le rassemblement en faveur des homosexuels. Le patriarche affirmait que celui-ci était une « insulte envers la nation géorgienne » et « une violation des droits de la majorité ». Dénonçant l'homosexualité comme une maladie, il l'a ensuite assimilée à une addiction à la drogue. De tels propos ont poussé des milliers de Géorgiens à descendre dans les rues de Tbilissi et à s'opposer aux manifestants du rassemblement en cours. La violence s'intensifiant, celui-ci fut annulé et les participants à la manifestation évacués en bus.
Cet événement reflète la position extrêmement conservatrice du clergé. Celui-ci voit d'ailleurs l'Europe comme le berceau d'une « société individualiste et hédoniste » et lui reproche de « transformer les droits de l'homme comme un catalogue des droits des minorités » qui, aux yeux de l'Église, seraient les moins responsables.
Sur le plan international, l'Église géorgienne est très influencée par la Russie dans le domaine politique et s'aligne sur les positions du patriarcat de Moscou. La Russie est souvent perçue par le clergé comme un défenseur du monde orthodoxe contre un Occident vu comme libéral, catholique et décadent.
« Être géorgien, c'est être orthodoxe. » Cette expression résume la forte relation entre l'identité nationale et la religion. Très largement majoritaire dans le pays (elle rassemble plus de 80 % de la population), l'Église orthodoxe est réputée pour son conservatisme.
Autres religions historiques en Géorgie
L'islam : introduit en 645 en Géorgie, l'islam revendique le plus grand nombre d'adhérents après le christianisme. Cette religion s'est implantée sur le long terme en Géorgie dès 735, à la suite des invasions arabes, Tbilissi constituant dès lors une plaque d'échanges commerciaux entre l'Europe septentrionale et le monde musulman. Par la suite, les invasions turco-mongoles, perses et ottomanes ont définitivement confirmé la présence de cette religion dans le pays. Après l'indépendance, le slogan nationaliste « la Géorgie aux Géorgiens », en d'autres termes « qui n'est pas orthodoxe n'est pas géorgien », provoqua un fort mouvement d'émigration de musulmans vers la Russie.
Deux groupes musulmans principaux résident en Géorgie : les hanafites sunnites, vivant en république autonome d'Adjarie, et les Kistes, un groupe proche des Tchétchènes, vivant dans les gorges du Pankissi et qui pratiquent un islam sunnite d'obédience soufie. Une autre communauté réside en Abkhazie. Les Ithna Ashariyah, chiites, sont originaires de la communauté azerbaïdjanaise locale. L'islam est pratiqué également dans la zone nord du Caucase par les Lezguiens, les Avars, les Kurdes… Les Meskhetes, sunnites, furent déportés en masse sous l'ère soviétique (de 100 000, ils sont passés à 1 000). La république autonome d'Adjarie rassemble 30 % des musulmans, la majorité.
Les Arméniens de Géorgie : ils appartiennent à l'Église apostolique arménienne, dite parfois grégorienne. Elle est distincte de l'orthodoxie et monophysite (cette doctrine affirme que « le fils n'a qu'une seule nature, et qu'elle est divine »). Elle dépend directement d'Etchmiadzin, en Arménie, l'équivalent du Vatican arménien.
Le catholicisme en Géorgie : dans le passé, lorsque la Géorgie était gouvernée par les autorités de confession musulmane, certains Géorgiens et Arméniens se convertirent au catholicisme afin de bénéficier de la protection de Rome. La communauté catholique s'élève à 0,5 % de la population.
Le judaïsme en Géorgie : lors d'un congrès juif international à l'aube du XXe siècle, le rabbin David Baazov, venu de Géorgie, annonce : « Frères, je viens d'un pays où les Juifs n'ont ni été persécutés ni massacrés depuis deux mille six cents ans. » Il n'y a effectivement pas eu de vague d'antisémitisme en Géorgie. La première vague de Juifs serait arrivée sur les terres de Géorgie en 586 av. J.-C. après la conquête de Jérusalem par Nabuchodonosor. Représentée au Parlement, la communauté juive géorgienne est très bien intégrée à la société. Sur l'ensemble des 75 000 Juifs géorgiens émigrés dans le monde, pour des raisons économiques, vers les États-Unis, Israël et la Russie, seuls 10 000 d'entre eux vivent encore en Géorgie.
Les Kurdes yézidis : le yézidisme syncrétise des éléments du zoroastrisme et de l'islam. Originellement, les adeptes étaient des zoroastriens, une des plus vieilles religions monothéistes, originaire de l'Iran, née entre le Ier et le IIe millénaire. Lors de l'invasion arabe de l'Empire perse, on pense que ceux-ci furent forcés de se convertir à l'islam, avant de revenir à leur religion, tout en conservant quelques éléments de la religion musulmane. On compte environ 12 000 Kurdes yézidis en Géorgie, soit 0,33 % de la population. La religion est basée sur la foi en un Dieu unique, entouré de sept anges, dont le Satan nommé Malek Tawous. Il est représenté sous la forme d'un paon symbolisant le pouvoir, la beauté et la diversité. Les adeptes croient à la résurrection de l'âme, mais pas à l'au-delà. Le clan est très fermé. La religion se transmet des parents aux enfants uniquement, sans prosélytisme. Un temple yézidi a été inauguré en 2015 à Tbilissi. Le temple du feu Atechgah, « cathédrale du feu » (élément sacré constamment entretenu), le plus vieux temple zoroastrien en Géorgie, daterait du Ve siècle. Il aurait été utilisé par des marchands géorgiens jusqu'au début du XIXe siècle.
Rapports entre religions
La Géorgie est réputée pour sa tradition de tolérance religieuse. Cela étant, la Cour internationale des droits de l'homme a tout de même fait pression sur les autorités géorgiennes par rapport à certaines minorités religieuses, notamment les témoins de Jéhovah, pour les laisser exercer librement leur culte. Ils étaient auparavant pris violemment à témoin par des extrémistes religieux. La Cour a fait pression également sur le pouvoir afin qu’il mette en place une Agence gouvernementale des affaires religieuses.
L’Église orthodoxe refusant de reconnaître le pontificat romain, les échanges entre les deux Églises sont complexes. L’Église orthodoxe géorgienne est tout de même largement dominée par des courants très conservateurs et ultranationalistes. Ceux-ci montrent ouvertement leur hostilité envers l’Occident, accusé de transmettre des valeurs dites « décadentes ». Depuis l'indépendance de la Géorgie, l’Église orthodoxe, qui jouit d'une influence sociale très forte, se veut le pilier de l'identité nationale. Des mouvements extrémistes religieux à l'encontre des autres religions de même que des mouvements populaires à l'encontre des minorités sont très inquiétants. L’Église orthodoxe s'est refermée sur elle-même, recevant avec un enthousiasme très mitigé le pape François en 2016. Selon l'ambassadrice géorgienne au Vatican, les relations entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe sont « difficiles ».