Les musique et danse traditionnelles
Fusion de cultures maya, espagnole et afro-caribéenne, la musique traditionnelle guatémaltèque s’enracine profondément dans le récit national. Car c’est durant l’épisode esclavagiste, en lien avec l’histoire du peuple garifuna qu’est introduit celui qui va devenir l’instrument emblématique du Guatemala : le marimba. Idiophone originaire d’Afrique, ce cousin du xylophone haut sur pied, élaboré en bois ou en palissandre, se joue seul ou en orchestre. Selon les dimensions et les formes, un marimba nécessite un ou plusieurs musiciens. Aussi, particularité exotique notable, sur certains marimbas ce sont les tecomates, des fruits suspendus qui servent de caisse de résonance.
Parmi les grands noms nationaux du marimba, nous ne pouvons pas ne pas citer Domingo Bethancourt (1906-82), dont l’œuvre fut très influente, le célèbre Mariano Valverde (1884-1956), au répertoire très large ou encore Wotzbelí Aguilar (1897-1940) qui adapta de nombreuses pièces pour piano au marimba. Le chanteur Paco Pérez (1917-1951) reste célèbre pour sa valse Luna de Xelajú, l'un des morceaux de marimba les plus connus et les plus joués, considéré parfois comme une sorte d'hymne national officieux. Notons aussi que parmi les plus grands marimbistes de l’histoire deux sont Français (cocorico !) : Emmanuel Sejourné, dont les créations pour marimba ont été jouées par de nombreux grands ensembles dans le monde ainsi que, plus récemment, Adélaïde Ferrière, jeune surdouée de l’instrument qui a remporté une Victoire de la musique classique en 2017 dans la catégorie « Révélation soliste instrumental de l'année ».
Vous l’avez deviné, au Guatemala, on n’échappe pas au marimba. Dans les bars, les restaurants ou encore dans la rue, on en joue absolument partout. Quelques bonnes occasions pour en gouter sur le vif : la Fête de Todos Santos ou encore la Fête de Santo Tomás à Chichicastenango, un évènement majeur riche en danses folkloriques et marimbas. Autrement, à Guatemala Ciudad le restaurant Arrin Cuan en propose le week-end et le bar El Portal, tous les midis (ou presque). À Antigua, Marimba en vivo, tous les samedis à La Fonda de la Calle Real.
Pour rappel, la communauté garifuna s’est constituée au Guatemala au temps de l’esclavage. À l’époque un navire européen transportant plusieurs centaines d’esclaves s’est échoué sur l’île de Saint-Vincent, dans les Caraïbes. Les survivants s’unirent avec les Arawaks, Indiens autochtones - aujourd’hui décimés. Leurs descendants furent déplacés sur les bords de la mer des Caraïbes, où ils s’installèrent et luttèrent pour leur liberté. C’est ainsi que les Garinagu (pluriel de garifuna) ont pu façonner une culture singulière et distincte comprenant de nombreuses pratiques traditionnelles comme la chumba et le hunguhungu, des danses circulaires féminines polyrythmiques. Elles sont souvent combinées avec la punta, leur genre emblématique garifuna. Mêlant éléments africains et arawak, la punta est une musique et danse au rythme furieux, interprétée avec des instruments traditionnels comme les tambours garaon, d'autres percussions et des voix. La danse accompagnant ce style se concentre sur le bassin et les déhanchés rapides. Si la plupart des esthétiques traditionnelles garifuna sont restées proches de leurs racines, la punta a évolué vers une forme plus contemporaine dès les années 1970 avec la punta rock. Il est tout sauf rare de voir ou entendre de la punta. Par exemple à Livingston, on la joue et danse les 1er mai pour la Palo Mayo, fête traditionnelle célébrant le début des semailles d’hiver ou lors de la Fête de la Virgen De Guadalupe, fête patronale se déroulant chaque année le 12 décembre.
Les danses sont un des piliers du patrimoine culturel du Guatemala et jouent encore un rôle social important. Elles ne sont pas toujours destinées au divertissement, et revêtent parfois un caractère rituel. Ces danses peuvent être de tradition maya, à l’instar du Rabinal Achi (en langue quiché) qui tend à disparaitre, les somptueux vêtements et masques représentant un coût élevé pour les communautés ; le Palo Volador est, lui, probablement d’origine aztèque, chaque épisode de sa préparation correspondant au livre sacré. On peut le voir en été, lors des Fêtes de Santa Elena à Santa Cruz La Laguna. Durant ces dernières on peut également assister à la Danse du cerf (ou El Venado), d’origine préhispanique, symbolisant la lutte entre les hommes et les animaux ; la Danse de la couleuvre met en scène douze protagonistes vêtus de noir et masqués de blanc dansant tour à tour avec une femme et des reptiles qui symbolisent le mal ; la Danse des géants raconte un épisode célèbre du Popol Vuh, c’est un ballet plein d’entrain et de bonne humeur. Toutes ces danses sont accompagnées par toute une variété d’instruments : les trompettes, la chirimia (flûte d’origine précolombienne), les tambours, la marimba, auxquels s’ajoutent la guitare, la harpe et le violon d’origine hispanique.
