Ier siècle av. J.-C.
L’ère bushmen
Souvent appelés San, les « Bushmen » en anglais ou « Bochimans » en français, sont considérés comme le premier peuple d’Afrique. Ces petits hommes bruns, chasseurs-cueilleurs, autrefois nomades, vivaient déjà en Afrique australe il y a 40 000 ans, selon certaines peintures rupestres. Ces peuples primitifs semblent avoir occupé une grande partie de l'Afrique orientale, avant de descendre vers le sud sous la pression des peuples noirs bantous originaires du sud du Tchad.
Aujourd'hui, les anthropologues parlent des Khoïsan, un nom collectif qui désigne les Bochimans ou San et les Hottentots ou Khoï. Les premiers sont les descendants des chasseurs-cueilleurs du Kalahari en Namibie et parlent la langue à clics. Les seconds se sont sédentarisés il y a 2 500 ans en pratiquant l'élevage des moutons et des bovidés et ont été assimilés à la population du Cap. Environ 100 000 chasseurs-cueilleurs peuplent aujourd’hui encore le désert du Kalahari.
Au XVe siècle
Les grands navigateurs débarquent
En 1434, en Europe, le navigateur portugais Gil Eannes se risque au-delà du cap de Bojador puis, en janvier 1486, Diego Cao atteint l’actuelle Namibie. Personne ne le revit jamais. Le Portugal ne renonce pas. L’année suivante, Bartolomeu Dias de Novaes, poussé par les vents, rate la pointe du continent et gagne la terre ferme à Mossel Bay. Entourés de leur bétail, de petits hommes ridés attendent les visiteurs. On échange de la viande contre de la pacotille, le ton monte et finalement on se bat. En mettant voile vers l’Europe, Bartolomeu Dias tombe enfin sur la péninsule du Cap, qu’il baptise Cabo de Boa Esperança, car les vents et les courants violents mettaient alors les bateaux en péril à cet endroit. En 1497, Vasco de Gama part conquérir les Indes. Il contourne le cap puis longe la côte sud-est qu’il appelle, le jour de Noël, la « Terra do Natal ».
XVIe - XVIIe siècle
Les grandes compagnies
Dès 1550, les Hollandais envoient des navires sur la route des épices et de la porcelaine. Entre l'Europe et l'Asie, une escale s'impose, qui doit offrir de l'eau et des vivres frais. Au nom de la Compagnie hollandaise des Indes orientales, la VOC, Le Cap est choisi comme port d'escale en 1651. Jan Van Riebeeck n'a pas quarante ans et va écrire le premier chapitre de l'histoire d'un pays qui n'existe pas encore : l'Afrique du Sud. Il faut ménager les Hottentots en échangeant des biens contre du bétail. En 1657, neuf hommes reçoivent un lopin de terre et le titre de freeburghers. Ces « citoyens libres » fondent des fermes à l'est du Cap, dans les régions fertiles de la vallée du Berg. En octobre 1679, le nouveau gouverneur, un Mauritien nommé Simon Van der Stel, décide d'encourager l'immigration européenne pour domestiquer ce territoire. Les premiers burghers sont rejoints par d'anciens fonctionnaires de la VOC et par des soldats démobilisés en quête d'eldorado. Par bateaux entiers arrivent des Allemands, des Danois, des Suédois et des Néerlandais.
Fin XVIIe
La French touch de Franschhoek
En 1661, Louis XIV prend le pouvoir. Les huguenots comprennent vite qu'il faudra abjurer pour vivre et des centaines de milliers de protestants s'enfuient en Hollande, où l'accueil est très chaleureux. Dans le même temps, le gouverneur Van der Stel trouve au vin de la colonie un goût « terriblement âpre ». On réclame des Français, « en particulier ceux qui savent cultiver les vignes et fabriquer le vin, le vinaigre, et distiller le brandy », lit-on dans des écrits officiels. Sur les 60 000 huguenots réfugiés en Hollande, environ 200 répondront à l'appel de l'Afrique, et 175 arriveront vivants. Simon Van der Stel, suivant les recommandations de la Compagnie, installe les nouveaux arrivants dans la vallée du Berg, où se trouvent déjà 23 fermes tenues par des Hollandais. Entre Paarl et Stellenbosch, un village est baptisé Franschhoek, « le coin des Français ». Aujourd'hui, environ 500 000 Sud-Africains portent un nom d'origine française, soit 30 % des Afrikaners.
