Une croissance démographique maîtrisée
Sa population devrait atteindre son maximum en 2050, avec près de 230 millions de Brésiliens, avant de décroître lentement et se stabiliser à 180 millions en 2100, soit la population brésilienne de 2005. Le pays a achevé sa transition démographique. Ainsi, les taux de mortalité et de natalité ont baissé et l’accroissement naturel (différence entre le taux de natalité et de mortalité) est faible. La chute du taux de mortalité infantile a été spectaculaire, accompagnant le développement du Brésil et son émergence. Ainsi, ce taux passait de 145 décès pour mille naissances en 1950 à 48 en 1990 et 12 pour mille en 2020. Certes, ce taux reste supérieur à celui des pays occidentaux, mais il montre le développement du pays et l’efficacité (relative) de son système de soins. L’augmentation globale du niveau de vie, l’urbanisation, l’alphabétisation ont induit la baisse de l’indice de fécondité. A terme, cela va entraîner un vieillissement progressif de la population. Dès 2030, la part de population des plus de 65 ans devrait dépasser celle des moins de 15 ans.
Des défis nombreux
Les défis auxquels est confronté le Brésil sont donc paradoxalement doubles. Le pays doit éduquer, soigner et intégrer au marché du travail une frange de population numériquement importante mais également prévoir l’adaptation de leurs services de soins et de prévention sociale à une population qui va vieillir rapidement, les nouvelles générations remplaçant mécaniquement de moins en moins les anciennes. La transition démographique s’accompagne, comme dans les autres pays où elle est achevée, par une transition épidémiologique. La mortalité par maladies infectieuses baisse et est supplantée par les pathologies chroniques et dégénératives et les maladies cardio-vasculaires.
Une population largement issue de l’immigration
On ne peut comprendre la composition et la répartition de la population brésilienne si on ne tient pas compte du poids de l’histoire. La population brésilienne est largement issue de l’immigration, des débuts de la colonisation jusqu’aux années 1930. Des 3 à 5 millions d’Autochtones présents lors de l’arrivée des conquérants portugais, il n’en reste peu ou prou que quelques centaines de milliers aujourd’hui, et qui vivent de surcroît dans des conditions sociales très difficiles. Les Portugais ont aussi emmené avec eux, chaînes aux pieds, plus de 5 millions d’esclaves arrachés à leurs terres africaines, provenant du golfe de Guinée, du Mozambique ou d’Angola. L’esclavage est aboli en 1888 et l’immigration sera alors majoritairement européenne. Puis, plus de 5 millions d’immigrés fouleront le sol brésilien entre 1870 et 1930. En 1891, le chiffre historique de 210 000 migrants annuels est atteint ; les arrivées annuelles ne seront jamais inférieures à 30 000 personnes. L’immigration est d’abord principalement italienne – la jeune République italienne encourageant le départ de ses campagnes trop peuplées –, puis la part des Espagnols et Portugais augmente. Les premiers Japonais arrivent au Brésil en 1908 et vont constituer la première communauté japonaise hors du pays du Soleil-Levant. Dans les années 1920, les Européens de l’Est font leur apparition. Enfin, quelque 18 000 Syriens et Libanais, commerçants pour la plupart, s’installent au Brésil dans les années 1910 pour fuir les persécutions ottomanes. La crise des années 1930 va marquer un frein quasi définitif à l’immigration de masse. En 1900, plus de 7 % des Brésiliens sont étrangers contre 0,3 % aujourd’hui, ce qui constitue un des taux les plus faibles des pays émergents et développés. Aujourd’hui, les étrangers, au nombre de 700 000 (dont au moins un dixième récemment arrivé du Venezuela voisin, confronté à une des plus graves crises économiques de son histoire), sont moins nombreux que les Brésiliens émigrés (plus de 3 millions).
Le Brésil, une épopée métisse
L’image du Brésil à l’extérieur est souvent celle d’une « démocratie raciale ». L’IBGE (Institut brésilien de Géographie et de statistiques) retient six catégories de population : les Blancs, les Noirs, les Métis, les Asiatiques, les Amérindiens et les « sans déclaration ». Selon le recensement PNAD de 2019, la population « blanche » est la plus importante, mais elle n’est pas majoritaire (42,9 %) et est inférieure à celle des métis (46,8 %). La population « noire » constitue 9,4 % de la population et les Asiatiques (Japonais et Coréens) 1,1 %. Enfin, les Amérindiens ne constituent aujourd’hui que 0,43 % de la population brésilienne. On notera cependant une certaine dynamique démographique de cette population indienne qui tend à croître un peu plus vite que la population brésilienne en général et l’ISF (Indice Synthétique de Fécondité) des populations noires et métisses est légèrement supérieure à celle des populations blanches, mais tend de plus en plus à converger vers cette dernière. Globalement, la population asiatique se rencontre dans l’Etat de São Paulo et au Mato Grosso. La population amérindienne est plus nombreuse en Amazonie où elle se répartit entre diverses réserves et est hélas victime de violence et de pillage de ses territoires par les grands propriétaires terriens et les orpailleurs (garimpeiros). Le Nordeste est marqué par un fort métissage et une riche culture, fruit d’un « syncrétisme » africain, indien et européen. Le folklore nordestin est teinté d’une tradition « cabocla » (métissage entre culture indienne et européenne), comme la fête folklorique très populaire du Bumba meu boi. Le sud du pays est plus marqué par une immigration européenne. La présence des « colonias » suisses ou allemandes est encore visible à travers l’aspect délibérément bavarois des toits de certaines demeures ou certaines fêtes de la bière rythmées par la consommation du breuvage houblonné au son de la oumpapa musik.
