Découvrez l'Inde : Musiques et Scènes (Danse / Théâtre)

Pays à la dimension d’un continent, l’Inde regorge d’une richesse culturelle folle dans chacune de ses régions. Il n’y a qu’à se pencher sur les pratiques traditionnelles du Kerala pour confirmer nos dires. Berceau de la musique carnatique — la musique classique indienne à la douceur lancinante — dont elle a vu naître les plus grands maitres, le Kerala est surtout un puits sans fond de danses traditionnelles plus épatantes et envoûtantes les unes que les autres. Que ce soit le Kathakali, le Theyyam ou le Mohiniyattam pour ne citer qu’eux, on croise ici des sublimes drames dansés dont les représentations peuvent durer, traditionnellement, plusieurs jours et où les maquillages, époustouflants de détails et de complexité racontent autant que chaque geste. Il faut avoir connu l’intensité d’une représentation de Theyyam pour comprendre la profondeur et la vigueur de la ferveur kéralaise. En somme, musique et danse locales sont des incontournables pour savourer pleinement la culture de la région.

Les musique, théâtre et danse traditionnelles

La musique kéralaise est dominée par les ragas et les talas de la musique karnatique lyrique et religieuse. La musique karnatique y a été popularisée par Swathi Thirunal Rama Varma, compositeur et roi de Travancore du XIXe siècle. Le Kerala a également des genres de musiques traditionnelle telles le sopanam, qui sert de bande sonore dans les représentations de Kathakali. La musique percussive jouée lors de festivals religieux ou dans les temples se nomme melam, et s’articule principalement autour d’un instrument percussif appelé chenda. Ces performances peuvent regrouper jusqu’à 150 musiciens et durer plus de 4 heures.

L’ensemble traditionnel de percussions, constitué de 5 instruments, se nomme panchavadyam, et est régulièrement utilisé lors de festivals ou de cérémonies religieuses importantes.

Les danses indiennes sont des trésors pour l’humanité et le Kerala est une terre particulièrement fertile pour certaines parmi les plus splendides, comme le Kathakali ou le Theyyam. Ces dernières, sont comme l’intégralité des danses indiennes, issues des quatre Vedas – l’ensemble des « connaissances révélées », textes sacrés sur lesquels se fondent l’hindouisme – et du Natya shastra, recueil sacré, un peu considéré comme le cinquième Veda, où sont codifiés l’art dramatique, la poésie, la danse, le chant et la musique.

Bijou vivant du Kerala, le Kathakali est un drame dansé, mise en scène de la mythologie hindoue – surtout les deux épopées que sont le Rāmāyana et le Mahābhārata – dont le geste s’inscrit quelque part entre la danse et le théâtre muet. Un de ses signes distinctifs est le maquillage complexe des acteurs, code indiquant la personnalité, le genre et le statut des personnages. Par exemple, le vert traduit noblesse et vertu tandis que le rouge implique une dimension diabolique. D’ailleurs, étant donné leur richesse, les maquillages (élaborés à partir de pâtes de riz) réclament plusieurs heures de travail avant chaque représentation. Très exigeant physiquement – il faut notamment beaucoup d’endurance, un spectacle pouvant durer une nuit entière –, le jeu d’acteur est particulièrement axé autour des expressions du visage, des regards et des positions de mains.

Kochi est la ville du Kathakali, c’est d’ailleurs ici qu’est installé le Kerala Kathakali Centre, scène au cadre magnifique, dédié au genre. Dans la même ville, le Kochi Cultural Centre, le Greenix Village ainsi que le See India Fondation (une des plus anciennes salles de spectacles de Kochi) donnent des représentations de Kathakali tous les jours (ou presque).

Autre art majeur du Kérala, le Theyyam figure parmi les plus anciens. Remarquable par ses maquillages rouge ou orange vif, cette danse est pratiquée dans des temples ou des bois sacrés sur des rythmes hypnotiques de percussions. Ici, les danseurs entrent en transe afin d’inviter la divinité du temple à les posséder. Le Theyyam peut être pratiqué lors d’une cérémonie (mariage, fin de moisson, etc.) auquel cas sa pratique est censée porter chance.

