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Politique

En Indonésie, la politique s’articule autour d’un système démocratique multipartite, où le président occupe une place centrale en tant que chef d’État et de gouvernement. Le pays adopte un modèle de gouvernement présidentiel avec une structure bicamérale, c’est-à-dire une assemblée législative composée de deux chambres. Le président, élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans, exerce des fonctions exécutives tandis que le Parlement, composé de l’Assemblée des Représentants du Peuple et du Conseil des Représentants régionaux, légifère.

Le 14 février 2024, des dizaines de millions de citoyens de la troisième plus grande démocratie de la planète ont exercé leur droit de vote pour choisir un nouveau président, qui remplacerait Joko Widodo, populairement surnommé « Jokowi », alors en fin de deuxième mandat présidentiel. Le vainqueur de cette élection présidentielle en Indonésie, Prabowo Subianto, ministre indonésien de la Défense âgé de 72 ans, a remporté 58,6 % des suffrages, avec une participation d’environ 80 %. À noter que Prabowo est lié par mariage à l’une des filles du dictateur Suharto et a occupé un rang élevé dans l’armée de ce dernier, associée à des violations des droits de l’homme. En 1998, il a été révoqué de l’armée pour avoir commandité l’enlèvement d’étudiants activistes. Prabowo s’engage à poursuivre l’œuvre de développement axée sur les infrastructures (notamment dans les ports et les transports), la sécurité et la défense, initiée par Jokowi. Il prend ses fonctions de président après la fin du mandat de Joko Widodo en octobre 2024.

Le mandat de Jokowi à la tête de l’Indonésie a été marqué par la transformation du pays en l’une des réussites économiques les plus remarquables de l’Asie du Sud-Est. Sous sa direction, des initiatives telles qu’un système de santé universel ont été mises en place, plus de 1 000 kilomètres de routes et d’autoroutes ont été construits, et l’économie du pays a enregistré une croissance annuelle respectable d’environ 5 %. Élu président d’Indonésie en 2014, puis réélu pour un second mandat de cinq ans en 2019, Joko Widodo a été le premier dirigeant issu du peuple plutôt que de l’armée dans l’histoire du pays. Il a suscité des attentes élevées et a promis des changements significatifs, notamment dans la lutte contre la corruption et l’amélioration des infrastructures. Bien qu’il ait réussi dans la réalisation de nombreux projets d’infrastructure, ses efforts pour lutter contre la corruption ont été éclipsés par une controverse majeure. Sa nomination de son fils, Gibran Rakabuming Raka, âgé de 36 ans, au poste de vice-président de l’Indonésie, a été critiquée. Malgré le fait que Gibran ne remplissait pas l’exigence d’âge de 40 ans, la Cour constitutionnelle, dirigée par le beau-frère du président, a fait une exception en permettant au candidat de se présenter à la vice-présidence s’il avait occupé un poste électif au niveau régional auparavant, ce qui était le cas pour Gibran.

Économie

Autrefois joyau de l’empire colonial hollandais, l’Indonésie regorge de ressources naturelles, du pétrole au bois en passant par le fameux café de Java. Après avoir traversé des périodes difficiles dues aux guerres d’indépendance, le pays était peu industrialisé avant 1965. Cependant, l’avènement de l’Ordre Nouveau sous Suharto a impulsé une croissance économique impressionnante, faisant de l’Indonésie un acteur majeur en Asie et renforçant sa position en tant que puissance respectée. Grâce notamment aux revenus pétroliers, Suharto avait financé une vaste politique de grands projets, aidé également par la Révolution verte qui a permis à l’Indonésie de moderniser son secteur agricole. Le secteur commercial était majoritairement dominé par les Chinois ou Indochinois, favorisés par le régime, mais qui faisaient l’objet de ressentiment de la part des Indonésiens moins riches. La roupie était très stable, et le nombre de pauvres était en recul notable ; l’Indonésie comptait parmi ces pays aux revenus moyens ; les investissements étrangers étaient forts, le secteur manufacturier en développement… Le miracle s’écroula en 1997, lorsque la crise économique ébranla l’Asie, révélant les faiblesses structurelles de la croissance indonésienne, notamment la corruption et la faiblesse du secteur bancaire, déjà mises en difficulté par la baisse des prix du pétrole des années 1980. L’Indonésie fut, avec la Thaïlande et la Corée, l’un des pays les plus durement touchés par la crise et la dévaluation spectaculaire de la roupie, qui toucha particulièrement les classes moyennes et les plus démunis. Les entreprises indonésiennes licencièrent nombre de leurs employés du jour au lendemain, sans aucune indemnité de chômage. Au même moment, le prix des produits de base monta en flèche et les entrepreneurs quittèrent le pays avec leurs devises qu’ils placèrent dans des pays plus sûrs économiquement. Le cours de la roupie s’effondra suite à la spéculation et la fuite massive des capitaux. Ce fut une tragédie. Alors que l’Indonésie était parvenue à réduire le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, tous les efforts entrepris pendant ces dernières années furent rapidement réduits à néant. Le pays s’enfonça rapidement dans la récession ; du rang des « économies à revenu moyen inférieur », l’Indonésie passa brutalement à celui des « économies à bas revenu ». Le chômage atteignit officiellement 15 % de la population active. Mais ce chiffre ne tint pas compte du très grand nombre d’Indonésiens, en majorité d’origine paysanne, occupés jusqu’alors par des petits métiers de rue : marchands ambulants, conducteurs de becak, ramasseurs d’ordures… Les licenciements massifs des travailleurs salariés ont, par ricochet, taris les ressources de cette main-d’œuvre flottante que l’État, en raison du facteur d’instabilité et de révolte éventuelle qu’elle représente, encouragea activement à retourner dans les campagnes. Mais tout semble indiquer que le tissu rural n’avait pas les moyens économiques d’absorber cette nouvelle population. Il n’en fallut pas plus pour faire déborder l’eau du vase de la contestation : l’augmentation des prix du pétrole, notamment, entraîna les terribles émeutes de 1998.

