Une Colombie multiethnique et pluriculturelle
La Colombie est le pays du métissage, mais aussi de la diversité ethnique. Selon le dernier recensement du DANE (l'entité de statistiques colombienne), en 2018, 87,6 % de la population se considérait comme métisse ou blanche. Le Blanc est principalement d'origine européenne (espagnole surtout) ou moyen-orientale. Le mestizo, littéralement « le métis », indique des ascendances amérindiennes et blanches. Le reste de la population se définit comme d'une origine ethnique particulière : afro-colombienne (9,34 %), indigène (4,4 %) ou rom (0,006 %). Ces chiffres reposent sur l'auto-perception de chacun, et certains Indigènes préfèrent se considérer comme mestizos, en raison de préjugés raciaux persistants dont leur communauté souffre de la part d'une partie de la société. Malgré un racisme obstiné, les mentalités évoluent vers une société plus inclusive et égalitaire. La Constitution progressiste de 1991 reconnaît la Colombie comme un État multiethnique et pluriculturel. Une Colombie qui n'a plus peur de sa diversité, qui en est même fière, au moins dans les discours. La Constitution protège ainsi les droits collectifs de trois groupes ethniques minoritaires reconnus officiellement par l'État – les Afro-Colombiens, Indigènes et Roms –, qui peuvent donc juridiquement vivre et s'exprimer selon leurs propres langues, croyances, coutumes et traditions.
Les peuples autochtones. À l'arrivée des Espagnols dans l'actuelle Colombie, on estime qu'il y avait entre 1 et 6 millions d'Amérindiens, appartenant à trois groupes linguistiques : arawak, caribe et chibcha. 90 % des peuples autochtones furent décimés en quelques dizaines d'années, à cause du travail forcé et surtout des maladies importées d'Europe. Les autochtones représentent aujourd'hui près de 2 millions de personnes, appartenant à 115 ethnies. Ils sont surtout présents dans les départements d'Amazonas, La Guajira, Vaupés et Vichada, Chocó, Cauca, Sucre, Córdoba, Nariño et Putumayo. Les zones où les communautés amérindiennes jouissaient d'un isolement relatif ne résistent pas à la société moderne, qui tend à uniformiser les modes de vie. Une vingtaine de groupes isolés n'ayant volontairement pas eu de contact avec la « civilisation » depuis des dizaines ou des centaines d'années, auraient été identifiés au fin fond de l'Amazonie colombienne. Combien de temps ces peuples nomades pourront-ils rester isolés face à l'avancée agricole, à la déforestation et aux lubies de sectes évangéliques (comme la New Tribes Mission) qui cherchent à les contacter pour « sauver » leur âme comme à l'époque coloniale ?
Le groupe autochtone le plus important est celui des Wayúu, avec 380 000 membres, soit un autochtone sur cinq en Colombie. Ils vivent dans la péninsule de La Guajira, à la frontière avec le Venezuela (pays où cette population est estimée à 413 000 personnes). C'est le seul groupe autochtone à ne pas avoir été conquis par les colons espagnols. Il reste un peuple fier et redouté. Organisés en clans, les Wayúu ont conservé leurs traditions ancestrales (el encierro, la dote, etc.), tout en étant impliqués dans les activités économiques (légales ou clandestines) de cette zone frontalière. Dans la région caraïbe, on trouve également les Wiwa, Kogui, Arhuaco et Kankuamo, dispersés en communautés dans la Sierra Nevada de Santa Marta. Côté Pacifique, les Emberá et Wounaan sont majoritaires. Dans la région andine, ce sont les Muisca, mais on trouve aussi d'autres ethnies, comme les U'was, Guambiano, Misak, Pijao… En Amazonie, vivent les Tikuna, Huitoto, Coconuco, entre autres, et dans le bassin de l'Orénoque, les Tunebo, Tiniqua, Piapoco… La Constitution de 1991 a reconnu aux peuples autochtones des droits collectifs sur certaines terres, ancestrales ou non, via les resguardos indígenas. Cette entité administrative et sociopolitique gère une terre collective selon le droit autochtone. La guardia indígena (garde indigène) est chargée de maintenir le bon respect de ces règles et d'assurer le contrôle du territoire contre les incursions de groupes armés. Ces derniers utilisent les terres parfois très vastes des autochtones pour leurs activités illicites (culture de coca, extraction de l'or, etc.).
Les Afro-Colombiens. Ce sont les descendants des esclaves africains amenés durant l'époque coloniale pour remplacer la main-d'œuvre autochtone. La Colombie est aujourd'hui le 3e pays d'Amérique latine avec une population noire importante, après le Brésil et Haïti. Près de 10 % de la population se considère comme Afro-colombienne, mais plusieurs organisations communautaires avancent des chiffres plus réalistes de 25 %. Les Noirs et mulatos (métisses d'ascendance afro-européenne) vivent aujourd'hui essentiellement sur les côtes du Pacifique (90 % de la population) et des Caraïbes, ainsi que dans les grands centres urbains comme Medellín, Bogotá et surtout Cali. Ils sont majoritaires à San Andrés, Providencia et Santa Catalina. Dans l'archipel, les 25 500 habitants aux racines afro-anglo-antillaises sont appelés Raizales. Les caractéristiques culturelles et linguistiques de ce peuple insulaire sont clairement différentes du reste de la population afro-colombienne, avec une langue et une culture proche de celle de la Jamaïque et de la Barbade. Autre minorité noire reconnue officiellement : les Palenqueros. Originaires de San Basilio de Palenque, ils descendent directement des Cimarrones (Marrons), esclaves ayant pris la fuite des haciendas espagnoles pour former un royaume indépendant à la fin du XVIe siècle. Ils seraient 6 600 personnes, avec une culture, une langue et un mode de vie bien particuliers. Le 21 mai, on célèbre en Colombie le Día de la Afrocolombianidad, en hommage aux apports culturels de la population afrocolombienne, libérée officiellement de l'esclavage en 1851.
