Histoire Histoire

L’histoire de l’Argentine épouse souvent celle de Buenos Aires, jusqu’à se confondre avec elle parfois. De fait, l’histoire du pays est souvent liée à la capitale portègne, son rayonnement culturel et l’influence qu’elle a eue au fil des siècles sur les Amériques et l’Argentine en particulier. Grandioses et convoitées, les terres argentines furent cependant préservées des désirs de conquête de l’homme blanc jusqu’au XVe siècle, lorsque les premiers navigateurs s’élancèrent par-delà les océans, provoquant alors tout un processus de conquête et de colonisation, des rives du Rio de la Plata aux confins de la Patagonie, les Européens s’approprient ce territoire hostile aux innombrables ressources. Des vice-rois aux premiers gouvernements en passant par les révolutions, les putschs militaires et la sanglante Conquête du Désert, l’Argentine connaît une histoire mouvementée et tente aujourd’hui de retrouver paix et stabilité.

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1516

Juan Díaz de Solís atteint le delta du Río de la Plata

Juan Díaz de Solís, navigateur au service de la Couronne espagnole fut le premier Européen à sillonner l’estuaire du « fleuve de l’Argent » (Río de la Plata) en 1516, à la recherche d'une route vers l’Orient. Cependant sa rencontre peu fortuite avec les Amérindiens eut raison de son expédition et il trouva la mort la même année.

1520

Découverte du détroit de Magellan

Le 20 septembre 1520, Magellan, navigateur portugais passé au service de l'Espagne, quitte Sanlúcar, en Andalousie, accompagné de cinq navires. Il espère alors découvrir un passage à l’ouest vers les Indes. Un mois plus tard, le 21 octobre, la flotte pénètre dans une sorte de passe qui prendra le nom de détroit de Magellan. Pour la première fois, une voie est tracée pour relier l’océan Atlantique à l’océan Pacifique.

Ferdinand Magellan © Naci Yavuz - Shutterstock.Com.jpg

2 février 1536

Première fondation de Buenos Aires

Il faudra attendre 1536 pour voir la fondation officielle de Nuestra Señora Santa María del Buen Ayre par Pedro de Mendoza, amiral et conquistador espagnol. Lors de son arrivée, les Amérindiens locaux, les Querandíes, se montrent plutôt hospitaliers : cependant cela ne dura que deux semaines. Les hommes de Mendoza seront ensuite attaqués et après quelques années laborieuses marquées par des massacres et des épidémies, le site est finalement abandonné en juin 1541.

1573

Seconde fondation de Buenos Aires

Juan de Garay, qui a participé aux guerres civiles du Pérou et à la fondation de Santa Cruz de la Sierra (Bolivie), quitte Asunción et fonde Santa Fe sur les bords du Paraná, en 1573. Sept ans plus tard, Capitaine général de la vice-royauté, il s'avance dans le delta et plante l’arbre de la Justice près de l’ancien site, qui correspond aujourd'hui à la Plaza Mayor. Buenos Aires naît une seconde fois.

Pedro de Mendoza

Conquistador, Gouverneur du Rio de la Plata et fondateur de la première ville de Buenos Aires, Pedro de Mendoza est né en 1487 dans la ville de Guadix en Espagne. Proche du roi Charles Quint, il fut envoyé en Amérique par la Couronne espagnole en tant qu’Adelantado (gouverneur et chef militaire des futures terres qu’il sera amené à découvrir). Sa mission se résumait à protéger les possessions espagnoles face à la progression des troupes portugaises. Il embarque le 24 août 1535, à la tête d’une flotte de 14 navires et entre dans le Rio de la Plata en janvier 1536. Un mois plus tard, il fonde la ville Buenos Aires en hommage à la vierge des marins de la Sardaigne.

1767

Création de la vice-royauté de la Plata

L’Espagne décide de réorganiser ses royaumes américains, et elle crée une nouvelle entité, détachée de la tutelle de Lima, composée de l’Argentine, du haut Pérou et du Paraguay. Buenos Aires devient alors la capitale de la nouvelle vice-royauté du Río de la Plata et commence enfin à prospérer.

