Découvrez l'Inde : Beaux-Arts (Peinture / Sculpture / Street Art / Photo)

Dans cette région jadis habitée par le peuple tamoul, les arts vivants restent au cœur de la vie culturelle. Mais bien avant ce pan de son histoire, les balbutiements de la sculpture et de la peinture ont orné les grottes, puis les temples du Kerala. Dans toute l’Inde, l’art illustre depuis des siècles la religion bouddhiste. Brahma, Vishnou et Shiva et toutes les divinités se métamorphosent pour narrer des contes enchanteurs. L’art de la fresque émerveille sur tous les sites sacrés de la région. Sa particularité ? Sa permanence. La création répond à des codes stricts, appliqués depuis de longues générations. Garants d’une perfection qui traverse les époques sans perdre de sa grâce. Le Kerala, c’est aussi de nos jours une scène cosmopolite. Et depuis 2012, une foire internationale, le plus grand événement d’art contemporain d’Asie, la biennale de Kochi-Muziris. À découvrir au printemps. Entre un passé mythique et un avenir palpitant.

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Émergence des arts

Les premières sculptures sont façonnées dès la préhistoire. Les petites icones sont en terre cuite ou en stuc, tandis que les grandes statues sont taillées dans la pierre. Le bronze fait son entrée au Ve siècle, dans les longs reliefs narratifs prisés en Inde jusqu’à la fin du VIIIe siècle.

La peinture murale est une tradition ancestrale au Kerala. Les plus anciennes traces d’art pariétal se trouvent dans la Vallée Anjanad, région d’Idukki. Puis, dans les temples, la peinture connaît un essor au VIIe siècle. Les fresques illustrent la mythologie hindoue. Les temples et les palais s’ornent de fresques à partir du IXe siècle avec le soutien du roi.

Codes de la représentation

L’art pictural est strictement codifié par d’anciens ouvrages sanskrits. Les artistes s’y conformant avec rigueur, l’esthétique indienne évolue très peu au fil des siècles. Les arts sont au service de la religion avant tout. Cependant, la religion et la vie courante sont tellement imbriqués qu’il est difficile de les distinguer. Sculpteurs et peintres puisent allégrement dans le panthéon aux 33 millions de dieux. La grande Trinité, à savoir Brahma, Vishnu et Shiva, domine. Chacun possède plusieurs apparences et attributs, selon les besoins du récit. Leurs avatars s’inspirent du règne animal. Ainsi, les artistes indiens excellent dans l’art animalier.

Pour autant, les normes n’ont pas freiné le dynamisme de l’art indien. Dans tous les domaines, et sans jamais s’essouffler, la culture indienne fait preuve d’un sens de l’équilibre magistral, et d’un goût exceptionnel pour le détail.

Art mural

La technique la plus employée est celle de la fresque a secco. Selon cette méthode, les pigments sont appliqués sur un enduit à base de chaux parfaitement sec. Le Chitrasutra est considéré comme le traité de représentation le plus complet. Rédigé il y plus de quinze siècles, il limite la palette chromatique aux tons purs : blanc, jaune, rouge, noir, et « terre verte », un gris-vert clair. Ces couleurs sont utilisées seules ou mélangées avec de l’eau de coco. Un fixatif à base de résine de pin et d’huile apporte le lustre final aux fresques.

La figure humaine est montrée dans l’une des cinq positions prédéfinies, des variantes entre la vue frontale et le profil. La couleur de peau renseigne sur la qualité du personnage: le noble Satwa est vert, les démons noirs, les méchants blanc, le Raja ou monarque est rouge ou doré.

Les plus anciennes peintures murales du sud-ouest de l’Inde sont celles du temple de la grotte de Thirunadhikkara et de Tiruvanchikulam. Mais parmi les chefs-d’œuvre du Kerala, citons le Ettumanoor Mahadevar Temple dédié à Shiva à Kottayam, les fresques du Râmâyana du Palais de Mattancherry à Cochin, aussi appelé Dutch Palace, et du Vadakkunnathan Temple dédié à Shiva à Thrissur. Un festival annuel a lieu en novembre-décembre au temple Vaikom qui abrite par ailleurs de superbes sculptures colorées de divinités.