Au Kerala, le temple Parassinikadavu Muthappan est le seul où la performance d’un Theyyam est une offrande quotidienne. Les non-hindous y sont acceptés, mais les vidéos et les photos sont interdites. Le rituel est intense et la danse une vraie expérience. Autrement, le festival des arts traditionnels de la culture malabare, le Malabar Mahotsavam de Calicut est un excellent rendez-vous pour voir du Theyyam.

Autre pratique classique kéralaise célèbre, le Mohiniyattam est la « danse de l’enchanteresse ». Un nom que l’on comprend immédiatement à la vue de ses mouvements souples et délicats et gestes gracieux, pour ne pas dire sensuels, de la tête et des mains. L’expressivité du visage et du regard est particulièrement importante pour envoûter le spectateur. Elle est généralement pratiquée avec la tenue blanche aux bordures dorées typique du Kerala.

Apparu il y a plus de 2 000 ans, le Kutiyattam, théâtre sanscrit typique du Kerala, est l’une des traditions théâtrales les plus anciennes de l’Inde. Ici encore l’expression des yeux et la gestuelle jouent un rôle primordial pour souligner l’attention sur les pensées et les sentiments du personnage principal. La représentation doit narrer une situation dans ses moindres détails, à tel point qu’une pièce entière peut durer jusqu’à 40 jours ! Trésor national, le Kutiyattam a été proclamé chef-d'œuvre du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco en 2001.

Moins courant mais toujours important, le Mudiyettu est un drame rituel dansé du Kerala articulé sur le récit mythologique d’un combat entre la déesse Kali et le démon Darika. C’est un rituel communautaire où tout le village participe, toute caste confondue renforçant ainsi les liens au sein de la communauté. Avec le temps, cette pratique demeure un véhicule important pour transmettre aux générations futures les valeurs traditionnelles ainsi que les codes moraux.

Bien qu’originaire de l’État voisin, le Tamil Nadu, citons une danse considérée comme la plus ancienne du pays : le Bhârata natyam. Originellement destinée a être performée dans les temples (en offrande aux divinités), elle est désormais produite sur les scènes de théâtre (toujours en soliste). Trait d’union entre danse classique et art martial, ses mouvements complexes nécessitent un apprentissage long et difficile.

Du côté des traditions musicales, citons le Sopana Sangeetham, bande sonore chantée accompagnant les représentations de kathakali ou de mudiyettu et jouée à l’aide d'un petit tambour. Plus rituel, citons également le Pulluvan Pattu, pratique des castes inférieures et supérieures, étroitement liée au culte du serpent et interprétée par un pulluvar dans les temples.

Festival important regroupant des processions d’éléphants, UtsaVam (à Kochi) est un excellent rendez-vous pour assister à des performances de danse folklorique et de musique traditionnelle.

La musique classique

Les deux grands courants de la musique classique indienne sont la musique hindustani, associée à l’Inde du Nord et la musique carnatique, celle du Sud, frappante par la douce beauté avec laquelle elle passe d’une note à l’autre. Un courant délicat traversant la musique et s’expliquant sans doute par le fait que les compositions sont toujours pensées pour être chantées, même lorsqu’elles sont interprétées par des instruments, ces derniers œuvrant à « imiter » la voix.

Berceau de la musique carnatique, le Kerala a vu naître bon nombre des légendes du genre comme Swati Tirunal (1813-1846), maharaja du royaume de Travancore et premier grand compositeur de musique carnatique, Irayimman Thampi (1782-1856), l’auteur de Omanathinkal Kidavo, l'une des berceuses les plus populaires en malayalam, V. Dakshinamoorthy (1919-2013), qui a composé environ 1 400 œuvres en plus de soixante ans de carrière, K. J. Yesudas, icône du Kerala, Palghat Mani Iyer, très grand musicien de mridangam (un tambour), Manjapara Devesa Ramanathan, reconnu pour son style singulier, ou encore Neyyattinkara Vasudevan qui a combiné tradition et modernité.

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