1806-1807

Deux invasions anglaises repoussées par Santiago de Liniers

Le 11 juin 1806, onze frégates anglaises commandées par le général William Beresford font cap sur la capitale. Le vice-roi Sobremonte prend la fuite et Beresford s’installe tranquillement dans la cité. Santiago de Liniers, un Français au service de l’Espagne refuse de se rendre, gagne Montevideo et entreprend alors de reconquérir Buenos Aires. Les insurgés, soutenus par un peuple en furie, parviennent à chasser Beresford du fort après une semaine de combats. En février 1807, les troupes anglaises gagnent de nouveau le Río de la Plata et occupent Montevideo. Liniers en profite pour destituer le vice-roi Sobremonte, revenu entre-temps. En juin, le général Whitelocke, qui avait débarqué avec 8 000 hommes, finit par capituler.

25 mai 1810

Révolution et premier gouvernement autonome

En 1810, l’Espagne est accaparée par le conflit qui l’oppose à l’Empire français, animé alors par les grandeurs expansionnistes de Napoléon. Les Portègnes pensent qu’il est temps de profiter de cette situation internationale pour mettre un terme au monopole commercial de l’Espagne. Baltasar Hidalgo de Cisneros, vice-roi d'Espagne et représentant de Joseph Bonaparte, le roi imposé par Napoléon Ier, est chassé par les bourgeois de Buenos Aires le 25 mai 1810, après la célèbre Revolución de Mayo. Une junte créole le remplace à la tête de la colonie du Río de la Plata, mais l'indépendance effective n'aura lieu que six ans plus tard.

9 juillet 1816

Indépendance des Provinces unies du Sud

La terrible guerre d'indépendance qui s'amorce durera jusqu'au 9 juillet 1816. Les libérateurs de la patrie se nomment Belgrano, Pueyrredón et, en premier chef, le général San Martín, considéré encore aujourd’hui comme le libérateur national. Dans les années qui suivent, Buenos Aires s’acharne à imposer son pouvoir aux provinces de l’intérieur. Les caudillos des provinces remportent la victoire de Cepeda, un conflit entre unitaristes (pour un État central et les pleins pouvoirs à Buenos Aires) et fédéralistes (défendent l'indépendance des provinces) qui durera des dizaines d'années. La capitale devient alors une préfecture comme les autres et annonce en 1820 l’autonomie des Provinces unies.

General José de San Martin

Celui que l’on surnomme le Libertador argentin est aussi le grand libérateur de l’Amérique du Sud. Entre 1810 et 1816, il s’est livré à six années de combats contre les realistas, fidèles à la couronne espagnole, avant de libérer le territoire du vice-royaume de La Plata. Révolutionnaire et partisan de l’indépendance, il quitte ensuite l’Argentine pour le Chili et le Pérou qu’il libérera également par la suite. Face à une République argentine jeune et fragilisée par les conflits entre fédéralistes et unitaristes, celui que l’on surnomme le Père de la patrie finit par s’exiler en France où il mourra en 1850 à l’âge de 72 ans.

Général José de San Martin © Sourabh - Shutterstock.com.jpg

1826

Rivadavia est le premier président de la Confédération

Laïc et centralisateur, Rivadavia ne convainc pas, et les soulèvements commencent en province. Pressé par les troubles intérieurs, le Président décide de négocier avec le Brésil, avec qui Buenos Aires était en guerre, et propose la création d’un État indépendant. Cette décision est fortement critiquée par la population portègne. Le président, incapable de faire face, donne sa démission en 1828.

1828

Le général Lavalle exécute le gouverneur Manuel Dorrego

Le gouvernement de Manuel Dorrego est contraint de signer la paix avec le Brésil, et le projet d’un pays neutre voit le jour : la Banda Oriental devient l’Uruguay. Le général Lavalle qui a combattu aux côtés de San Martín se révolte et fait fusiller le président. C’est le premier d’une longue série de coups d’État militaires qui étrangleront la ville jusqu’à la fin du XXe siècle.

1829-1832

Premier gouvernement de Juan Manuel de Rosas

Juan Manuel de Rosas, jeune et riche propriétaire terrien de la province de Buenos Aires, se révolte à son tour contre Lavalle. Il rallie les fédéralistes, les propriétaires fonciers et autres gauchos, et finit par assiéger la ville en 1829. Lavalle est déposé, Rosas est alors élu président. Il se proclame « restaurateur » des lois et des institutions et réclame des pouvoirs extraordinaires justifiés par la situation que connaît le pays.

