Du Xe au XVIe siècle
Dédaignée par les navigateurs Arabes et Portugais
Vers le Xe siècle, les Arabes d’Afrique de l’Est font probablement relâche sur les côtes des Mascareignes. Sur la mappemonde de 1502 de l’Italien Albert Cantino, Maurice figure sous une appellation arabe : Dina Arabi ou Arobi, signifiant « île abandonnée » ou « dévastée ».
Au XVIe siècle, les Portugais commencent à naviguer dans le sud de l’océan Indien et sont les premiers occidentaux à accoster l’île. Le pilote Domingos Fernandez s’y arrête en 1516. Les Portugais nomment Mascareignes l’archipel que forme Maurice avec la Réunion et Rodrigues, en l’honneur du pilote Pedro Mascarenhas. Ni les Arabes, ni les Portugais ne s’installent sur l’île.
XVIIe siècle
Période hollandaise
En septembre 1598, le vice-amiral Warwijck prend officiellement possession de l'île pour la Hollande et la nomme Mauritius en l’honneur de son souverain : Maurits Van Nassau, prince d’Orange. Au début du XVIIe siècle, première tentative de colonisation par la Compagnie néerlandaise des Indes. En 1658, les colons abandonnent Mauritius. Les Hollandais tentent une seconde colonisation à partir de 1664, mais elle échoue également et les conduit à abandonner définitivement l'île en 1710. Il ne reste aucun vestige du siècle de colonisation hollandaise, sinon une exploitation de la forêt primaire et de ses ébéniers, une extermination des tortues géantes mangées par les colons, ainsi que du pauvre dodo.
1715-1735
Isle de France
Dès 1665, la Compagnie française des Indes commence la colonisation de Bourbon, actuelle île de la Réunion, pour développer la culture du café. Lorsque les Hollandais abandonnent Mauritius en 1710, la Compagnie presse Louis XIV de prendre possession de l’île voisine. En septembre 1715, l’île est annexée par le royaume de France et rebaptisée Isle de France, mais personne n’y demeure. Louis XV cède l'Isle de France à la Compagnie française des Indes qui s'y installe dès 1722, sans succès.
1735-1747
François Mahé de La Bourdonnais
Arrivé en juin 1735 avec le titre de gouverneur général de Bourbon et de l’Isle de France, Mahé de La Bourdonnais a de grands projets et sa manière autoritaire de les mettre en œuvre modifie rapidement le visage de l’Isle de France dont il fait un important carrefour maritime sur la route des Indes. Il établit à Port Nord-Ouest (Port Louis) le Conseil supérieur des deux îles. Il fait construire à cet effet l’Hôtel du Gouvernement et des forts à l’entrée de la rade où il installe un grand port. Le développement du port engendre celui de la ville. Le gouverneur développe aussi l’agriculture et contribue au peuplement de l'île en encourageant l’établissement de familles de colons et l'importation d'esclaves. Mais ses succès lui valent des jalousies. En 1746, La Bourdonnais réussit à faire capituler le plus grand comptoir anglais aux Indes, Madras, et choisit de rançonner les Anglais plutôt que de prendre une place militaire qu’il n’aurait pu tenir longtemps. Dupleix, le chef des établissements français aux Indes, l’accuse de trahison ! Tombé en disgrâce, le brillant gouverneur doit rentrer à Paris, où il est emprisonné à la Bastille. Acquitté en 1751, Mahé de La Bourdonnais mourra à Paris en 1753.
1747-1764
Chute de la Compagnie des Indes
Poursuivant la politique de leur génial prédécesseur, les gouverneurs généraux permettent à l’île de se développer et d’augmenter sa population. Les conflits qui ont éclaté en Europe transforment l’océan Indien en une zone d’affrontements coloniaux. La vocation maritime de l’Isle de France et le développement de Port-Louis lui valent le rôle de base arrière pour toutes les expéditions militaires françaises dans l’océan Indien et en Inde. Les colons augmentent les défenses de l’île et fournissent aux navires le ravitaillement nécessaire à leurs campagnes. Le coût exorbitant de ces opérations, conjugué à une mauvaise gestion, accule la Compagnie des Indes à la faillite. En 1764, Louis XV décide de reprendre les Mascareignes à la Compagnie et place les trois îles sous le contrôle de la marine.