Début XVIIIe
De Malais à métis
Entre 1681 et 1749, de nombreux chefs religieux islamiques d'Asie du Sud-Est seront déportés vers l'Afrique du Sud malgré l'opposition de Van der Stel. Ils seront appelés les Malais, mais ces esclaves viennent de Malaisie, d'Indonésie, d'Inde, de Ceylan ou de Madagascar. C'est aussi à cette époque qu'apparut une nouvelle entité, dont l'apartheid fera une race : les coloured people. Dès les premières années, des mariages eurent lieu entre les colons et les esclaves chrétiens émancipés ou les femmes khoïsan, mais l'exploitation sexuelle des femmes prit le pas sur les mariages. Les Européennes, c'est vrai, étaient peu nombreuses : une pour dix hommes en moyenne. Le gouverneur reçut l'ordre d'interdire ces alliances, mais la nature fut plus forte.
XVIIIe siècle - début XIXe
Les guerres de frontières
Les enfants des burghers du Cap s'enfoncent loin dans les terres, pour essayer d'échapper à l'administration. Ceux que l'on appelle désormais les trekboers se consacrent à l'élevage. Ils vivent dans des chariots bâchés, tirés par quatre paires de bœufs. C’est le trek. Au fil de leur longue marche, les trekboers atteignent le fleuve Orange en 1779. Sur l'autre front un groupe de trekboers se heurte aux premiers bergers xhosa en 1775 à 1 500 km du Cap. Ce sont deux mondes qui se rencontrent sans se comprendre. Le néerlandais est abandonné au profit d'une nouvelle langue, l'afrikaans.
En 1807, dans le même temps à Londres, le commerce des esclaves est interdit dans tout l'Empire britannique. Mais l'abolition n'interviendra qu'en août 1833. Dès 1809, les Khoïsan sont proclamés sujets de Sa Gracieuse Majesté.
XIXe siècle
Les Anglais s’installent et l’esclavage est aboli
Durant l'hiver 1794-1795, les armées révolutionnaires françaises renversent le gouvernement néerlandais. Le Cap est placé sous protection britannique. Les Anglais débarquent et un siècle et demi de souveraineté de la VOC s'achève. En Europe, la France de Napoléon est défaite à Trafalgar. Le 7 janvier 1806, 61 navires de la Royal Navy pénètrent dans la Table Bay, sans résistance possible. Le nouveau territoire est immense, sans limites clairement établies, sur lequel se trouve une population très disparate composée de 26 000 Européens, de 30 000 esclaves et d'environ 20 000 Khoïsan. À Londres, le Colonial Office se félicite de posséder enfin un « Gibraltar de l'océan Indien » pour verrouiller la route des Indes.
A partir de 1818
Le chef zoulou Shaka sème la terreur
Né vers 1787, Shaka était un fils du Ciel, un Zoulou. Persécuté à cause de sa naissance illégitime, chassé par son propre père pour avoir laissé un mouton se faire dévorer par un chien sauvage, le jeune garçon trouve refuge chez les Mthethwa, dont il commande bientôt les troupes. En 1818, le voilà à la tête de la confédération Nguni. En 1824, 15 000 guerriers sont sous ses ordres. Shaka fait exécuter tous ceux qui pourraient un jour constituer une menace. Seules les femmes ont la vie sauve, pour devenir mères d’enfants zoulous. Le despote sanguinaire contrôle le Natal et soumet tous les clans entre le sud de la rivière Tugela et le Drakensberg. Shaka est assassiné en 1828 par son demi-frère Dingaan. Le mythe Shaka anime aujourd’hui encore la nation zoulou.
1834
La sixième guerre et le grand trek
La sixième guerre de frontière, en 1834, déclenche le Grand Trek. 10 000 Xhosa passent au sud de la rivière Kei. Les Afrikaners devront partir vers le nord, en abandonnant ces régions dangereuses aux 5 000 colons britanniques débarqués en 1820.