Juan Manuel de Rosas © Janusz Pienkowski - Shutterstock.Com.jpg

1835-1852

Dictature de Juan Manuel de Rosas

Le caudillo Rosas est réélu gouverneur de la ville en 1835, nanti de pouvoirs exceptionnels. L’histoire du pays devient alors liée au destin de ce personnage controversé. Rosas va ruiner la cité et poursuivre une politique agressive partout sur le territoire. Les unitaires, déjà impopulaires, sont poursuivis et les relations deviennent tendues avec les étrangers, quand un premier blocus français, puis un second, franco-britannique cette fois, menacent d’étouffer Buenos Aires.

Juan-Manuel de Rosas

Rosas, dont le nom est historiquement tantôt révéré, tantôt haï en Argentine, était un riche propriétaire terrien. Devenu chef de file du Parti fédéraliste, il renversa le gouvernement de la province de Buenos Aires et instaura une dictature totalitaire. Proche des indigènes, il préservait des relations intimes avec de nombreuses communautés, ce qui lui permit de se défendre contre l’insurrection de Lavalle et Dorrego en 1828 : cette victoire lui conféra un prestige formidable à Buenos Aires, et le mena à en diriger la province quelque temps plus tard. Conservateur attaché aux valeurs coloniales, il se heurta à plusieurs reprises aux Unitaires, partisans d’un État centralisé. Il décida le premier de coloniser les « terres vierges » tout en regroupant les communautés indigènes dans les estancias pour le travail agricole, mais il ne parvint tout de même pas à assurer la paix aux frontières du pays.

1852-1853

Victoire de Justo José de Urquiza à Caseros et chute de Rosas

Le caudillo fédéral de la province d’Entre Ríos, Justo José de Urquiza, rallie les opposants et une bataille est déclenchée à Caseros (un ancien faubourg de la capitale) en janvier 1852. Les partisans de Rosas sont défaits, et le dictateur prend la fuite. Urquiza rétablit alors le pacte fédéral. Cependant, le nouvel homme fort s’avère aussi dictatorial que son prédécesseur. Ainsi, le 11 septembre 1852, pendant son absence, Buenos Aires fait sécession de la Confédération argentine. Cette situation va perdurer pendant dix ans. Urquiza se réfugie à Paraná, d’où il gouverne le pays.

1862

Bartolomé Mitre est le premier président de la nation

Les unitaristes, après avoir été battus par Urquiza en 1859, remportent une victoire décisive l’année d’après à Pavón. Cette victoire militaire assure l’unité nationale et Bartolomé Mitré est élu président en 1862.

1870-1871

Épidémie de fièvre jaune

Une épidémie de choléra fait 8 000 morts en 1867. Trois ans plus tard, une effroyable épidémie de fièvre jaune terrasse des milliers de personnes. Tout le monde fuit Buenos Aires, qui ne compte plus que 25 000 habitants.

1876

Premiers massacres des communautés indigènes

Le colonel Julio Argentino Roca décide d’aller mater les indigènes qui entravent le développement homogène de la nation, et il entreprend une expédition visant à éradiquer les terres de la Pampa et de la Patagonie des sauvages. Ce projet épouse aussi des considérations économiques : il devient temps d’étendre l’élevage. Cette « Campagne du Désert », abominable et monstrueuse, commencée en 1879 et achevée cinq ans plus tard, devait être, selon les propres mots du ministre de la Guerre, « la contribution argentine à la civilisation ». Les Indiens Tehuelche et Mapuche en furent les principales victimes. Les historiens parlent aujourd'hui d'un véritable génocide.

1880-1914

Essor de Buenos Aires

De 1880 à la Première Guerre mondiale, la cité portègne connut un développement sans précédent. Elle est enfin reconnue officiellement comme la capitale du pays. C’est la ville la plus peuplée du continent latino-américain, devant Mexico ou Río, et elle est reconnue à travers le monde entier comme l’une des plus belles villes du Nouveau Monde. D’aucuns parlent même d’un « Paris austral ». L’Argentine devient alors l’un des pays les plus riches au monde, et en tout cas le principal fournisseur de l’Angleterre en matières premières et viande.

1916

Hipólito Yrigoyen devient président

Un jeune fils d’immigrant basque commence à faire parler de lui : Hipólito Yrigoyen, qui choisit une voie radicale et refuse de dialoguer avec le gouvernement. En 1905, il fomente un coup d’État contre la République conservatrice de Manuel Quintana, mais il échouera. Qu’importe : le radicalisme parvient au pouvoir par la voie des urnes lors des élections présidentielles de 1916.

