Climat en Argentine
Au regard de l’étendue géographique du pays, on comprend comment il est possible d’y rencontrer presque tous les climats du monde. L’étirement et l’absence de barrières montagneuses transversales facilitent des influences climatiques, tant polaires que tropicales. La cordillère jouit d’un climat humide, l’intérieur des terres d’un climat sec, et le nord d’un climat aride. En descendant vers la Terre de Feu, on trouve un climat devenant « subantarctique », caractérisé par les bien nommés quarantièmes rugissants et cinquantième hurlants. La météo capricieuse, le vent indomptable, le froid humide ou la chaleur étouffante peuvent se conjuguer à des pluies diluviennes tandis que la forte houle s'accompagne de tempêtes océaniques. Enfin, l’Argentine est loin d’être à l’abri des conséquences du changement climatique : fonte des glaciers, canicules et inondations, le pays subit de plein fouet l’un des enjeux les plus alarmants de notre époque.
Les disparités du climat
La double influence polaire et tropicale entraîne des températures élevées en été dans le nord de la Patagonie, tandis qu’il n’est pas exceptionnel qu’il gèle en hiver dans le Chaco, qui jouit d’une forêt au climat subtropical, tout près du Paraguay. Outre les contrastes climatiques, l’aridité caractérise l’Argentine : en effet, il tombe moins de 200 mm d’eau sur le tiers du pays. Ce climat aride et désertique se retrouve essentiellement dans le nord-ouest du pays et dans les steppes du Grand Sud. Ainsi, une Argentine sèche se distingue d’une Argentine humide, humidité et chaleur augmentant du sud vers le nord-est. La partie humide comprend la Mésopotamie (Nord-Est), La Pampa orientale et le nord-est du Chaco, qui reçoit des précipitations annuelles proches de 2 000 mm. Le climat du Nord-Est est identifié à un régime subtropical (pluies réparties sur toute l’année et températures moyennes élevées). À Iguazú, par exemple, la pluie est susceptible de tomber toute l’année même si les mois entre octobre et mars restent tout de même les plus humides. L’Argentine sèche comprend la puna (hauts plateaux andins), le versant oriental des Andes (excepté la région de Tucumán) et les parties occidentales de La Pampa, du Chaco et de la Patagonie. Cet ensemble délimite une diagonale aride, que l’on peut tracer sur une carte du Nord-Ouest (Puna) au Sud-Est patagon. À noter que dans le Nord-Ouest, le long de la cordillère, le climat andin est frais et ensoleillé. Enfin, dans le sud, les précipitations sont le plus souvent neigeuses et les températures diminuent considérablement aux abords de la zone froide et polaire et s’accompagnent de conditions météorologiques imprévisibles (vent, neige, tempêtes…). Enfin, dans la région de Mendoza, le long de la frontière chilienne, au climat sec et tempéré, les conditions sont optimales pour l’activité vinicole. Le climat chaud et sec de la région est contrebalancé par la proximité avec la Cordillère des Andes, à une altitude se situant entre 800 et 1 200 mètres.
Le climat hostile de Patagonie
« La steppe patagonne invite les humains au silence, car la voix puissante du vent raconte toujours d’où il vient et, chargé d’odeurs, dit tout ce qu’il a vu », confie l’écrivain chilien Luis Sepúlveda dans son ouvrage Dernières Nouvelles du Sud. Rien ne s'arrête longtemps sur l'immense terre patagonne, ni soleil, ni pluie, ni neige, ni brume, le temps de fermer les yeux et de les rouvrir le temps a changé et le vent a repoussé le décor, toujours plus loin, vers l'horizon. Car ici sur la terre comme dans le ciel, le vent est maître de toutes choses. Et s'il est invisible, il est pourtant responsable des moindres reliefs d'un paysage qu'il a forgé au fil du temps : les arbres, dont les troncs se courbent vers le sol, l'érosion et la couleur des roches, les vagues des lagunes cristallines… Plus on s'aventure au sud, plus les vents deviennent violents et effrayants, et à raison ils ont été baptisés les 40e rugissants et 50e hurlants. Même s'ils ont façonné les routes maritimes, ces vents imprévisibles sont les plus hostiles de la planète. Un célèbre dicton marin énonce plutôt bien la situation « Sous 40 degrés, il n’y a plus de loi, mais sous 50 degrés il n’y a plus de Dieu ». Derrière le dicton, il y a une réalité scientifique : le conflit de température entre les eaux glaciales de l'Antarctique et les courants chauds qui entourent le continent de glace. Cette rencontre fait donc l'effet d'un choc météorologique et provoque une multitude de dépressions, drainant une houle à chaque fois plus importante : les vagues peuvent alors atteindre jusqu'à 30 mètres de haut... En Patagonie, quatre saisons peuvent se manifester en une seule et même journée : vent, neige, pluie ou encore soleil, il faut s'attendre à tout ! De plus, ici la météo échappe à toute logique, ce n'est pas parce que l'on se dirige vers le sud que les températures chutent : à Rio Gallegos, les températures peuvent descendre jusqu'à -20 °C, mais à Ushuaia, à moins de 4 000 kilomètres du Pôle Sud, le mercure passe rarement en dessous de -21 °C. Cette inaptitude à connaître la situation météorologique a fait naître un dicton chez les Patagons : « Quien se apura en la Patagonia pierde el tiempo » (celui qui se précipite en Patagonie perd son temps). La nature joue un rôle tellement fondamental dans les déplacements et les activités du quotidien que lorsqu'il fait mauvais temps, il vaut mieux attendre que cela se passe et rester à la maison ! Enfin, joie des voyages aux confins du monde pendant l’été austral : alors que le soleil se fond dans l'horizon autour de 17h en janvier, la nuit ne tombe pas avant 23h à Ushuaia, et le soleil reprend ses droits vers 4h du matin. Les nuits sont courtes, c’est bien agréable lorsqu’on aime randonner.