Entre 1835 et 1837, des dizaines de convois s'enfoncent dans l'intérieur du pays au nord. Mais le territoire est déjà bien occupé : entre les fleuves Vaal et Orange par les Griqua, métis khoïsan, armés de fusils et parlant afrikaans, dans l'actuel Natal par les Zoulou, plus forts que jamais avec Dingaan à leur tête, vers le nord, sur les hauts plateaux du Transvaal, le Zoulou dissident Mzilikazi contrôle 800 000 km² avec 20 000 guerriers ndebele, vers l'ouest se trouvent les Tswana, et enfin, derrière leur rideau de pierre des Maluti, les Basotho.
1836
Boers-Anglais : la bataille continue
À l'automne 1836, les Boers, munis d'armes à feu, tuent 400 guerriers Ndebele pour seulement deux morts dans leurs rangs. En octobre 1837, les premiers atteignent Port Natal, un comptoir de commerçants et d'aventuriers anglais rebaptisé Durban en hommage au gouverneur d'Urban.
Le nouveau chef, un riche fermier, Andries Pretorius, écrase l'impie zoulou qui compte 3 000 morts dans ses rangs. Depuis, la Buffalo est devenue la Blood River, du sang de la vengeance. Le 16 décembre, jour de la « réconciliation » selon les nouvelles autorités du pays, est toujours une fête nationale sud-africaine.
En 1843, le gouverneur Napier proclame l'annexion du Natal. L'esclavage est désormais illégal, toute discrimination raciale abolie. Les Boers n'acceptent pas les diktats humanistes anglo-saxons, et les voilà repartis à la recherche de terres. Le deuxième Trek a commencé en direction du Transvaal et de l'Orange.
En 1852, la Grande-Bretagne reconnaît l'indépendance de la République sud-africaine, située au nord de la rivière Vaal. La capitale, Pretoria, honore la mémoire du vainqueur de la Blood River, Pretorius. En février 1854 naît un second territoire boer, l’État libre d'Orange. Désormais, les Boers répondent de leurs républiques, sans aucun compte à rendre à la Couronne.
La Constitution du Cap, qui restera en vigueur jusqu'en 1910, autorise les Noirs à se porter candidats ou à voter pourvu qu'ils gagnent au moins 50 livres par an, au même titre que les Britanniques. Dans le Natal, quand la canne à sucre demande de la main-d'œuvre, on sollicite les Indiens. En revanche, chez les Boers, dans l’État libre d'Orange « seuls les Blancs sont citoyens de la République », et dans le Transvaal « la nation ne reconnaît aucune égalité entre les Blancs et les indigènes ».
1899-1902
La seconde guerre anglo-boer
Depuis 1877, le gouverneur Shepstone a pris le prétexte de la rébellion Pedi pour annexer la République sud-africaine et sa capitale Pretoria. Après une première guerre anglo-boer en 1880, Paul Kruger part à Londres arracher des concessions aux Britanniques. Résultat, la convention du 27 février 1884 réinstitue définitivement la République sud-africaine.
Mais l’un de ses adversaires rêve d’empire. Le milliardaire Cecil Rhodes incarne l’impérialisme britannique. Il est élu Premier ministre au Cap en 1890 et décide un coup de force contre l’orgueilleuse République sud-africaine de Kruger. En 1895, la guerre anglo-boer est déclarée : d’un côté 30 000 combattants afrikaners, de l’autre 27 000 Britanniques. Ces derniers bénéficient de la supériorité militaire, tandis que les nationalistes boers ont l’avantage du terrain.
1902
Traité de paix et victoire des Anglais
Le traité de paix fut signé en 1902 lorsque, à bout de forces, les Boers font une croix sur l’indépendance de leurs républiques. Sur le terrain, le bilan est terrible : plus de 7 000 morts parmi les Anglais et plus de 6 000 dans les rangs boers. Les Britanniques ont adopté la politique de la terre brûlée : 30 000 fermes ont été détruites, la grande majorité du bétail a été abattue, 120 000 Blancs et 43 000 Noirs ont été déportés en camps de concentration.