1767-1790
Pierre Poivre et l’administration royale
Des administrateurs royaux débarqués sur l’île à partir de 1767, l’histoire retiendra surtout l’intendant Pierre Poivre, connu pour son savoir de naturaliste qui l’incite à développer la culture des épices dans son jardin de Pamplemousses, actuel jardin botanique. Poivre contribue à l’aménagement du territoire. La canne à sucre connaît un essor remarquable, tout comme le commerce maritime. La colonie change de visage : Port Louis est une ville avec de belles avenues, une zone résidentielle, une zone commerciale, des salles de spectacle et des tavernes, un port animé à l'activité florissante. En 1789, alors que la France a perdu ses comptoirs aux Indes, la ville de Port-Louis est nommée chef-lieu des établissements français à l’est du cap de Bonne Espérance et l’île reçoit un titre qui est resté sa devise : Stella clavisque maris indicis – l’étoile et la clef de la mer des Indes.
1790-1802
Refus de l’abolition de l’esclavage
Après la Révolution Française, dont l’annonce arrive tardivement à Maurice, une Assemblée coloniale est créée. Le gouvernement relève de l’Assemblée, composée de membres élus par les hommes libres de l’île. Les colons, satisfaits de cette situation, n’acceptent cependant pas l’un des principes révolutionnaires : l’égalité. L’abolition de l’esclavage est prononcée en 1794 par la Convention de Paris. Comme les Antilles, les Mascareignes refusent de s’y plier et font sécession. La métropole ne fait pas appliquer la loi car, depuis 1793, elle est de nouveau en guerre contre les Anglais. Ces derniers ont une maîtrise presque totale de l’océan Indien, hormis l’île Bourbon, rebaptisée Réunion, et la minuscule mais puissante Isle de France. Si les colons parviennent à contenir la prédominance anglaise, ce n'est pas suffisant et la métropole, où l’Empire a remplacé le Directoire, doit intervenir.
1803-1810
Victoire et défaite contre les Anglais
En 1803, Bonaparte envoie deux militaires, Decaen et Vandermaësen, qui remplacent les structures démocratiques révolutionnaires par un gouvernement militaire. Ils assainissent l'économie et réalisent une adaptation pour les Mascareignes du Code Napoléon. Mais la pression de la marine anglaise est de plus en plus forte. En juillet 1810, les Anglais, qui occupent déjà Rodrigues depuis 1809, prennent l’île de la Réunion. Le 14 août, quatre vaisseaux anglais s’emparent du fort de l’île de la Passe qui garde l’entrée de la baie de Grand Port. Ce n’est qu’au prix d’un affrontement meurtrier -la bataille de Grand Port, du 23 au 28 août 1810- que quatre navires français réussissent à déloger l’ennemi, donnant à Napoléon Bonaparte son unique victoire navale. Le troisième et dernier assaut a lieu en novembre 1810. Sir John Abercombie, à la tête de 70 bateaux et de 10 000 hommes, Anglais et Indiens, débarque non loin de Cap Malheureux. Après une résistance de pure forme, Decaen signe la reddition. Mettant fin à 95 ans d’occupation française, Farquhar prend ses fonctions de Gouverneur et donne aussitôt à l’île son nom définitif de Mauritius.
1810-1835
Abolition de l’esclavage et essor de l’économie sucrière
Lorsque le gouverneur Farquhar prend ses fonctions en 1810, la traite des esclaves est une industrie florissante et un sujet politique brûlant. Depuis 1807, le Parlement anglais a interdit la traite. Même si la colonie est hors-la-loi, il est difficile de faire front aux colons et il faut attendre 1835 pour que l'abolition soit effective. Cette loi entraîne le départ de plusieurs familles. Les anciens esclaves gagnent la liberté mais vivent dans des conditions précaires qui affectent encore une partie de leurs descendants de nos jours. Les colons qui choisissent de rester touchent d’importantes indemnités qui permettent l’essor de la culture de la canne à sucre et de l’économie sucrière.
1835-1900
Immigrations et développement
Dès 1829, pour faire face au manque de main-d’œuvre, des propriétaires sucriers ont l’idée d’aller chercher en Inde les premiers coolies, des ouvriers agricoles particulièrement dociles, mal payés et maltraités. L’engagisme est né. Au début du XIXe, les immigrants d’origine indienne constituent les 2/3 de la population et influencent considérablement la culture de l’île en conservant leur mode de vie, leur religion et leur langue.
