Découvrez les Seychelles : Les enjeux actuels

Entre 2004 et 2016, le président Michel s'est efforcé de faire appliquer son cheval de bataille, « moins de corruption et plus de libéralisme », mais un problème restait entier : celui du manque de devises pour un pays qui croule sous la dette extérieure. La privatisation des Seychelles, qui se dessinait alors en pointillés, s’est ainsi accentuée aux lendemains de la présidentielle de 2006. Depuis, en se pliant aux exigences du FMI, le pays a vu 45 % de sa dette annulée. Dirigé depuis 2020 par Wavel Ramkalawan, les Seychellois connaissent l'alternance pour la première fois depuis l’indépendance de 1976. Charge à ce prêtre anglican de relancer une économie fortement fragilisée par la pandémie de Covid-19. Il faut dire que les deux mamelles du pays sont le tourisme et la pêche (en partie destinée à fournir les hôtels), tout en protégeant son superbe patrimoine naturel, entre écotourisme, économie « bleue » et taxe pour l'environnement.

À la recherche de la stabilité

Revenons à la crise de 2008 : la hausse des prix pétroliers et la tourmente sur les marchés financiers auront eu un effet dévastateur sur l'économie du pays, le gouverneur de la Banque centrale ayant même démissionné, officiellement pour raison de santé. Ce départ aura permis de mesurer l'ampleur des dégâts… et l'imprévoyance de l'État, auquel certains analystes économiques reprochent d'avoir voulu moderniser trop vite le pays, énormes dettes à la clé. La crise, qui avait commencé sous Albert René, trouverait ses racines dans le fait que le pays aura vécu au-dessus de ses moyens, le corollaire en étant l'une des progressions de niveau de vie les plus importantes en Afrique depuis vingt ans. Les deux piliers de l'État (pêche et tourisme) ne suffisant plus pour faire face à la hausse des prix des carburants et des produits alimentaires importés, les Seychelles se sont donc retrouvées soudain au bord de la banqueroute, incapables d'assumer leur dette colossale : 800 millions de dollars, soit 165 % du PIB, l'une des plus élevées du monde !

Cette situation extrême allait contraindre ledit gouvernement à solliciter d'urgence l'assistance financière du Fonds monétaire international (FMI). Après l'Islande, l'Ukraine et la Hongrie, les Seychelles devenaient ainsi en 2008 le quatrième pays à obtenir l'examen d'un prêt inhérent à la crise financière, cette procédure permettant à un État membre de puiser dans le compte des ressources générales du Fonds pour affronter le déséquilibre temporaire de ses finances. Les soins intensifs du FMI auront donc contraint le gouvernement à normaliser ses relations avec le système financier international et à aligner sa monnaie, la roupie, afin de mieux intégrer l'économie seychelloise avec le reste du monde, d'où une nouvelle dévaluation d'une monnaie surévaluée qui, entre juillet 2007 et novembre 2008, aura perdu dans les 150 % de sa valeur. Désormais d'un cours fluctuant, compris dans les premières semaines d'après sa dévaluation post-FMI entre 18 SR et 22 SR pour 1 €, la roupie seychelloise se positionne en septembre 2024 à 15,34 SR pour 1 €.

Ayant mis fin au marché noir, puisque les Seychellois ont maintenant accès aux devises étrangères, cette dévaluation aura bien sûr provoqué une flambée des prix. Bien que l'État ait vivement recommandé aux hôteliers de maintenir leurs tarifs afin de préserver le flux touristique, il n'est pas sûr que ces conseils soient durablement entendus, les spectaculaires augmentations de l'électricité, de l'eau et du gaz étant susceptibles d'influer sur le prix des chambres, tables et services touristiques.