La musique classique
Rien d’étonnant à ce que quiconque de non-guatémaltèque ignore tout de la musique classique nationale, puisque son histoire n’a que peu ou pas traversé les frontières. Pourtant, fait intéressant, le Guatemala a une tradition de musique savante vieille de près de cinq siècles, le pays ayant été un des premiers du Nouveau Monde à adopter la musique européenne dès le début du XVIe siècle. Les missionnaires introduisirent avec eux un large répertoire de chants liturgiques et polyphoniques et quelques compositeurs un temps installés sur place commencent à s’illustrer : Hernando Franco (1532-1585), Pedro Bermúdez (1558-1605) et Gaspar Fernández (1566-1629). Tous ont laissé des compositions de grande qualité, consignés dans divers manuscrits ecclésiastiques.
Au cours du XVIIe siècle, en pleine période baroque, des premières compositions guatémaltèques commencent à intégrer des éléments de musique folklorique, notamment entre les mains de Rafael Antonio Castellanos (1725–1791). À l’époque classique, apparaît José Eulalio Samayoa (1781-1866), que l’on peut considérer comme le premier grand compositeur du pays, ce dernier ayant été le premier à s’attaquer à la symphonie. La génération suivante est à la fois marquée par quelques pianistes de renommée nationale formées en Europe, comme Luis Felipe Arias (1876–1908) - réputé pour ses interprétations de Beethoven, Chopin et Liszt – et l’introduction de l’opéra par les frères Anselmo et Benedicto Sáenz (1815–1857). Un énorme succès qui ouvre les portes à de nombreuses compagnies d'opéra italiennes, et pousse à la construction de scènes comme le fameux Théâtre Municipal de Quetzaltenango.
Apparaît peu après une des figures essentielles de la musique classique guatémaltèque : Rafael Álvarez Ovalle (1858-1946). Plongé dans la musique dès son plus jeune âge grâce à son père, il se trouva propulsé, à la mort de ce dernier, à la tête de l’école de musique de Santa Lucía, alors qu’il était âgé de 15 ans. A 21 ans, il gagna Guatemala Ciudad pour étoffer sa formation musicale et confirma, auprès de Pedro Visoni - maitre italien venu enseigner la musique au Guatemala - ses dons remarquables : en moins de trois mois, il maitrisait parfaitement la flûte et il gagnait son premier concours musical moins d’un an après. Il apprit ensuite, avec un talent égal, la guitare, le piano et le violon. La consécration intervint en 1897 lorsqu’il fut choisi par le gouvernement guatémaltèque pour composer l’hymne national. Le jour de sa mort a été déclaré jour de deuil national, dernier hommage à cette figure incontournable de la musique guatémaltèque.
À la fin du XIXe siècle et dans la première partie du XXe siècle, plusieurs compositeurs témoignent d’un vif intérêt pour la musique folklorique maya, notamment Jesús Castillo (1877-1946), le premier musicien à collecter une quantité importante de matière folklorique. On peut retrouver le résultat de ses recherches, dans ses œuvres comme son opéra Quiché Vinak (1924). Plus contemporain et avant-gardiste dans sa démarche, porté notamment sur l’électroacoustique, Joaquín Orellana a également travaillé autour du folklore guatémaltèque. Le chef d’orchestre, compositeur et musicologue germano-guatémaltèque Dieter Lehnhoff, une des figures les plus importantes de la musique nationale du XXe siècle, a lui aussi consacré une grande partie de son œuvre au patrimoine folklorique de différentes ethnies locales comme les Garinagu, consacrés dans ses opéras Caribe ou Satuyé. Acteur de premier plan, ses concertos, symphonies ou sa musique de chambre, sont souvent joués en Europe, en Amérique et en Asie. Qui plus est, il a fondé en 1993, l’Orquesta Millennium, ensemble qui a gagné en prestige avec le temps, consacré à valoriser la musique classique du Guatemala, aussi bien de la Renaissance que baroque ou contemporaine. Le pays possède également l’Orquesta Sinfónica Nacional de Guatemala qui contribue au développement de la musique savante dans le pays. Entre 1972 et 1991, l’ensemble est dirigé par Jorge Sarmiento, largement considéré comme le chef d'orchestre guatémaltèque le plus important de l'Histoire. Le Centro Cultural Miguel Angel Asturias de Guatemala Ciudad est une scène de référence dans le pays pour du théâtre, un opéra ou des concerts de musique classique.
Les musiques actuelles
Passées les grandes stars de la pop, adorées d’un grand nombre, que sont Ricardo Arjona ou Shery, le Guatemala possède également une scène intéressante de musiques actuelles, très inspirée par le voisin géant du Nord. Remarquables, citons les groupes d’indie pop Easy Easy, d’indie rock Yecto ainsi que Dinosaur 88, duo de synth pop, Mabe Fratti, violoncelliste d’avant-garde, Gaby Moreno, chanteuse pop qui se produit partout dans le monde ou encore Rebeca Lane, gros nom du rap local. Citons aussi The Garifuna Collective qui célèbre les traditions musicales garifuna et les mélange à celles d'autres diasporas africaines.
Autrement, d’une manière générale, on écoute ici la même musique qu’ailleurs en Amérique centrale. Ce sont donc souvent les rythmes de salsa, merengue et reggaetón qui accompagneront votre voyage.
Un rendez-vous et un lieu à noter pour se frotter à cette nouvelle scène : le Cosmic Convergence festival se tenant tous les ans sur les rives du lac Atitlán avec généralement un beau line-up et le TrovaJazz, espace polymorphe installé au cœur du récent quartier 4° Norte et tout entier tourné vers la promotion et le développement de la scène culturelle contemporaine du Guatemala.