18_pf_159330.jpg
shutterstock_204530695.jpg

Démographie

Avec à peine 98 000 habitants, les Seychelles sont l’un des pays les moins peuplés de la planète. Mais le rythme de croissance démographique laisse penser que les Seychellois seront plus de 100 000 d'ici 2024. C’est également un pays très jeune puisque le Seselwa a 36,8 ans en moyenne. Enfin, la population est installée en grande partie à Mahé. La grande île rassemble près de 88 % de la population totale, contre 7 % environ pour Praslin et 3 % pour La Digue.

Métissage et douce patronymie

Dans ce métissage, on n’hésitait pas alors à parler ainsi de « Grands Blancs » pour nommer les quelques descendants des colons d’origine française, et de « Mozambiques » à propos des descendants d’origine africaine ou malgache. L’expression « Blancs coco » désigne les Blancs pauvres et illettrés qui récoltaient les noix de coco dans les plantations, alors que « Blancs rouillés » ou « Rougeons » évoquent des gens légèrement métissés. Mais dans ce merveilleux melting-pot on trouve aussi des créoles mulâtres, des créoles chinois et des créoles malabars, c’est-à-dire des métis d’origine européenne, chinoise ou indienne. Toutefois, les Seychellois d’origine indienne se marient rarement hors de leur ethnie, où les mariages sont encore arrangés par les familles. Mais les habitants sont liés par la langue créole, la religion, principalement catholique, et un fort sentiment national comme seuls savent le susciter les petits pays, a fortiori insulaires. Toutes les combinaisons ethniques ont donc été possibles et, en deux cents ans, un peuple à nul autre pareil s’est constitué, le peuple seychellois. À Victoria, il suffit de s’installer sur une terrasse pour constater l’incroyable brassage. En sirotant un cocktail, on peut en savourer un autre, visuel celui-là, des jeunes Seychellois qui se donnent rendez-vous dans l’un des rares endroits de la capitale où l’on puisse prendre un verre. Difficile de deviner les origines précises de ces jeunes créoles ! Les filles peuvent s’appeler Janet Vénus ou Joséphine Cupidon, Marie Jolicœur ou Julianne Labiche, Hortense Ladouceur ou Elizabeth Labonté, Lisette Lajoie ou Émeline Larue, ou bien encore Francine L’Espérance ou Zita Lespoir, Céline Cadeau ou Agnès Louange, Sheila Confiance ou Dania Constance, Simone Bibi, Florence Dodo ou Jessie Capricieuse. Héritage de la première vague de colons, les Seychellois portent en effet majoritairement des patronymes français.

Il suffit d’ouvrir l’annuaire téléphonique, et de le parcourir comme un livre, pour découvrir un florilège bien de chez nous, avec, de temps en temps, un Ak-Koon (chinois), un McQueen (britannique), un Tamatave (malgache) ou un Thamarajah (indien) venant s’intercaler entre Daphné Folette, Philibert Radegonde, Bernardin Rosalie, Julienne Gédéon, Brenda Vieille, Charlie Zéphirin ou Jimmy Rosette. Sans oublier les Dubois, Dufour, Dubuisson, Dumoulin, Duprès, Duval et autres qui côtoient les de Charmoy Lablache, de Commarmond, de Saint-Jorre, d’Offay, d’Unienville, Charmoy de Lestang et Michaud de Lestang qui rappellent les origines aristocratiques de nombre de pionniers.

On ne s’en lasse vraiment pas… Ce n’est pas tous les jours qu’on croise des gens qui s’appellent Létourdie ou Léveillé, Reine ou Soleil, Nourrice ou Baron, Télémaque ou Jupiter, Rideau ou Octobre, Souffre ou Accouche !

Dans l’état civil local, les touristes pourront également puiser des idées de prénoms pour leur progéniture à venir, le choix étant là aussi très cosmopolite : en ce domaine, le Seychellois se montre plus que jamais ouvert sur le monde. Aux vieux prénoms de France comme Ariette, Désiré, Gertrude, Herminie, Joséphine, Melchior, Philomène, Marguerite, Théophile, Adrienne, Hypolite, Rénald, Justin ou Rogatien s’ajoutent d’autres venus de toute la planète : Edwina, Giovanni, Greta, Maxwell, Shiva, Joyce, Olga, Gulam, Rajaran, Rosalita, Tasiana, Ibrahim, Phiroz, Shafik ou Yvana. Le Seychellois sait aussi faire preuve d’originalité avec Agnella, Astre, Castor, Édouarine, Florina, Frankline, Jeanne d’Arc, Maxwell, Mélitine, Person, Sultanne, Théoline, Violet… À La Digue, on a même refusé (chose rare !) un Pénis Radegonde ! En tout cas, la liste reste ouverte au gré du hasard et de la fantaisie dont feront preuve M. Aimable et Mlle Capricieuse, M. Saint-Ange et Mlle Binette quand ils auront des « pti baba ».

À l’école, créole, anglais et français au programme !