Une population inégalement répartie
La population brésilienne n’est pas répartie uniformément sur le territoire. Globalement, le Brésil est un pays à la population peu dense (30 habitants/km², soit 3,5 fois moins que la densité de population française). Les densités de peuplement y sont de plus très inégales. Le bassin amazonien est une vaste zone très peu peuplée, mais on y trouve néanmoins d’importantes métropoles comme Manaus et Belém, villes qui dépassent largement en population les métropoles françaises, à l’exception de Paris. Outre le poids du déterminisme géographique, c’est l’histoire qui explique en partie la répartition de la population brésilienne à proximité des littoraux. La colonisation s’est faite à partir des côtes et l’administration coloniale y a construit ses ports bien sûr, mais également ses centres administratifs, économiques et militaires. Aujourd’hui, le facteur de déséquilibre de répartition de la population est l’importance des populations urbaines. Le Brésil est un pays urbain où près de 80 % des gens vivent en ville. On compte 26 régions métropolitaines qui regroupent 75 millions de personnes, soit 40 % de la population brésilienne. Des 14 grandes métropoles de plus d’un million d’habitants, 11 sont situés sur les littoraux. Seules Manaus, Brasilia et Belo Horizonte échappent à cette règle. La plus grande agglomération brésilienne, São Paulo, est une mégapole de plus de 21 millions d’habitants. Rio et São Paulo constituent les deux mégapoles brésiliennes selon la définition de l’ONU (villes de plus de 10 millions d’habitants) et regroupent à elles seules l’équivalent de près de la moitié de la population française. Cette présence urbaine est particulièrement importante dans le Sudeste brésilien, qui regroupe les Etats de São Paulo, Rio de Janeiro, du Minas Gerais et de l’Esperito Santo. Un tissu urbain dense de villes petites et moyennes se structure autour des agglomérations de São Paulo, Rio de Janeiro et Belo Horizonte, « triangle » urbain et industriel qui concentre 40 % du PIB brésilien. Deux phénomènes géographiques importants et originaux semblent se dessiner. Certains géographes évoquent la structuration d’une mégapole qui joindrait Rio, São Paulo et Buenos Aires, en Argentine. Enfin, on observe un processus original de « démétropolisation ». Les populations tendent à partir des métropoles brésiliennes à destination de villes de plus petite taille, anticipant peut-être un mouvement urbain qui touchera les pays du Nord.
La langue portugaise, facteur d’unité
Un des facteurs d’unité du Brésil est incontestablement l’usage de l’idiome portugais dans tout le pays, avec de légères variantes régionales en termes d’accent et d’expressions. Les populations immigrées se sont fondues dans la « brésilianité » et, si on dit que quelques personnes âgées de la région de Pomerode, dans l’Etat de Santa Catarina, parlent encore un vieux dialecte poméranien, les langues des origines ont graduellement disparu. Les différents peuples autochtones tentent de préserver leurs langues et leurs cultures, aidés en cela par la FUNAI (fondation nationale de l’Indien), mais beaucoup d’idiomes autochtones sont menacés d’extinction. Les jeunes Brésiliens d’origine autochtone partent quelquefois en ville pour travailler ou étudier (même s’ils souffrent encore trop souvent de discrimination) et s’éloignent de leur langue ancestrale et de leur mode de vie traditionnel. On est bien loin des acquis des peuples premiers du Québec. Fort heureusement, de plus en plus de Brésiliens progressistes sont conscients de l’incommensurable valeur du patrimoine linguistique et culturel autochtone et des programmes, des associations de promotion et de diffusion de la culture et de l’artisanat autochtone se développent en de nombreux lieux (comme à Paraty ou Cuiabá). Enfin, certaines langues africaines comme le Yoruba se sont maintenues comme langue cultuelle. Les cérémonies de candomblé se font en langue yoruba, surtout à Salvador. De nombreux noms de lieux (Iguaçu ou Ipanema), d’animaux (on connaît l’anaconda sous le nom de sucuri, le puma sous celui de suçuarana) ou de plantes sont d’origine autochtone.