Mer nourricière et paradis touristique

La mer est d'abord nourricière. Les Seychellois seraient en effet les plus gros consommateurs de poissons au monde. Les eaux seychelloises sont généreuses et Français, Espagnols et Japonais notamment, appâtés par des pêches miraculeuses (mais jusqu'à quand ?), exploitent sous licence, depuis une vingtaine d'années, cette « zone maritime économique des Seychelles » prolifique. Espérons qu'elle le reste longtemps… Ce gros morceau d'océan, d'une surface de 1 300 000 km2, constitue une sacrée richesse. Les terres émergées ne représentent en effet que 455 km2. Sous licence de l'Union européenne, une trentaine de bateaux, français et espagnols, y traquent le thon au filet dans des eaux très profondes, pour alimenter les Conserveries de l'océan Indien, installées au port de Victoria, deuxième port thonier du monde. Les Japonais et les Taïwanais – qui comptent autant de bateaux – préfèrent pêcher à la ligne, en version industrielle, mais sur le bon vieux principe de l'hameçon (avec maquereau ou encornet pour appâter le client). Le pwason, saigné à bord, est conservé quelques jours dans de la glace d'eau salée, avant d'être débarqué et aussitôt découpé, puis exporté vers l'Europe, où il sera vendu en frais.

Les Seychelles sont en tout cas un paradis touristique et se régalent assurément de cette confiture évoquée par l'ex-président René, le tourisme assurant les deux tiers du PIB. Devenu le premier pilier économique du pays, il est aussi la principale source d'emplois, qu'ils soient directement liés à l'hôtellerie et à la restauration ou indirectement issus du tourisme. Ce tourisme n'a guère qu'une quarantaine d'années. Cette nature grand luxe vaut son pesant de roupies, ou plutôt d'euros ! Les Seychelles n'avaient jusqu'à maintenant jamais cédé à la facilité qui consiste à bâtir d'énormes structures verticales, plus économiques à gérer. Si Mahé et Praslin comptent aujourd'hui quelques grosses structures, les Seychelles se distinguent par une kyrielle de petits hôtels et guesthouses. Cette hôtellerie, quelle que soit la gamme, est l'une des plus chères du monde. Une nuit dans l'archipel coûte dans les 100-120 € dans une guesthouse bas de gamme et 250-280 € dans un hôtel milieu de gamme – un milieu de gamme encore peu représenté, la pénurie de 3 étoiles étant notable. Quant au haut de gamme en vogue : jusqu'à plus de 3 000 €, toujours bien intégré dans la nature. Il convient de préserver cette nature infiniment précieuse en limitant le nombre de visiteurs, d'où cette politique de sélection par l'argent.

Vers une économie « bleue »

L'archipel compte donc bien protéger son patrimoine naturel exceptionnel. Si l'écotourisme et les établissements respectant l'environnement étaient déjà légion depuis l'arrivée du tourisme sur les îles, les Seychelles ont été, fin 2018, le premier pays de la planète à émettre des « obligations bleues ». Il s'agit d'un emprunt (d'un montant d'environ 15 millions de dollars), soutenu par la Banque mondiale, destiné à soutenir des initiatives liées à la protection de l'océan et de ses écosystèmes. De nombreuses initiatives ont été mises en place en faveur de la préservation de l'environnement, comme la réimplantation de coraux, la préservation des tortues de terre et de mer, de la flore, le respect de la biodiversité et le nettoyage systématique des plages. Les hôtels ont aussi opté pour des gestes « écolo » en proposant leur propre eau en bouteille de verre à leurs clients et des pailles en bambou. Évidemment, tout est fait pour le recyclage des déchets et la réduction des gaz à effet de serre.

En août 2023, dans la même veine, l'État met en place une taxe (entre 25 SR et 100 SR par nuit et par personne, selon la taille de l'établissement) appelée « Tourism Environmental Sustainability » pour engager des projets gouvernementaux en faveur de la protection de l'environnement. Au même titre que la taxe de séjour en France, elle sera perçue par les établissements hôteliers, en espérant qu'elle soit utilisée au mieux par le gouvernement de Wavel Ramkalawan en place jusqu'en 2025. Histoire que le paradis reste le paradis !

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