Début du XXe siècle
Du sud de l’Afrique à la naissance de l’Union sud-africaine
On fait venir de la main-d’œuvre chinoise et mozambicaine pour les mines : les quantités d’or extraites doublent en volume. En 1907, Louis Botha et Abraham Fisher deviennent Premier ministre, respectivement du Transvaal et de l’État libre d’Orange. À Durban, un accord est trouvé sur la constitution d’un dominion de la Couronne, l’Union sud-africaine, qui fédère les quatre colonies du Cap, du Natal, de l’État libre d’Orange et du Transvaal. Bloemfontein sera la capitale judiciaire de l’Union, Le Cap la capitale parlementaire et législative, et Pretoria le centre administratif où siégera l’exécutif, chaque région conservant son propre vote en vigueur.
1912
Vents de fronde
Le 8 janvier 1912, un petit groupe d’intellectuels fonde à Bloemfontein le Congrès national des indigènes sud-africains (South African Natives National Congress – SANNC) qui deviendra, en 1923, le Congrès national africain (ANC). À la fin du rassemblement fondateur, tous les délégués debout entonnent Nkosi Sikelel’iAfrika, « Que Dieu bénisse l’Afrique », devenu hymne national sud-africain en avril 1994. En juin 1913, le Native Land Act est promulgué, qui n’accorde que 7,3 % du territoire de l’Union aux Noirs.
Les années 30
L’Afrikanerdom et les fondements de la ségrégation
L’afrikaans, seul héritage propre aux Boers, remplace alors le néerlandais comme seconde langue officielle et l’Union se choisit un drapeau. Le révérend Daniel Malan fonde le Parti national purifié sur les bases de l’Afrikanerdom, l’idéologie afrikaner.
Plusieurs organisations fascistes seront les fers de lance de la reconquête et tous les éléments sont réunis pour la mise en place de l’apartheid. En réaction, pour la première fois depuis la création de l’Union, tous les groupes noirs, indiens et métis se réunissent ensemble : c’est l’All-African Convention en 1935 à Bloemfontein, sur l’initiative de Pixley Seme, le président de l’ANC. En 1936, le Representation of Natives Act prive les Noirs de la province du Cap du droit de vote dont ils jouissaient depuis 1853.
A partir de 1938
Les inégalités s’escaladent jusqu’à l’apartheid
Le 26 mai 1948, le Parti national réuni remporte les élections générales et Malan devient Premier ministre. Dès 1949, le gouvernement interdit les mariages mixtes et condamne les relations sexuelles entre personnes de races différentes. Le Population Registration Act implique le rattachement de tous les Sud-Africains à l’une des trois « races » définies : blanche, métisse ou indigène.
On créé un « pass » pour les Noirs. La présence des Noirs est limitée à une durée de 72 heures dans les villes blanches.
L’ANC change radicalement d’orientation : boycott immédiat et actif, grève, désobéissance civile, refus de coopérer.
Le 26 juin 1952
Lancement de la désobéissance civile
Ce jour-là est une date symbolique. Alors que les Afrikaners célèbrent le tricentenaire de l’arrivée de Jan Van Riebeeck au Cap, l’ANC lance une vaste campagne de désobéissance civile. Des milliers de Noirs pénètrent dans les lieux réservés aux Blancs. On compte 8 000 arrestations. Albert Luthuli prend la tête du Congrès, qui compte désormais plus de 100 000 membres. Nelson Mandela, devenu son adjoint, ouvre un cabinet d’avocats avec Oliver Tambo à Johannesburg. Le 25 juin 1955, près de 3 000 délégués se réunissent dans un terrain vague, près de Klipton, pour proclamer la Charte de la liberté. Réponse immédiate des autorités : 156 personnes sont inculpées de « haute trahison ». Entre-temps, Robert Sobukwe a créé le Congrès panafricain, la police a tiré sur une foule de manifestants en faisant 69 morts à Sharpeville (21 mars 1960, désormais jour férié) et Hendrik Verwoerd, « grand architecte de l’apartheid », est devenu Premier ministre. Il sera le père de l’indépendance puisque, sur son impulsion, le 31 mai 1961, la République sud-africaine est proclamée.