1918-1930

Le désenchantement de Buenos Aires

Buenos Aires est bien entrée de plain-pied dans les temps modernes et devient un véritable centre intellectuel. Pourtant, la capitale argentine ne jouit pas d’une solide réputation à l’étranger : elle passe pour être mêlée à des réseaux de traite des Blanches. Cette réputation sulfureuse obligea les gouvernements à prendre des mesures : en 1919, une loi imposa la fermeture des maisons closes. Puis, le chômage et l’inflation touchèrent de plein fouet la société portègne, la fraude électorale devint un principe et la politique devient l’affaire de voyous sans foi ni loi : les militaires dirigeaient désormais les affaires du pays.

1919

Sanglante répression du mouvement ouvrier

Du pétrole a été découvert à Comodoro Rivadavia où des ouvriers sont envoyés pour « façonner » le paysage manufacturier national. En janvier 1919, 800 ouvriers se mettent en grève pour réclamer une hausse des salaires et de meilleures conditions de travail : la répression militaire fait quatre morts et trente blessés. L’armée envahit les secteurs les plus agités : on estime entre 800 et 1 500 le nombre d’individus tués dans ces journées folles, et autour de 4 000 blessés. Cet épisode sanglant et terrible de la semaine du 7 au 14 janvier 1919 prendra le nom de « Semaine tragique ».

1930

Coup d’État du général José Félix Uriburu

Alors qu’Yrigoyen est réélu en 1928, le krach boursier de Wall Street en 1929 plonge le pays dans un marasme économique. Et, inévitablement, se profile un nouveau coup d’État porté par les militaires, qui mettent au pouvoir un vieux général, José Félix Uriburu. Mais les conservateurs n’apprécient pas tous Uriburu, d’extrême droite. Des élections sont annoncées. Des fraudes électorales portent Augustín Justo à la présidence : c’est le début de ce qu’on appelle la « Décennie infâme ». La persécution des opposants politiques, la corruption et les fraudes marqueront cette période de l’histoire politique du pays.

1946-1955

Juan D. Perón est élu président de la République.

Juan Domingo Perón

Président de la République argentine de 1946 à 1955, Juan D. Perón est le fondateur du péronisme, mouvement et idéologie politique extrêmement populaires dans le pays. Alternative du socialisme et du communisme, le péronisme sera incarné par ce personnage tantôt vénéré comme un héros, tantôt perçu comme un dictateur. Chassé du pouvoir par un putsch militaire, il s’exile notamment en Europe. Il sera réélu en 1973 avant de mourir l’année suivante, en juillet 1974. Aujourd’hui, plus de 45 ans après sa mort, le péronisme reste la force politique majoritaire en Argentine.

Buste de Juan Domingo Perón© de Dios Editores - Shutterstock.com.jpg

1946-1955

L’Ère du Péronisme

Le péronisme commence à s’approprier tous les symboles nationaux, dates commémoratives, hymne ou drapeau. La création du péronisme, à la fois parti et idéologie politique, signale un retour fracassant de l’Amérique latine, des métis andins ou guaranis et des travailleurs agricoles. De nombreuses réformes sont entreprises : vote des femmes, pensions pour les retraités, hôpitaux, écoles, colonies de vacances… Mais lorsqu’Evita, la femme du président alors atteinte d’un cancer, s’éteint le 26 juillet, c’est un atout capital qui abandonne Perón : la madone des « Sans-Chemises » lui assurait une popularité certaine auprès des indigents et des prolétaires. En 1953, de graves incidents se produisent, menés par des commandos d’extrême droite. Puis en 1955, trois avions lâchent des bombes sur la place de Mai. La tension est extrême et une guerre civile se profile : c’est finalement la marine qui oblige le général à démissionner, en septembre, avant de fuir au Paraguay puis au Panama et à Madrid.