Les églises abritent elles aussi des fresques comme à Ollur, Chalakkudy, Kanjoor ou Mulanthuruthy.

Déclin et renaissance

Sous l’administration britannique, l’art de la fresque souffre d’abandon. Cependant la peinture de petit format se développe au contact de l’Occident.

Raja Ravi Varma (1848-1906) offre le parfait exemple de la fusion des techniques européennes et de la sensibilité indienne. Né au palais royal de Kilimanoor, ses dessins attirent l’attention du maharaja. Le peintre officiel du palais et l’artiste britannique Theodor Jenson invité par le maharaja assurent son éducation artistique. Il voyage dans toute l’Inde pour renouveler son inspiration. Ses déesses prennent les traits de femmes du sud de l’Inde. Ses scènes des épopées mythologiques du Mahâbhârata et du Râmâyana lui valent une solide notoriété. Raja Ravi Varma est salué comme l’artiste ayant apporté une renommée internationale au Kerala. On retrouve ses œuvres au Pazhassi Raja Museum à Kozhikod

Pour ce qui est de l’art mural, il faut attendre l’indépendance de l’Inde en 1974 pour qu’une renaissance soit amorcée. Cela s’opère au Centre for Study of Mural Paintings, dans la région de Thrissur.

Renouveau moderne

Le sculpteur Kanai Kunhiraman, né en 1937, suscite la controverse avec ses nus féminins surdimensionnés. Visibles aux jardins du barrage de Malampuzha, à la plage de Shankumugham. Ne pas manquer la Trinité de Mukkola Perumal à Kochi ; Thai (Mère) à Payambalam Beach à Kannur. Son style tend parfois vers l’abstraction.

Pionnière des femmes peintres, Amrita Sher-Gil (1913-1941) ouvre la voie à une lignée de talents féminins. Amrita Sher-Gil reçoit une éducation diversifiée. Formée à la musique et au dessin, elle s’inscrit à l’académie de la Grande Chaumière à Paris, puis aux Beaux-Arts. Elle se concentre alors sur la peinture au grand air. Son style s’épure dès son retour en Inde.  Peinte en 1937, sa trilogie du sud de l’Inde dont Brahmacharis demeure l’une de ses œuvres les plus abouties.

Courants contemporains

La sensibilité indienne se conjugue avec toutes les avant-gardes. Sur la scène actuelle, on retrouve les préoccupations d’aujourd’hui comme l’environnement avec les installations de Shijo Jacob et les toiles de K.T. Mathai ; la condition humaine avec Gipin Varghese et les portraits pleins d’émotion de Jalaja P.S.

Le maître de l’art abstrait se nomme Velu Viswanadhan. Né en 1940, l’artiste et cinéaste s’installe à Paris en 1968. Il expose dans toute l’Europe, en Corée, au Japon et aux États-Unis. Il participe à Art Rises for Kerala (ARK) lors de la Biennale de Kochi-Muziris de 2019. Les ventes de ses peintures aident à financer les travaux de reconstruction, nécessaires après les inondations qui ont frappé le Kerala en 2018.

À Cochin, de nombreuses galeries d’art participent au dynamisme comme la visionnaire Kashi's Art Gallery (Burger Street). La Modern Art collection, hébergée par le Kerala Museum depuis 1993, regroupe les plus grands maîtres de l’art moderne indien dont Raja Ravi Varma et Ram Kumar.

T. Kaladharan, primé par le Kerala Lalithakala Academy Award, expose à travers le monde. Ce peintre et sculpteur enseigne avec passion lors d’ateliers ponctuels. Représenté par la Gallery 27 à Cochin, il dirige l’Orthic Creative Centre et la Nanappa Art Gallery. Plongez au cœur de ses toiles abstraites, flamboyantes ou monochromes, pour sentir vibrer les mystères de l’Inde du Sud.

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