La deuxième moitié du XIXe siècle est marquée par l’arrivée des immigrants chinois. Moins nombreux que les indiens, ils contrôlent rapidement le commerce de détail, avec pas moins de 700 épiceries dans toute l’île. Les Sino-Mauriciens sont aujourd’hui une composante fondamentale de la société.
Le XIXe siècle apporte aussi son lot de progrès techniques : affranchissement du courrier par timbres postaux en 1847, téléphone en 1882, éclairage électrique en 1884, première automobile en 1901...
1901- 1946
Luttes pour les droits sur fond de guerres
Gandhi séjourne 20 jours dans l’île en 1901. En 1907, il incite un avocat indien, Manilal Maganlal Doctor, à venir exercer sa profession à Maurice et à y mener une action politique en faveur des immigrants indiens. C'est la fin de l'engagisme. La même année, le Dr. Eugène Laurent, un homme de couleur, fonde l’Action libérale pour s’opposer au parti des planteurs.
La Première Guerre mondiale ne touche pas trop Maurice et le début des années 1920 est caractérisé par un boom économique, notamment dans le domaine sucrier sous l'impulsion de l’Angleterre. Cette embellie est de courte durée. L’île subit l’assaut de cyclones, de sécheresses et de la crise économique mondiale de 1929. La chute du cours du sucre affecte l'économie, entraînant des troubles sociaux, suivis de retombées politiques. Dans les milieux prolétaires naît un sentiment d’appartenance à la même classe sous-payée et mal traitée.
L’année 1934 voit la naissance de la roupie mauricienne, directement rattachée à la livre sterling et indépendante de la roupie indienne.
En 1936, Maurice Curé, Emmanuel Anquetil et Sahadeo Rama s’unissent pour fonder le Parti travailliste qui rassemblent des leaders indiens et créoles. Ce parti prône le socialisme et défend les intérêts de la classe ouvrière. Ses revendications mènent à des conflits sociaux qui déboucheront sur l’amélioration des conditions sociales et une augmentation des droits syndicaux.
La Deuxième Guerre mondiale affecte l’économie d’une l’île qui ne sera jamais attaquée. Dès 1940, les liaisons maritimes régulières avec l’Europe sont interrompues et l’activité commerciale fonctionne au ralenti. Après-guerre, le bureau des Colonies à Londres accorde des crédits spéciaux et entreprend des réformes : réforme de l'éducation, allocation retraite, modernisation des infrastructures, développement de l'aviation...
1947-1959
Extension du droit de vote, naissance du tourisme
Le premier pas vers l’indépendance a lieu en 1947 avec l’adoption par le bureau des Colonies d’une nouvelle Constitution qui accorde le droit de vote à tous les hommes et femmes sachant lire et écrire, même le créole. Les premières élections générales ont lieu en août 1948. Elles voient la victoire du Parti travailliste. C'est la fin de la suprématie des oligarques sucriers et l’avènement des Indo-Mauriciens.
L'essor de l'aérien entraîne la naissance du tourisme via un premier hôtel de 12 places en 1952. L’hôtel du Morne ouvre en 1954 et le premier complexe balnéaire, Le Chaland, sur le site de l’actuel Shandrani à Blue Bay, est opérationnel en 1960. Le tourisme ne cessera de se développer, jusqu’à devenir le principal pilier de l’économie mauricienne.
1959-1968
L’indépendance conditionnée
Nouveau venu sur la scène politique, le Dr. Seewoosagur Ramgoolam, le fameux SSR, se veut le porte-parole de la communauté indienne. Entré au Parti travailliste en 1952, il ne tarde pas à s’imposer comme leader. Aux élections de 1959, le Parti travailliste l'emporte largement. Après une conférence constitutionnelle à Londres en 1961, il est décidé que le leader du parti majoritaire au Conseil législatif sera nommé Chief Minister. Le Dr. Ramgoolam reçoit ce titre en 1962. Après les élections de 1963, une nouvelle Constitution redéfinit l’organisation politique de l’île. Le nouveau gouvernement doit être formé d’une coalition afin de permettre aux différents partis d’apprendre à gouverner ensemble. Le Parti travailliste gagne les élections et sir Seewoosagur Ramgoolam devient Premier ministre.