1956

Révolution libératrice

La répression du péronisme est aussi dure que le péronisme lui-même. On cherche à effacer complètement la mémoire du général (sa résidence est détruite) ou même de sa femme, et l’on torture les ouvriers militants. Une certaine confusion s’empare des intellectuels : un mouvement marginal commence à poindre au sein de la culture argentine, celui de la génération absente. Les artistes retrouvent le droit à la parole, la ville retrouve sa place prépondérante d’emblème de la culture latino-américaine. L’université peut enfin goûter de nouveau à la liberté : pour la première fois, on commence à se pencher sur la réalité indigène de l’Amérique latine, et la révolution cubaine sensibilise les étudiants à de nouveaux problèmes, plutôt agraires, ethniques.

1966

Coup d’État du général Onganía

Les militaires dominent toujours la vie politique, et la valse des présidents suit leur bon plaisir. Le 18 juin 1966, le général Onganía renverse le régime ; ce catholique intégriste se veut le gardien d’une morale stricte. On craint de plus en plus une suppression des autonomies. Le 5 août au soir, des chars font irruption dans les locaux universitaires, alors que les étudiants sont à l’intérieur. Cette « nuit des Longs Bâtons » sonne le glas d’une période faste pour les lettres et les arts en général. Un grand nombre d’étudiants ou de professeurs choisissent de quitter leur pays pour l’étranger. L’Argentine, une fois de plus, sombre dans le chaos.

1969

Le Cordobazo

De l’autre côté du Río, en Uruguay, la guérilla des Tupamaros donne des idées à la jeunesse révolutionnaire argentine. Des insurrections enflamment d’ailleurs Córdoba ou Rosario. Le président déclare l’état de siège. Les attentats pullulent, tout comme les arrestations arbitraires, la folie coutumière d’un régime autoritaire. En 1970, les Montoneros, un groupe d’extrême gauche d’inspiration catholique et péroniste séquestre l’ancien président Aramburu. Ils le mettront à mort. L’armée intervient, dépose Onganía et le remplace par le général Roberto Levingston.

1973

Retour du péronisme

Côté politique, les syndicats, les péronistes et l’armée cherchent à obtenir le pouvoir face à la présidence d’Onganía. L’image de Perón est révérée par la jeunesse révoltée, et l’ancien dictateur est désormais perçu comme un vrai révolutionnaire latino-américain. L’armée, à la tête du pouvoir, place Alejandro Lanusse. Ce dernier cherche à se concilier le péronisme, et invite le général à séjourner à Buenos Aires. L’ancien président débarque avec sa nouvelle épouse Isabel, et nomme son candidat, Héctor Cámpora, pour les prochaines élections de 1973. Cámpora est élu et, poussé par un flot de militants exaltés, décrète même une amnistie générale. Les guérilleros déposent les armes. Le 20 juin 1973, Perón doit revenir pour de bon de son exil doré pour reprendre le pouvoir. Le jour où Perón doit arriver à l’aéroport international d’Ezeiza, des millions de personnes répondent présentes et jamais dans l’histoire de l’Argentine il n’y eut un tel rassemblement. Peu avant l’atterrissage de l’avion, une explosion est suivie d’une fusillade : des rumeurs assurent que la guérilla préparait un attentat contre Perón. Les fusillades feront plus d’une centaine de morts. En octobre le vieux général est élu président pour la troisième fois. L’Argentine, et toute l’Amérique latine dans son ensemble, plonge dans les heures les plus noires qu’ait connues le continent depuis la conquête espagnole. Les paramilitaires adoptent le sigle de la Triple A (Alliance Anticommuniste Argentine). Leur dessein est fort simple : il s’agit de supprimer tous les opposants de gauche… mais dans l’ombre, pour ne pas réveiller l’opinion internationale, empêtrée dans la crise du pétrole. Perón, Isabel (sa femme) et López Rega font régner la terreur : séquestrations, tortures, assassinats. Quand Perón meurt, en juillet 1974, une trêve s’instaure. La disparition du « Vieux » désempare la population. Isabel devient la première femme présidente de l’histoire argentine.

1976-1983

La junte militaire au pouvoir

En mars 1976, une junte militaire présidée par Rafael Videla s’empare du pouvoir à la suite d'un coup d’État.

1982

La guerre des Malouines

Le général Galtieri songe qu’il est nécessaire de rassembler le peuple, de redorer le blason d’un pays au bord du gouffre. Il veut en outre rallier l’opinion publique à l’armée. Ainsi, le 2 avril 1982, un détachement argentin part occuper les îles Malouines (Falklands en anglais), qui sont toujours sous mandat britannique. La mascarade militaire des Argentins est appuyée par la plupart des pays latino-américains, mais d’aucuns pressentent que l’issue risque d’être pénible. Le 14 juin, l’Argentine capitule. On compte en fait 904 morts, dont 649 Argentins et 255 Britanniques.