Les Rom. La comunidad gitana (ou Pueblo Rom) est arrivée à l'époque coloniale, fuyant la persécution en Europe. Los Gitanos formaient des caravanes qui parcouraient le pays, avec des marchandises à vendre et des prophéties, comme celles de Melquíades, le mage de Cent Ans de solitude, chef-d'œuvre de Gabriel García Márquez. L'aggravation du conflit armé à partir des années 1980 les obligea à se sédentariser. Ils se regroupèrent en kumpañy dans certaines villes, comme Cucutá, Girón, San Pelayo (Córdoba), Ibagué (Tolima) et Bogotá, ainsi que dans le département du Nariño, où subsiste encore une certaine tradition de nomadisme. Il y aurait 3 000 Gitanos actuellement en Colombie, dont beaucoup se dédient au commerce et au travail artisanal du cuivre.
Des migrations plus récentes ont enrichi le métissage et la diversité ethnique de la Colombie. Dans le nord du pays, en particulier à Barranquilla, une forte immigration en provenance du Moyen-Orient est arrivée à la fin du XIXe siècle et surtout au milieu du XXe siècle. Ces commerçants syriens, libanais, jordaniens ou palestiniens, tous appelés Turcos, ont participé activement au développement de la région. Barranquilla a également reçu des immigrants juifs en provenance de Pologne, d'Ukraine, de Lituanie et d'Allemagne. Depuis quelques années, de nombreux Vénézuéliens (et des Colombiens installés depuis longtemps dans le pays voisin) traversent la frontière dans l'espoir de trouver une vie meilleure en Colombie, pour envoyer de l'argent, de la nourriture et des médicaments à la famille restée au pays. On estime que plus de 4,5 millions de Vénézuéliens auraient quitté leur pays depuis l'arrivée de Nicolás Maduro au pouvoir en 2013. La moitié s'est installée en Colombie. En février 2021, face à cet afflux massif et en pleine crise sanitaire de Covid, un « statut de protection temporaire pour les migrants vénézuéliens » (EPTV) a été accordé à plus d'1,7 million de réfugiés. Délivré pour dix ans, ce visa spécial offre la possibilité de travailler légalement et de bénéficier du système de santé. Parmi les autres immigrés, on trouve des Cubains, Équatoriens, Brésiliens, mais aussi des Espagnols, Italiens et Français, tentés par une nouvelle vie. Entre 3 et 7 millions de Colombiens vivent à l'étranger, principalement aux États-Unis, en Espagne, en Équateur et au Chili.
Une population jeune et urbaine
En Colombie, 40 % de la population a moins de 25 ans et l'âge médian est de 31 ans (42 ans en France). Mais le nombre d'enfants par femme est en baisse constante, de 6 dans les années 1960, à moins de 2 aujourd'hui, mais avec de grandes différences entre régions. La population est regroupée principalement dans la région andine et sur la côte Caraïbe, laissant de grands territoires inhabités, comme les Llanos et l'Amazonie, avec moins d'1 habitant par km². Près de 80 % des Colombiens vivent en zone urbaine, et notamment dans l'une des 7 métropoles de plus d'1 million d'habitants : Bogotá (11 millions), Medellín (4 millions), Cali (3,2 millions), Barranquilla (2,1 millions), Carthagène (1,4 million), Bucaramanga (1,2 million) et Cúcuta (1,1 million). L'exode rural a pris de l'ampleur dans les années 1950-60, avec la guerre civile, puis avec le conflit armé. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, 7,5 millions de Colombiens ont été victimes de déplacements forcés entre 1985 et 2017, en grande partie des familles afro-colombiennes et indigènes. En 2021, c'est encore près de 73 000 Colombiens qui ont fui leur territoire d'origine sous la pression des multiples groupes armés (+181 % par rapport à 2020).
Des langues bien vivantes
La Colombie est le second pays hispanophone au monde, derrière le Mexique et devant l'Espagne. C'est un espagnol d'Amérique avec des caractéristiques linguistiques assez différentes de l'espagnol d'Espagne. Celui parlé dans les rues de Bogotá a la réputation d'être le plus pur (ou neutre) au monde ! Compte tenu de la géographie complexe du pays, il y a un grand nombre de particularismes et d'accents régionaux. On parle même d'une dizaine de dialectes : le costeño, parlé sur la côte caraïbe, proche de celui parlé au Panamá ou au Venezuela ; le pastuso, dans la région de Pasto, assez similaire à l'espagnol parlé dans les Andes équatoriennes ; le paisa de la région de Medellín ; le valluno de la région de Cali ; le rolo de Bogotá ; le llanero des Llanos ; le cundiboyacense parlé dans le Cundinamarca et le Boyacá ; ou encore le santandereano dans le Santander.
Il y a également 68 langues natives en Colombie : 65 langues indigènes (dont beaucoup en voie d'extinction), deux langues afrocolombiennes, et le romani, parlé par le peuple rom. Les langues afrocolombiennes sont le palenquero, un mélange d'espagnol et de langues africaines, parlé à San Basilio de Palenque, et le créole anglo-caribéen, parlé à San Andrés et Providencia. Si le système éducatif est censé être bilingue dans certains territoires, les programmes nationaux intègrent rarement des éléments culturels autochtones. Au contraire, ils ont tendance à les soustraire à leurs us et coutumes traditionnels, pour les incorporer dans une société occidentalisée.