Début des années 60
Un bras de fer
Verwoerd déclare l’ANC illégale. Nelson Mandela fonde « Umkhonto we Sizwe », ou « Lance de la nation », et entre dans la clandestinité. Début 1962, Nelson Mandela quitte clandestinement le pays pour une tournée internationale de sensibilisation. Tel un chef d’État, il traverse l’Afrique et tous voient en lui un symbole.
Juillet 1962
Mandela est emprisonné et devient une icône
Le 5 août, il prend la route de Johannesburg, mais il a été trahi : la police l’attend. Il a 44 ans et va passer 27 ans et 190 jours derrière les barreaux.
Quelques mois plus tard, le 9 octobre 1963, s’ouvre au palais de justice de Pretoria le désormais célèbre « procès de Rivonia ». Parmi les neuf accusés, Nelson Mandela, Walter Sisulu, Govan Mbeki et Ahmed Kathrada. Avant d’être condamné au silence, Mandela se lève et parle : « J’ai lutté contre la domination blanche, et j’ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d’une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie et avec des chances égales. J’espère vivre assez longtemps pour l’atteindre. Mais si cela est nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. » Tous seront condamnés à l’emprisonnement à vie. L’ONU présente une résolution sanctionnant le régime de l’apartheid. La France s’abstient.
1971
La « Conscience noire »
Nous voilà dans les sanglantes années 1970. Face au Cap, sur Robben Island, Nelson Mandela travaille pieds nus dans une carrière de pierre. À l’intérieur du pays, les townships s’embrasent. Le 16 juin 1976, 20 000 écoliers manifestent dans les rues de Soweto contre l’imposition de l’afrikaans comme langue d’enseignement. Les tirs de la police font officiellement 618 morts et 1 500 blessés. La plupart ont moins de 17 ans. Hector Peterson, 13 ans, tombe le premier et devient un martyr. Une vague de répression très brutale va s’abattre sur les contestataires.
Années 80
S’adapter ou mourir
Succédant à Vorster, Pieter Botha veut faire du pays un géant régional incontournable. Dominé par la personnalité de l’évêque anglican Desmond Tutu, prix Nobel de la paix, la United Democratic Front (UDF) organise des manifestations dans les ghettos noirs. En janvier 1985, Botha réitère sa proposition à Nelson Mandela : la liberté en échange de sa renonciation à la violence politique. « Seul un homme libre peut négocier », répond-il. Pour le 25e anniversaire du massacre de Sharpeville, la police fait 19 morts. L’état d’urgence est proclamé. Devant le congrès du Parti national, Botha admet la pleine citoyenneté sud-africaine des Noirs, supprime le système des « pass », met un terme aux emplois réservés et autorise les mariages mixtes. Le « vieux crocodile » ne change rien à la ségrégation résidentielle et aux groupes raciaux.
1991
L’apartheid va mourir
De Klerk, réputé conservateur, remplace Botha à la tête du parti puis de l’État. C’est pourtant lui qui va fermer le livre de l’apartheid. Frederik de Klerk annonce son intention de préparer une nouvelle Constitution devant permettre la « cohabitation pacifique de toutes les populations d’Afrique du Sud ». Nouvellement légalisés, l’ANC et le Parti communiste sortent de trente ans de clandestinité. Nelson Mandela est libéré le 11 février 1990. C’est un mythe vivant qui déclare à son arrivée au Cap : « Je chéris toujours l’idéal d’une société démocratique libre, où tous vivront ensemble, avec des chances égales. J’espère vivre pour réaliser cet idéal. Mais s’il le faut, je suis prêt à mourir pour lui. » Pratiquement mot pour mot, c’est la dernière phrase prononcée lors de son procès en 1964 ! Le 6 août, l’ANC suspend sa lutte armée : une page est tournée. Mandela revient d’une longue tournée à l’étranger. En 1991, Frederik de Klerk tient ses promesses en supprimant toute la législation de l’apartheid. Le Parlement vote l’abolition du Native Land Act, la loi sur la terre qui concentre 75 % de la population – les Noirs – sur 13 % du territoire, du Group Areas Act sur l’habitat séparé, et du Population Registration Act, la loi de classification des « races ». Nelson Mandela est élu à la présidence de l’ANC et, le 20 décembre, la quasi-totalité des acteurs du jeu politique sud-africain s’assoit autour de la table de la Convention pour une Afrique du Sud démocratique.
