Des festivités hautes en couleur
Dès le mois de février, on voit fleurir, aux quatre coins du pays, au sortir de la torpeur hivernale, des festivals qui font la renommée du Bhoutan : les tshechu. Pendant huit mois, à l’exception de juillet et août, trop chauds, ils réunissent des milliers de Bhoutanais et leur donnent l’occasion de replonger dans la signification de leur religion. Durant plusieurs jours (de 2 à 5 jours), hommes et femmes revêtent leurs plus beaux vêtements et assistent avec une grande ferveur à ces cérémonies sacrées, les tshechu, qui sont le théâtre de danses mystiques, les chham, exécutées en l’honneur de Guru Rinpoché. Les tshechu (qui signifient en dzonghka « 10e jour ») commémorent en effet les hauts faits du sage qui se seraient déroulés un 10e jour. Si vous le pouvez, tentez de coordonner vos agendas avec ces festivals car ils valent le détour.
Dans tous les chefs-lieux de district se tient un tshechu annuel, mais selon la région, les dates diffèrent. Dans certains dzongs importants, comme Thimphu et Paro, ce ne sont pas une mais deux grandes fêtes qui ont lieu annuellement : une dromchoe, dédiée aux divinités protectrices et un tshechu dédié à Guru Rinpoché. Si certaines rares fêtes religieuses ne donnent lieu à aucune danse et consistent simplement en la lecture d’un texte particulier, dans la majorité des cas, les cours pavées des dzongs et des choerten (monastères) se transforment en une scène incroyable.
Habillés de costumes spectaculaires, faits de soie jaune ou décorés d’ornements en os ciselés, les danseurs, qui sont soit des moines, soit des laïcs, forment un cercle ou une ligne et effectuent une série de pas avec des mouvements de bras tout en élégance. Ils portent de lourds masques en bois peint, représentant des animaux, des divinités terribles, des squelettes, des manifestations de Guru Rinpoché ou simplement des humains. Certains ont des traits paisibles, d’autres au contraire, symbolisent les poisons mentaux, sous la forme de masques effrayants.La danse, une pratique religieuse vivante
Bien plus qu’une simple danse, le chham, qui se traduit littéralement par « jeu de mystère » symbolise la destruction des esprits démoniaques. Il permet au public d’être touché par la bénédiction de Bouddha ainsi que par les déités tantriques. Les initiés au contexte religieux et philosophique du bouddhisme percevront également dans ces danses une voie vers l’Illumination.
Il y a trois sortes de chham : d’abord, les danses didactiques qui sont des récits fabliaux à caractère moral ou historique: la Danse des princes et des princesses (Pholley Molley), la Danse du cerf et des chiens de chasse (Shawa Shaachi) ; ensuite, les danses qui purifient les âmes ou protègent des esprits démoniaques : la Danse des chapeaux noirs (Shanag) la Danse des divinités terribles (Tungam) ; et enfin celles qui proclament la victoire du bouddhisme et la gloire de Guru Rinpoché : la Danse des tambourineurs de Dramitsé, classée au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco en 2005, au cours de laquelle douze hommes en jupe jaune, flanqués de masques d’animaux, dansent en frappant un tambour. Ils représentent l’entourage de Guru Rinpoché et célèbrent la victoire de la religion. Certaines danses sont relativement courtes tandis que d’autres durent une ou deux heures. La fin d’une danse est annoncée par des musiciens soufflant dans les longues trompes (drungchen) au son caractéristique. Au milieu de ces danses, évoluent les Atsara, des personnages effrontés, aux masques expressifs qui sont là pour distraire le public lors des tshechu. Ce sont en quelque sorte les cousins des comiques de l’Antiquité grecque qui apparaissait entre les tragédies et des bouffons du Moyen Âge. Lors des tshechu, on les reconnaît à leur masque rouge à long nez. Ils font des plaisanteries grivoises et des mimes qui bousculent les convenances religieuses. Dans une société largement codifiée, le rôle de clown est de dire, tout haut, ce que pensent les gens tout bas. À l’image des fous divins, qui s’étaient affranchis de tout comportement conventionnel, l’Atsara, pour qui tout est permis pendant quelques jours, est là pour faire rire le public lorsque certaines danses s’éternisent, tout en assurant le maintien de l’ordre. De plus en plus, les Atsara passent faire la quête auprès du public et bénissent les donneurs à l’aide d’un phallus en bois. De quoi vous assurer bonheur et réussite pour la suite !Un temps fort de la vie sociale bhoutanaise
Pour les Bhoutanais, les tshechu sont l’occasion de se retrouver entre amis et parents éloignés géographiquement, autour d’un pique-nique convivial. On sort ses plus beaux vêtements, ses plus beaux bijoux, on joue à des jeux de hasard. Pour les Bhoutanais, assister aux tshechu leur permettrait d’acquérir des mérites. Certaines festivités se terminent d’ailleurs par le déploiement, sur le bâtiment donnant sur la scène, d’une immense thangka qui représente Guru Rinpoché et ses huit manifestations. Cette thangka est appelée thongdroel, ce qui signifie « libéré par la vue » : autrement dit, rien qu’en la regardant, le public serait lavé de ses péchés et délivré du cycle des réincarnations. Certaines fêtes se terminent par un wang, une bénédiction verbale collective donnée par un religieux. Des cordelettes de couleur sont alors distribuées et chacun s’en attache une autour du cou en guise de bénédiction.
Les dates des fêtes
Forts d’un réel engouement de la part des Bhoutanais et des touristes, les tshechu sont très fréquentés. Pensez donc à réserver tôt si vous voulez être sûr de pouvoir dormir sur place.
Les dates des fêtes dépendent du calendrier lunaire bhoutanais, et n’ont donc pas forcément toutes lieu un 10e jour. Pour s’assurer des dates, rendez-vous sur le site du Tourism Council of Bhutan (www.tourism.gov.bt). Il existe aussi des calendriers en ligne qui permettent de convertir les dates.