1983

Effondrement du régime militaire et élection de Raúl Alfonsín

La défaite de l’Argentine contre la Grande-Bretagne met à jour l’incompétence effarante de la junte : Galtieri doit démissionner trois jours seulement après la capitulation. La dictature s’écroule et Raúl Alfonsín, membre du parti radical, remporte l'élection présidentielle de 1983.

1985

Les membres des trois juntes sont jugés et condamnés, mais les militaires s’indignent contre ces procès pourtant démocratiques et menacent le gouvernement. Alfonsín doit à son tour céder, poussé par les forces armées, et mettre un terme aux jugements. Le droit n’aura donc jamais raison, la justice ne sera jamais faite. Certains criminels, recherchés par des polices du monde entier obtiennent un non-lieu, par les lois du point final et de l’obéissance due (leyes de Punto Final y Obediencia Debida) qui visent l’oubli plutôt que la justice.

1989

L'ultra libéral Carlos Menem au pouvoir

Le péroniste Carlos Menem succède à Alfonsín. Le pays, en difficulté économique, tente toujours de se relever : création d’une nouvelle monnaie, hyperinflation, précarité, effondrement de la démocratie… En accord avec le FMI, le nouveau président parvient à juguler l’inflation et à stabiliser la monnaie. Le peso est indexé au dollar (en 1991), ce qui va entretenir pendant dix ans l’illusion que le pays est riche, alors qu’il va seulement vivre au-dessus de ses moyens – jusqu’à l’implosion finale. Le pays s’endette de façon irrécupérable et la corruption gangrène la sphère du pouvoir.

1999

En 1999, Fernando de la Rua est élu : la classe moyenne et les intellectuels espèrent beaucoup que la politique menée par son prédécesseur trouvera son terme avec ce radical (social-démocrate) et que la spoliation dont a été victime le pays tout entier prendra fin. Peine perdue : rien ne bouge. L’année suivante, Domingo Cavallo, ministre de l’Économie de Menem, est rappelé à ce poste pour sortir le pays de sa situation catastrophique. De fait, les exportations se portent très mal, et pour pallier ce manque de ressources, on juge bon d’emprunter. Le FMI accorde 40 milliards de dollars supplémentaires en décembre 2000, et, alors que la débâcle s’annonce, le Fonds décide de prêter quand même 8 milliards en août 2001.

Décembre 2001

Une crise économique sans précédent

Les chiffres sont éloquents : entre 1970 et 2001, le chômage est passé de 3 % à plus de 20 %, la pauvreté extrême de 1,2 % à 20 %, tandis que la dette est passée de 8 à 132 milliards de dollars ! Cavallo, rappelé en urgence au gouvernement début 2001, décide de réduire le salaire des fonctionnaires et les retraites de 13 % puis choisit de geler partiellement les retraits financiers sur les comptes bancaires ou d’épargne. Le 19 décembre 2001, la crise éclate dans toute sa force : l’indignation populaire descend dans les rues. Le président en exercice, Fernando de la Rua, décrète d’abord l’état d’urgence, puis annonce la démission de Cavallo avant de quitter le palais présidentiel en hélicoptère. Les institutions s’effondrent, les banques ferment, les comptes sont partiellement gelés. Et la valse des présidents commence : personne ne semble en mesure d’arrêter l’hémorragie. C’est finalement Eduardo Duhalde qui s’y collera.

Mai 2003

Nestor Kirchner est élu président de la République

L'élection présidentielle d’avril et mai 2003 a été la première à opposer deux candidats issus de l’héritage péroniste, un mouvement inscrit dans une tradition de révolution sociale. Après le désistement de Menem, majoritaire au premier tour, mais donné perdant au second, Kirchner est élu président de la République, avec seulement 22 % des suffrages. Pourtant, le projet de nouvelle Argentine proposé par le gouvernement bénéficie de très bons résultats économiques même si la dette extérieure reste très préoccupante. Le gouvernement de Kirchner décide de s'en acquitter envers le Fonds monétaire international (FMI) et réussit à négocier avec les organismes financiers internationaux une reprogrammation de la dette, ce qui laisse l'économie du pays reprendre son souffle.