Le changement climatique
Bien évidemment, l’Argentine n'échappe pas au grand sujet d'actualité qu'est le changement climatique, bien au contraire : puisqu'elles se réchauffent plus vite, les régions des pôles sont les plus affectées. Alors que les calottes glaciaires fondent, la Patagonie argentine subit les effets les plus graves et les plus ravageurs du réchauffement climatique, déstabilisant ses écosystèmes et réduisant sa biodiversité. En 2019, c'est la première fois que des records de chaleur ont été enregistrés à des latitudes aussi élevées dans l'hémisphère Sud. Les températures ont atteint des valeurs extrêmes dans la province de Santa Cruz : jusqu'à 38,2 °C à Perito Moreno et 35,8 °C à Rio Gallegos. De plus, phénomène rare et alarmant, c'est la première fois que la température a dépassé les 30 °C en Terre de Feu. Enfin, en février 2020, l’Antarctique argentin enregistrait des records de chaleur à 18,3 °C, plus précisément à la Base Esperanza : c’est la température la plus chaude jamais enregistrée sur le continent de glace. Le précédent record était de 17,5 °C en 2015. La fonte des glaciers s’accélère dans la région, notamment depuis que l’A68, le plus grand iceberg du monde, s’est détaché de l’Antarctique. Cette vague de chaleur historique a été contrebalancée par des températures en dessous des normales de saison : jusqu’à -25 °C à San Carlos de Bariloche et dans la station de ski de San Martín de los Andes en Patagonie, un record jamais égalé depuis 1963. Dérèglement climatique oblige, les glaciers reculent et déversent, tels des robinets ouverts, de grandes quantités d'eau douce dans l'océan. La composition de l'eau change et impacte alors tout l'écosystème marin. Victime de ce réchauffement climatique, le glacier Perito Moreno, réputé pour être l'un des seuls glaciers de Patagonie à ne pas reculer, s'est pourtant fracturé en 2018 et semble désormais en sursis. Le glacier Upsala, l’un des plus grands glaciers de la région, est celui qui a le plus reculé ces 50 dernières années : il recule de près de 300 mètres et perd 20 mètres d’épaisseur par an. Sur les 18 000 glaciers des Andes, la fonte s’accélère depuis les années 2000 dans la région de Patagonie Sud : les géants de glace, de plus en plus fragiles, perdent en moyenne 15 mètres d’épaisseur. Devenus peaux de chagrin, ils sont pourtant des capteurs qui nous indiquent l’état de santé de notre planète et d’importants réservoirs d’eau stratégique pour le futur. Heureusement, les études scientifiques se multiplient et les touristes sont de plus en plus sensibilisés au sort des glaciers, à leur recul et au réchauffement de la planète. Des musées, comme le Glaciarium de la ville d’El Calafate, ont pour objectif d’éduquer la population et les touristes face à ces enjeux. Dans la cordillère des Andes, la neige est de moins en moins importante (en un siècle, certains sommets ont perdu 60 % de leur neige) et l'hiver de plus en plus doux. Le changement climatique s'observe également du côté de la pampa avec des pics de chaleur qui frappent lourdement la faune et la flore : au cours de la canicule de 2008, plus d'un million et demi de vaches ont péri. Dernièrement en 2019 et 2020, la sécheresse qui sévissait en Argentine menaçait considérablement les productions de blé. Sur la côte atlantique, les inondations se multiplient et la montée des eaux menace les stations balnéaires. Du côté de Mendoza, l’agriculture est également menacée : le manque de neige se fait de plus en plus ressentir à l’arrivée du printemps. Au moment du dégel, l’eau est censée irriguer les pentes des montagnes, remplir les lacs et abreuver les sols. Aujourd’hui les rivières et les lacs sont de plus en plus secs et l’herbe se fait de plus en plus rare. Début 2020, l’épisode de grêle survenu dans la province de Córdoba a mené une équipe de chercheurs à proposer une nouvelle catégorie de grêle : le diamètre des grêlons se situait entre 19 et 24 centimètres ! Baptisée « grêle gargantuesque », cette précipitation exceptionnelle, encore étudiée, a fait de nombreux dégâts : toits perforés, pare-brise impactés, vitres brisées… un gros potentiel destructeur ! De plus, le réchauffement laisse place à des microclimats plus propices à l'agriculture : le vin de Patagonie, né dans les années 2010, est le plus austral du monde. Fenêtre sur un avenir qui ne s'annonce pas des plus radieux, le Sud argentin se révèle pourtant être un très bon laboratoire pour les scientifiques : la région regroupe des événements en chaîne qui devraient être observés dans d'autres écosystèmes au cours des prochaines décennies. Plusieurs scientifiques s'y sont installés afin d’y installer des sondes. Ils surveillent ainsi l'évolution des écosystèmes et tentent tant bien que mal d'anticiper le réchauffement climatique dans les autres mers du globe. Enfin, lors de la 50e journée mondiale de la Terre, le 22 avril 2020, le pape François a encouragé la jeunesse à redescendre dans la rue (post-confinement contraint par la pandémie mondiale du Covid-19) pour sauver une planète « polluée et pillée » : le pontife argentin reproche une réponse trop faible aux dirigeants de son propre pays.