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Le premier pays hispanophone au monde

Le Mexique compte plus de 132 millions d’habitants, ce qui en fait le 11e pays le plus peuplé au monde et le deuxième pays d’Amérique latine (derrière le Brésil). La population a presque doublé en 40 ans : elle n’était « que de » 75 millions en 1980, et 15 millions il y a un siècle, après la révolution mexicaine. À ces chiffres, il faudrait ajouter ceux des Mexicains vivant en dehors du Mexique, et en particulier aux États-Unis. Chez le voisin du nord, les Mexamericanos, ou Mexico-Américains, sont plus de 36 millions. Ils représentent la première communauté étrangère et 63 % des 57 millions de latinos dans le pays !

Retour au Mexique, où près de 80 % de la population vit en zone urbaine. La moitié dans l'une des 112 villes de plus de 100 000 habitants et 37 % dans l’une des 10 métropoles dépassant le million. La Zona Metropolitana del Valle de México (ZMVM), dont la dénomination remplace l’ancien Distrito Federal, ou D.F., est une mégalopole de plus de 21,8 millions d’habitants comprenant la ville de Mexico et ses banlieues. C’est la troisième ville la plus peuplée du continent, après São Paulo et New York. Derrière ce monstre, on trouve Monterrey et Guadalajara qui dépassent chacune les 5 millions d’habitants.

La densité de population est de 65 hab./km2 (contre 122 hab./km2 en France), mais le Mexique présente une grande disparité, entre des zones très densément peuplées, comme Mexico (6 000 hab./ km2) et d’autres beaucoup moins, comme la Basse-Californie du Sud (9 hab./km2), Chihuahua, Durango ou Campeche (14 hab./km2).

Le Mexique est un pays à la population plutôt jeune, mais qui n’échappe pas au vieillissement constaté dans toutes les sociétés occidentales. Les plus de 60 ans représentent 12 % de la population (autour de 25 % en France), contre 7 % en 2000, et l’espérance de vie est de 75 ans, avec une différence importante entre les sexes (près de 78 ans pour les femmes et 72 ans pour les hommes). L’âge médian est aujourd’hui de 29 ans (41 ans en France), il était de 22 ans en 2000. On fait effectivement de moins en moins d’enfants : le taux de fécondité était en 2020 de 2,1 enfants par femme en âge de procréer, contre 2,8 enfants en 2000, 4,8 en 1980 et autour de 7 dans les années 1960. Bien sûr tous ces chiffres sont des moyennes et il existe d’énormes différences entre régions et entre les zones urbaines et rurales, ces dernières ayant des familles beaucoup plus nombreuses, notamment dans les communautés indigènes.

Une nation métisse

La population mexicaine est majoritairement métisse, autour de 80 % selon la plupart des études réalisées sur ce thème. Un mélange de groupes ethniques qui a commencé quand les conquistadors espagnols ont envahi le Nouveau Monde. L'un des premiers métis est d’ailleurs le fils d’Hernán Cortés et de l’Autochtone Malintzin, Marina ou « La Malinche », l’une des figures les plus controversées de l’histoire mexicaine. Les Européens vont se mêler d’abord avec les femmes autochtones, puis également avec les esclaves africaines. Peu à peu la population métisse va devenir majoritaire et ces mestizos vont être placés par la Couronne espagnole entre la catégorie des « Créoles » (Espagnols nés en Amérique) et celle des Autochtones. Ce système de castes va être le terreau des aspirations indépendantistes. Avec la République, puis la révolution, les Mexicains ont vu la nécessité de fonder une identité nationale en effaçant les différences ethniques. Cette identité nationale va se forger à travers l’idéologie du métissage linguistique et culturel, qui sera au centre du discours politique tout au long du XXe siècle. Si le brassage génétique est bien là, malheureusement les inégalités héritées de la colonie sont toujours flagrantes et la situation n’a fait qu’empirer depuis la révolution... Les Autochtones et les Noirs sont toujours au bas de l’échelle, tandis que les descendants d’Européens, qui ne se sont jamais mélangés, conservent crânement le pouvoir politique et économique. Le leitmotiv « Nous sommes tous des métis » va par ailleurs être un obstacle à la reconnaissance de la diversité culturelle et notamment de ses minorités autochtones et afrodescendantes.

L'héritage africain

Les Afromexicains sont les descendants des centaines de milliers d’esclaves africains amenés au Mexique, entre 1590 et 1650, pour remplacer la main-d’œuvre autochtone décimée par les maladies apportées par les colonisateurs. Certains esclaves qui se sont échappés des haciendas, ont fondé des communautés autonomes et se sont soulevés contre les autorités coloniales. La plupart se sont métissés, avec des Autochtones ou des Blancs, et aujourd’hui beaucoup de Mexicains ne se doutent pas qu’ils ont du sang africain dans leurs veines. Les Afroméxicanos représentent aujourd’hui plus de 2,57 millions de personnes. Pourtant, ils ont très longtemps été ignorés par l’État et ses institutions. Ce n’est qu’en 2020, pour la première fois, que l’INEGI va distinguer dans son recensement décennal les personnes se considérant comme afrodescendantes. Le fruit d’années de mobilisation d'organisations civiles comme México Negro ou Alianza para el Fortalecimiento de las Regiones Indígenas y Comunidades Afroméxicanas (AFRICA), entre autres. Les Afromexicains sont surtout présents dans la région de Costa Chica, sur la côte pacifique des États d’Oaxaca et de Guerrero, ainsi que, dans une moindre proportion, en Basse-Californie du Sud, dans le Veracruz, le Yucatán et le Quintana Roo.