À l’école, l’apprentissage de l’écriture et de la lecture s’effectue dans la langue maternelle, le créole, et les enfants commencent à apprendre l’anglais à partir de la deuxième année du cycle primaire. Mais, il faut le savoir, le français est la troisième langue officielle de l’archipel ! En perte de vitesse, la langue de Molière était obligatoirement la troisième langue enseignée jusqu'à il y a peu, une fois l’anglais assimilé. Mais les jeunes parlent de moins en moins le français sur l'archipel. Si, en théorie, créole, anglais et français sont les trois langues officielles, force est de constater que le français tient toujours un rôle important dans le domaine religieux, tandis qu’il est détrôné par l’anglais dans l’administration et par le créole dans la vie quotidienne. Un vieux Seychellois saura mieux répondre à vos questions qu’un jeune, qui parlera plus spontanément anglais. Apparemment, toute une génération (celle qui a aujourd’hui 30 ans) se désintéresse du français. La mondialisation à l’anglo-saxonne a évidemment contribué au recul de la première langue coloniale des Seychelles. La prochaine génération devrait en revanche mieux maîtriser le français, désormais enseigné dès la maternelle. L’anglais a gagné du terrain, mais tant dans la presse écrite qu’à la radio et à la télévision, un semblant d’équilibre entre les trois langues est toutefois maintenu. Mais les liens de la fraternité linguistique ou ceux de la nécessité économique (coopération dans les domaines de la pêche et de l’éducation, notamment) ne sont pas les seuls.

L’Alliance française compte à Victoria quelque milliers d’adhérents, son siège, Bois de Rose Avenue, ayant pour cadre un beau bâtiment de style néocolonial. On peut non seulement y acheter les plus grands magazines français, reçus le lundi, et en feuilleter d’autres, mais aussi choisir l’un des quelque cinq mille livres de la bibliothèque.

Maintes vidéos sont aussi disponibles, forcément à la gloire de la langue de Molière et du vicomte Jean Moreau de Séchelles (le contrôleur général des finances de Louis XV, qui donna son nom à cette nouvelle possession… où il ne vint jamais). Le français fait l’objet de cours, que suivent plusieurs centaines de Seychellois, l’Alliance française propose encore un film par mois et le ministère de la Culture organise en mars la Journée de la francophonie, ponctuée d’animations illustrant l’attachement des Seychellois à la langue, à la culture et à l’art de vivre français.

Une créolité affirmée… et célébrée comme il se doit

Premier pays, après Haïti, à avoir fait de « lalang kreol » sa langue officielle, les Seychelles assument fièrement leur identité créole. Aujourd’hui, on compte à travers le monde plus de quinze millions d’hommes, dont deux millions de Français, séparés par les océans et les continents, qui ont en commun une langue. Ce qui n’exclut pas néanmoins des spécificités locales ! Ces peuples, gommant les frontières, se retrouvent unis, malgré la dispersion géographique, par une même culture et des racines identiques, celles de peuples nouveaux issus de la migration et du métissage qui ont façonné leurs territoires. En 1985, l’idée d’une journée créole internationale fut donc acceptée par la majeure partie des pays de langue créole. Aux Seychelles, Danielle de Saint-Jorre, alors secrétaire exécutive de l’association Bann Zil Kreol (les Îles créoles), lançait alors l’idée d’une série d’activités s’étalant sur plusieurs jours. La Journée créole devint la Semaine créole, puis le festival Kreol. Depuis, chaque automne à la fin octobre, durant neuf jours, les Seychelles deviennent un carrefour du dialogue et de l’amitié créoles. C’est ainsi que Maurice, Rodrigues, la Réunion, la Dominique, la Guadeloupe, la Martinique, Haïti, Sainte-Lucie, la Guyane et la Louisiane se retrouvent aux « zil Sesel ». Écrivains, linguistes, chercheurs, peintres, musiciens, chanteurs, danseurs et autres artistes de ces différentes communautés deviennent, le temps d’un festival, les ambassadeurs culturels du monde créolophone. Dès lors, ce forum constitue un rendez-vous majeur de la culture créole, financé par l’État, par le secteur privé et aussi par l’aide institutionnelle (Union européenne, Commission de l’océan Indien, etc.). Patrick Pillay, qui fut à la fin des années 1990 un charmant et humaniste minis Lazenes ek Kiltir (ministre de la Jeunesse et de la Culture), a contribué à donner un véritable élan populaire à ce festival devenu la principale manifestation culturelle et festive de l’île de Mahé. Tous les ans, il rassemble un public considérable dès la soirée d’ouverture. Puis des dizaines de rendez-vous sont au programme. Bref, une affiche attachante, à la fois culturelle et festive, tournée autant vers ban vieyar (les vieillards) que vers lazenes (la jeunesse). Au nom de la tradisyon… en mouvement ! Il faut dire aussi que, sans cesser d’entretenir sa très riche mémoire, le monde créole tente de s’inventer un avenir et de mieux ancrer sa solidarité dans le paysage culturel mondial, surtout à l’heure où la jeune génération a tendance à s’américaniser. Aussi ce festival entend-il lui rappeler sa véritable identité !