1992
Le référendum pour les réformes démocratiques
Nous sommes en 1992. Frederik de Klerk, obsédé par la montée de l’extrême droite, veut prendre une dernière fois le pouls de la population blanche sous la forme d’un référendum : oui ou non aux réformes démocratiques. Le « oui » l’emporte avec 68,73 % des voix. En juillet, les négociateurs fixent la date des premières élections multiraciales au 27 avril 1994. À la mi-octobre, Nelson Mandela et Frederik de Klerk reçoivent conjointement le prix Nobel de la paix. Le 18 novembre, les principales formations politiques se mettent d’accord sur le texte de la Constitution intérimaire.
1994
Mandela au pouvoir, espoir
En 1994 s’ouvre la campagne électorale. Le président sortant, Frederik de Klerk, se fait photographier ici en tenue traditionnelle swazi ou, à Soweto, entouré de Noirs souriants. Nelson Mandela visite la Bourse de Johannesburg, avant d’enfiler une chemise à motifs ethniques pour un meeting populaire. En mars à Mmabatho, le sang coule, certains Afrikaners rêvent d’un État blanc et Johannesburg tremble sous les bombes des fanatiques. Les élections du 27 avril rendent finalement leur verdict : 62,65 % des voix pour l’ANC, 20,39 % pour le Parti national et 10,54 % pour l’Inkata. Nelson Mandela est déclaré par le Parlement élu au poste de chef de l’État.
1996
Les premiers pas vers « vérité et réconciliation »
Mandela propose de composer un gouvernement d’Union nationale, le GNU. Le Parti national de Frederik de Klerk et l’Inkatha de Mangosuthu Buthelezi acceptent les sièges qui leur sont offerts par l’ANC. C’est ensemble que les anciens ennemis mettront en œuvre le Programme de reconstruction et de développement, qui doit conduire la nouvelle Afrique du Sud. La tâche est immense. Il faut satisfaire les attentes de la communauté noire en matière de logements, d’emplois, de santé et d’éducation, sans effaroucher les Blancs qui, inquiets pour leur avenir, pourraient provoquer une fuite des capitaux préjudiciable au fragile équilibre du pays. Pour ce faire, les autorités ont créé la commission « Vérité et réconciliation ». Son but : promouvoir l’ubuntu, concept africain qui privilégie le pardon plutôt que le châtiment. Le 9 avril 1996, cet organe présidé par l’archevêque Desmond Tutu a commencé les auditions des victimes d’atteintes aux droits de l’homme.
2008
Le déclin de Mbeki, l’ascension de Zuma
En 2008, une vague de violences xénophobes frappe les townships dans les grandes villes du pays. Mis en cause dans des affaires de corruption concernant Jacob Zuma, Thabo Mbeki annonce sa démission le 21 septembre 2008, après avoir été désavoué par son parti. L’ANC nomme alors le vice-président du parti, Kgalema Motlanthe, comme président intérimaire jusqu’aux élections. Parallèlement, Thabo Mbeki reprend l’offensive judiciaire contre Jacob Zuma ; il se joint à l’appel du procureur général devant la Cour constitutionnelle contestant le jugement qui avait mis fin au procès pour corruption engagé contre son rival. Après une nouvelle et large victoire de l’ANC aux élections générales en avril 2009, Zuma est élu président de la République avec 65,9 % des suffrages pour une durée de cinq ans.