Nestor Kirchner © 360b - Shutterstock.com.jpg

26 janvier 2006

Quête de justice contre la dictature

Les Mères de la place de Mai mettent fin à leurs marches de la Résistance annuelles, car elles se sentent enfin soutenues dans leur quête de justice par le président Kirchner. Ce dernier a su s’affirmer comme un véritable président en œuvrant pour l'amélioration des droits de l’homme, en décrétant l'anti-constitutionnalité des lois d'amnistie de Menem et des lois « du Point final » et de l' « Obéissance due », et en reconnaissant le rôle de l’armée dans la dictature et les tortures pratiquées notamment à l'ESMA.

28 octobre 2007

Cristina Fernández de Kirchner élue présidente de la République

L’épouse de Nestor remporte l’élection dès le premier tour, s'adjugeant plus de 44 % des suffrages. Sa victoire écrasante montre que le peuple argentin a apprécié l’action de Nestor Kirchner et veut continuer sur la même voie. Le principal chantier auquel doit s'atteler la présidente à ses débuts est celui de l’inflation (10,1 % en 2010).

Mars 2008

Crisis del campo

La présidente s'engage dans un véritable bras de fer avec les producteurs agricoles. Elle veut augmenter les taxes à l'exportation sur le soja et le tournesol de 35 à 45 %. Le pays se divise alors en deux camps, entre les partisans du gouvernement et ceux du campo. Manifestations géantes, blocage des routes... La crise se résout au Congrès, où les parlementaires donnent raison à la position des producteurs agricoles.

2010-2011

Malgré les voix qui s'élèvent pour lui reprocher un certain populisme autoritaire face à la crise, la présidente continue dans la voie de justice tracée par son mari dans les procès des responsables des tortures et disparitions forcées sous la dictature. En janvier 2010, elle signe un décret déclassifiant l'ensemble des archives de la dictature militaire, ce qui permettra dorénavant à la justice d'y accéder. Les événements de 2010 changent la donne avec le décès brutal de Nestor Kirchner, en octobre. L'Argentine est sous le choc. Sa femme est réélue le 24 octobre 2011 au premier tour, avec 53,96 % des voix.

Juillet 2012

Condamnation de l’ancien dictateur Videla

Deux ans après l'annulation de l'amnistie dont bénéficiait Rafael Videla, alors âgé de 85 ans, il est jugé coupable d'exécutions de détenus politiques, de faits d’enlèvements ou de tortures, de vols de bébés d'opposants à la dictature de 1976 à 1983. Il est condamné à la prison à vie et meurt dans sa cellule en 2013.

Mars 2013

L'archevêque de Buenos Aires Jorge Mario Bergoglio est élu pape sous le nom de François.

Décembre 2015

L'ère Kirchner a entraîné une politique de rigueur budgétaire, de renationalisation et de protectionnisme, qui a relancé l’économie, mais des voix s'élèvent pour lui reprocher un certain populisme autoritaire. De plus, les problèmes de clientélisme, de corruption et de délabrement des services publics dont sont accusés les Kirchner perdurent. Dans un contexte où le pays se retrouve fortement polarisé, les pro-K (pro Kirchner) s'opposent aux anti-K, constitués par des dissidents du FPV, de l'UNA, mais surtout par les conservateurs de Cambiemos, menés par Mauricio Macri. Ce dernier, homme d'affaires à succès, ancien président du club de foot de Boca Juniors et maire de Buenos Aires de 2007 à 2011 sera président de la République pendant quatre ans. Après une année 2016 de réformes ultra libérales (ouverture des importations et des marchés, baisse de dotation des services publics, etc.), l’inflation reste galopante, mais la croissance, bien qu’encore timide, est bel et bien repartie en 2017 avec un taux de 2,8 %. Mais les importantes mesures d’austérité et la refonte du système déclenchent une colère sociale sans précédent à l’approche de Noël 2017. Entre déficit, dette et inflation, l’Argentine craint une nouvelle crise causée par ses turbulences financières. En 2018, le gouvernement entame une discussion avec le FMI : un soutien financier aura pour objectif de rassurer les marchés et stabiliser la situation économique.