Après un an de gouvernement de coalition, l’Angleterre déclare la colonie mûre pour l’indépendance. Elle propose de donner son indépendance à Maurice, à condition que la colonie cède à la Couronne l’archipel des Chagos pour un prix de 3 millions de livres. Sir Ramgoolam n’a pas d’autre choix que d’accepter ce marché. L’Angleterre déporte à Maurice les 2 935 habitants de l’archipel. Elle cède l’usage de ces îles aux Etats-Unis qui, dès 1966, y installent une base militaire.
Le 22 août 1967, l’Assemblée législative vote l’indépendance de l’île Maurice. La cérémonie de proclamation de l’Indépendance a lieu le 12 mars 1968. L’Union Jack est descendue et le drapeau à quatre couleurs de l’île Maurice est hissé pour la première fois aux accents de l’hymne national O Motherland. Cet événement, qui marque la fin de 158 ans de colonisation britannique, est commémoré chaque année le 12 mars, lors de la fête nationale.
1968-1999
Affrontements interethniques, boom économique et République
Si la décolonisation s’est produite sans heurt sur le plan politique, il n’en va pas de même sur le plan social. Sur fond de surpopulation et de crise économique, des affrontements éclatent entre Créoles et Hindous. A la suite de ces événements émerge une conscience nationale qui transcende les différences ethniques, mais n'apaise pas complètement les antagonismes entre les communautés.
Contre le chômage, qui atteint 35 % dans les années 1970, le pays table sur le développement d’industries tournées vers l’exportation. Les entreprises de confection textile font la fortune du pays, parallèlement au tourisme via la création de la compagnie aérienne nationale Air Mauritius en juin 1967.
Sur le plan politique, l’essentiel du travail de redressement du pays est imputable à sir Seewoosagur Ramgoolam, qui reste au pouvoir jusqu’en 1982. Cependant, ses choix politiques sont plus imposés que concertés. La presse est censurée et les rassemblements interdits. Ce manque de liberté fait naître un nouveau parti d'opposition : le Mouvement Militant Mauricien (MMM), dirigé par Paul Bérenger, qui gagne les élections de 1982. Le nouveau Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, reste au pouvoir jusqu’en 1995, après avoir créé son propre parti politique, le Mouvement Socialiste Militant (MSM).
L’île Maurice connaît à cette époque la dernière évolution de son régime politique. Depuis son indépendance, le pays était une monarchie constitutionnelle rattachée à la Couronne d’Angleterre. En 1992, l’Assemblée législative vote une modification de la Constitution et, le 12 mars 1992, le pays se proclame République de Maurice.
En 1995, le Parti travailliste, allié au MMM de Paul Bérenger, remporte la victoire et offre au fils de sir Seewosagur Ramgoolan, Navin Ramgoolan, le poste de Premier ministre. L’alliance entre les deux principaux partis politiques du pays prend toutefois fin en juin 1997.
En 1999, un chanteur populaire de seggae, Kaya, se permet de fumer un joint en public et, arrêté pour ce délit, est retrouvé mort dans sa cellule le lendemain matin. Ce décès suspect génère des émeutes dans tout le pays, en particulier entre les Créoles et les Hindous.
XXIe siècle
Développement économique et crises politiques
Sur fond de libéralisation de l’économie, le pays est secoué par de nombreuses crises politiques souvent liées à des scandales financiers. Même quand Ameenah Gurib-Fakim, scientifique de renom, est élue première présidente de l’île en 2015, elle est contrainte de démissionner en 2018. Après la famille Ramgoolan, c’est au tour de la famille Jugnauth d’assurer le pouvoir. Pravind Jugnauth remporte les législatives de 2019 et devient premier Ministre, succédant à son père Anerood Jugnauth.
La république de Maurice aurait dû récupérer en 2016 son ancienne dépendance des Chagos cédée sous la pression coloniale en 1968. Mais si l’ONU et la Cour Internationale de Justice ont donné raison à Maurice en 2019, les Britanniques et les Américains ne semblent pas prêts de quitter ce « porte-avions » stratégique dans la région.