25 millions d'Autochtones

À l’arrivée des Espagnols au XVIe siècle, 25 millions d'« Indiens » (comme les appelèrent les Européens), de différentes ethnies, occupaient l’ensemble du territoire de l’actuel Mexique. La conquête a décimé cette population, par la guerre, le travail forcé et les maladies contre lesquelles les indigènes n’étaient pas immunisés. C’est seulement aujourd’hui que l’on retrouve ce chiffre de 25 millions d’Autochtones, tout du moins de personnes se reconnaissant comme appartenir à l’un des 68 peuples indigènes du pays. Ils représentent 21,5 % de la population totale du Mexique. Les Autochtones sont présents sur tout le territoire, mais se concentrent surtout dans les États d’Oaxaca (1,16 million) et Chiapas (1,4 million). Veracruz, Puebla et Yucatán ont également des minorités indigènes importantes. Les peuples autochtones les plus nombreux sont les Nahuas (24 %), les Mayas (13,7 %), les Mixtèques (6,8 %), les Zapotèques (6,8 %) et les Tzeltal (5,7 %), qui concentrent ensemble plus de la moitié de la population indigène du Mexique.

68 langues indigènes

Tutunakú, ayyujk, bats’il k’op tseltal, otetzame, kickapoo, tének, wixárika, chatino, awakateko, chinanteco, ixil, bot’una… : ce ne sont que quelques-unes des langues du pays ! Le Mexique est une nation multilingue qui ne compte pas moins de 68 langues indigènes, appartenant à 11 familles linguistiques, et dont dérivent 364 dialectes. Cette diversité en fait le deuxième pays d’Amérique latine en nombre de langues originaires, derrière le Brésil, et le dixième au monde.

Le Mexique n’a pas de langue officielle, même si l’espagnol l’est devenu de facto. Depuis la loi sur les Droits linguistiques des peuples indigènes (2003), les langues indigènes ont toutes le statut de « langues nationales », au même titre que l’espagnol, parlé par plus de 99 % des Mexicains. Les principales langues indigènes sont le nahuatl (1,72 million de locuteurs, la plupart originaires du centre du pays) ; le maya (859 000), dans le Chiapas et la péninsule du Yucatán ; le tzeltal (556 000) et le tzotzil (487 000) dans le Chiapas ; et le mixtèque (517 000) et le zapotèque (479 000), dans l’Oaxaca. Au total, 7,4 millions de Mexicains parlent une langue indigène et la plupart sont bilingues (moins d’1 million d’indigènes ne parlent pas l'espagnol). Une quarantaine de ces langues sont en danger et des centaines ont déjà disparu durant la colonisation, mais surtout après l’indépendance. En effet, à partir du XIXe siècle, la castellanización (hispanisation) de la société, promue par l’État républicain, avait pour objectif de faire disparaitre les langues indigènes, qui constituaient un obstacle à l’intégration dans la société nationale. Au Mexique, le principal critère historique pour définir ce qui relève de l’ « indigène » est la langue. Pour cette raison, la consolidation d’une nation métisse homogène devait passer par l’interdiction de l'usage des langues indigènes, notamment à l’école ou au travail. Les mentalités vont peu à peu évoluer et, à la fin du XXe siècle, le multiculturalisme est reconnu comme une richesse nationale. À partir des années 1980, l’éducation bilingue est mise en place dans les municipalités à forte présence indigène, mais elle est restée limitée aux groupes linguistiques principaux. L’Institut national des langues indigènes (INALI) est chargé de développer des programmes et services culturels et linguistiques, avec par exemple la formation de traducteurs et interprètes indigènes pour faciliter l’accès des communautés aux systèmes de santé, d’éducation ou à la justice.

¿hablas Mexicano wey?

Quant à l’espagnol parlé au Mexique, il est bien différent dans son vocabulaire, ses expressions, accents ou intonations, de la langue de Cervantes. Des différences que l’on retrouve aussi, dans une moindre mesure, entre les différentes régions du Mexique : vu la taille du pays et les différences ethniques et culturelles entre les États, on distingue de nombreux régionalismes linguistiques. Ces régionalismes ont été influencés par les langues et dialectes locaux des peuples originels. Le nahuatl, la langue des Aztèques, a beaucoup influencé l’espagnol mexicain, et cela même dans des régions où on ne le parlait pas (nord et sud du pays). Le champ lexical espagnol (et universel) s’est enrichi de mots nahuatl, pour désigner des fruits (tomate, jitomate, zapote, aguacate, cacahuate, chayote, etc.), des plantes (achiote, quelite, jocote, etc.), ou des boissons et aliments (guacamole, mezcal, vainilla, cacao, chocolate, etc.) qui n’existaient pas en espagnol. Le maya quant à lui a eu une influence sur l’espagnol parlé dans le sud-est du Mexique et dans la péninsule du Yucatán, ainsi qu’en Amérique centrale.

Au-delà des langues indigènes, sous l’influence nord-américaine de nombreux mots anglais sont rentrés dans le langage courant. Si l'on dit facilement ok et bye, on trouve aussi des mots calqués sur l'anglais et adaptés à l'espagnol : au Mexique, los carros se rentan (« cars are rented ») alors qu'en Espagne, los coches se alquilan… Enfin, le parler mexicain est loin d’être figé, il évolue avec des mots d’argot pleins d’humour inventés tous les jours. Il y a également beaucoup de jeux de mots et d'expressions à double sens, les fameux albur, avec lesquelles les Mexicains aiment se divertir, et c'est encore plus drôle avec les touristes !