10 décembre 2019

Le candidat Alberto Fernandez remporte l’élection présidentielle dès le premier tour face au président sortant Mauricio Macri. Son investiture, le 10 décembre 2019, signe le retour d'un président péroniste désireux de restituer justice sociale et nationalisme. Cristina Kirchner est de retour et est nommée vice-présidente de la Nation. Le gouvernement tente de renégocier les échéances de sa dette (estimée à 90 % du PIB) auprès du FMI. L’Argentine est au bord du défaut de paiement.

Juillet 2020

Face à la progression fulgurante de la pandémie de Covid-19, l’Argentine met en place un confinement obligatoire, commencé fin mars, parmi les plus longs au monde. Début juillet, le confinement se durcissait à nouveau face à la situation préoccupante de Buenos Aires où se concentrent 90 % des cas de contaminations dans le pays. L’Argentine franchit le seuil des 100 000 cas de Covid-19.

30 décembre 2020

Après un premier rejet par les sénateurs en 2018, le texte autorisant l'avortement jusqu'à la quatorzième semaine de grossesse est approuvé au Congrès argentin. Jusqu'à présent, l'avortement n'était possible qu'en cas de viol ou de danger mortel pour la mère, selon une loi de 1921. L'Argentine rejoint l'Uruguay, Cuba, le Guyana, la ville de Mexico et l'Etat mexicain d'Oaxaca, seuls pays à autoriser l'avortement en Amérique latine.

Mars 2022

Le FMI et l'Argentine concluent un nouvel accord sur la dette du pays s'élevant à près de 45 milliards. Une série de mesures macroéconomiques est prévue pour contenir l'inflation du pays (50,9% en 2021), réduire le déficit budgétaire et trouver l'équilibre en 2025, sous l'œil attentif du FMI. En échange, le pays commencera à rembourser sa dette en 2026 pour s'étaler jusqu'en 2034. Ce qui laisse un peu de temps à l'Argentine de souffler et de maintenir une croissance soutenue.

18 décembre 2022

Après un match d'une grande intensité en finale de la Coupe du monde au Qatar, l'Argentine bat la France aux tirs au but et remporte sa troisième coupe du monde de son histoire. En fin de carrière, Lionel Messi décroche enfin le grand titre qui manquait à son palmarès. Après la victoire de son équipe, il est également élu meilleur joueur de la Coupe du monde.

Top 10 : Personnages historiques

Les personnalités historiques d'Argentine

L’Argentine a connu une histoire mouvementée. Voici certains de ses principaux acteurs, entre libérateurs, caudillos, vice-rois, dictateurs, révolutionnaires, égéries et hommes politiques éclairés.

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José de San Martίn (1778-1850)

Héros argentin, grand libérateur de l’Amérique du Sud, il libéra le pays du joug de la domination espagnole.

Jacques de Liniers (1753-1810)

Originaire de Niort et au service du royaume d’Espagne, il devient comte de Buenos Aires et vice-roi du Rio de la Plata pour avoir repoussé l’invasion britannique.

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Julio Argentino Roca (1843-1914)

Président à deux reprises, il fut notamment à la tête de la Conquête du Désert qui a conduit au génocide des populations autochtones.

Francisco Pascasio Moreno (1852-1919)

Surnommé « l’expert » (Perito), ce naturaliste argentin explora notamment la Patagonie. Un glacier, un parc national et une ville portent son nom.

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Eva Perόn (1919-1952)

Icône controversée et madone absolue des plus défavorisés, celle que l’on surnommait Evita est encore un mythe vivant.

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Ernesto Guevara (1928-1967)

On oublie souvent que le « Che », emblématique révolutionnaire socialiste, médecin de formation, n’était pas cubain, mais argentin !

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Bartolome Mitre (1821-1906)

Premier président de la République argentine et partisan du parti unitaire, il est aussi le fondateur du journal La Naciόn.

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Manuel Belgrano (1770 – 1820)

Principaux leaders de l’insurrection indépendantiste de 1810 qui aboutira à la Révolution de Mai, il fut également le créateur du drapeau de l’Argentine.

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Domingo Faustino Sarmiento (1811 – 1888)

Celui que l’on surnomme « le maître d’école » de l’Amérique latine était, en plus de sa fonction de Président de la nation, un intellectuel du XIXe siècle de grande influence.

Juan Domingo Peron (1895 - 1975)

Fondateur du mouvement péroniste (ou justicialisme), il sera élu Président de la République à trois reprises entre 1946 et 1973.

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