2010
La Coupe du monde, entre bénéfices et gaspillage
La première Coupe du monde de football en Afrique était forcément historique, par son symbolisme, mais aussi par les espoirs de croissance et de dynamisme qu'elle devait impulser. Les Bafana Bafana de l'équipe nationale ont galvanisé et uni les Sud-Africains pendant les matchs, et la manifestation a été l'occasion de faire la fête sans barrière de couleur ou de milieu social. Côté retombées économiques, les pertes s'élèvent à 2,1 milliards d'euros pour le pays, qui a pourtant rempli son contrat en livrant à temps tous ses gros chantiers. De plus, l'Afrique du Sud a dépensé sans compter dans des stades surdimensionnés dont l'entretien engendre des dépenses encore aujourd'hui.
Le 16 août 2012
Le massacre de Marikana
34 mineurs en grève sont tués par la police qui ouvre le feu sans sommation sur la foule pendant une manifestation pour la hausse des salaires à Marikana, près de Rustenburg, dans le nord du pays. C'est la stupeur, ces exactions indignent l'opinion publique et la communauté internationale. Pire : les 80 blessés et les 270 mineurs arrêtés pendant la manifestation sont poursuivis pour meurtre par la justice sud-africaine. Près de 30 000 employés font grève malgré la menace explicite de licenciement La tension est à son comble dans toutes les mines du pays pendant plusieurs mois, jusqu'à ce que les 300 à 400 mineurs emprisonnés pour « meurtres » soient finalement relâchés mais tout de même poursuivis pour « violence publique et rassemblement interdit ».
Décembre 2013
Une nation en deuil
Depuis que Nelson Mandela nous a quittés le 5 décembre 2013, plongeant le pays dans un deuil national historique, la page de la révolution anti-apartheid a été tournée. Cependant, de grandes tensions sont toujours présentes dans le pays. À l'heure des comptes, la corruption qui gangrène l’État, la crise économique qui touche les pays émergeant des BRICS et spécialement l'Afrique du Sud, les inégalités sociales de plus en plus vives entre les riches et les pauvres créent une situation explosive. En décembre 2012, Zuma est réélu à la tête de l'ANC face à Kgalema Motlanthe. Les tensions sont très vives. En janvier 2014, dans le township de Mothotlung en bordure du bassin minier de Rustenburg, des policiers (pour certains ayant participé au massacre de Marikana) tuent quatre personnes pendant une manifestation pour réclamer l'eau courante. Cela n'a pas empêché Jacob Zuma d'être réélu président de la République le 21 mai 2014, au grand désarroi d'une très grande partie de la population. Malgré sa condamnation par la Cour constitutionnelle le 31 mars 2016 pour utilisation de 15 millions d'euros de fonds publics pour rénover sa résidence privée, et malgré une immense pression de l'opinion publique, Zuma s'excuse mais refuse catégoriquement de démissionner. Sous la pression de son parti qui le menace de destitution, Zuma quitte la présidence de l'ANC fin 2017 et finit par démissionner le 14 février 2018. Il est immédiatement remplacé par Cyril Ramaphosa, élu président de la République par le Parlement le 15 février 2018.
Un parti corrompu ?
Des élections générales sont organisées en mai 2019 afin d’élire les membres de l’Assemblée nationale qui à leur tour élisent le président de la République pour 5 ans. L’ANC, le pouvoir anti-apatheid, l’emporte avec 57,5% mais obtient le score le plus faible de son histoire. Sans surprise, le président sortant Cyril Ramaphosa est réélu par les députés de son parti qui ont conservé la majorité. Pourtant, le président ne montre pas patte blanche et une enquête est ouverte contre lui pour avoir reçu de l’argent d’une entreprise lors de sa campagne pour la présidence de l’ANC. En février 2020, il prend la présidence de l’Union africaine pendant un an. Le même mois, il aurait intimidé des voleurs qui auraient trouvé 3,8 millions d’euros dans l’un de ses domaines. Une plainte a été déposée contre lui en juin 2022 pour « enlèvement » et « corruption ». En novembre de la même année, une commission parlementaire juge qu’il y a matière à débattre sur la destitution du président. Mais, en mars 2023, le défenseur public considère que Cyril Ramaphosa n’a pas commis d’abus dans l’affaire Phala Phala. Mais la présidence ne crie pas victoire, car plusieurs points restent à être éclaircis et d’autres enquêtes sont en cours.