Aujourd’hui, l’Indonésie retrouve peu à peu le chemin de la croissance, mais il lui faudra du temps pour surmonter complètement les répercussions prolongées de la crise monétaire. La lutte contre la pauvreté est d’ailleurs l’une des priorités du gouvernement. Mais le paysage économique et macro-économique s’améliore : alors qu’en 1998 la récession était telle que la croissance était de -13 %, le pays a renoué avec des taux positifs, de l’ordre de +3,7 %, et l’inflation semble maîtrisée.

Le PIB de l’Indonésie est estimé à près de 1,2 milliard de dollars US, et le PIB par habitant à environ 4 300 dollars US. Si le secteur secondaire des industries pèse le plus lourd dans le PIB (près de 50 % du PIB), c’est encore et toujours l’agriculture qui emploie le plus de personnes : environ 42 % des quelque 100 millions de personnes actives dans le pays (pour une part du PIB d’à peine 14 %). En 2023, la balance commerciale de l’Indonésie était excédentaire avec 222 milliards de dollars américains à l’export et 164 milliards à l’import. Entre 2008 et 2018, les investissements et transferts d’industries en provenance principalement du Japon, de la Chine et de la Corée du Sud ont été multipliés par 3, atteignant près de 30 milliards de dollars US. Les principales industries sont celles liées au pétrole, au gaz naturel, au textile et aux mines. Les produits agricoles les plus exportés sont l’huile de palme, le riz, le thé, le café, les épices et le caoutchouc. Le Japon, les États-Unis, la Chine et Singapour restent les principaux marchés d’exportation ; et l’Indonésie importe surtout du Japon, de la Chine et de Singapour.

Éducation

Vous le constaterez très rapidement : le taux d’analphabétisme en Indonésie est extrêmement bas, voire quasi nul (même s’il a eu tendance à augmenter depuis la crise asiatique de 1997). Tout le monde lit le journal dans les rues des villes, discute du cours du prix du pétrole ou des bisbilles dans le monde politique – liberté appréciable après la chape de plomb qui accompagnait le régime de Suharto. L’école est obligatoire pour les enfants pendant 9 ans (6 ans en école primaire, 3 en école secondaire, suivis de 3 ans supplémentaires pour ceux qui veulent poursuivre leurs études), et, le matin en zone campagnarde, vous pourrez voir de longues lignes de petits enfants, engoncés dans leurs uniformes, se rendre à l’école, à plusieurs kilomètres de là. L’éducation est extrêmement valorisée, comme dans le reste de l’Asie, et reste un facteur de réussite sociale. Dans les zones rurales et peu développées, notamment, c’est parfois au pesantren que se rendent les petits : l’école coranique. Il y en a de toutes sortes, et elles sont généralement gérées par la communauté. Une petite minorité d’entre elles pose cependant problème, comme le pondok Ngruki, près de Solo, qui a formé toute une génération de djihadistes. À noter que les cours de religion sont obligatoires dès l’école primaire. La première université du pays, l’université de Jakarta, a été fondée en 1930. Les principales et prestigieuses universités indonésiennes sont Universitas Indonesia à Depok près de Jakarta, Universitas Gadjah Mada à Yogyakarta et l’ITB (Institut Teknologi Bandung) à Bandung.

Les enfants. Les enfants dans les familles indonésiennes occupent une place à part. Ils sont chéris par leur famille tout au long de l’enfance et souvent très protégés. D’ailleurs, c’est bien le but ultime de tout un chacun : avoir un enfant. Si vous avez plus de 20 ans et que vous racontez à un Indonésien que vous n’avez pas d’enfants, cette annonce sera accueillie par un air sincère, de commisération d’autant plus grand si vous êtes plus âgé... L’éducation et la socialisation traditionnelles sont généralement strictes, basées sur le respect des aînés. À l’opposé, les enfants des rues sont totalement livrés à eux-mêmes et ils expérimentent tout ce qui les détruit, surtout la drogue et la prostitution. Le film de Garin Nugroho Feuille sur un oreiller (Daun di atas bantal) décrit de manière très précise et très juste tout le tragique de leur existence sans lendemain vouée à l’échec le plus total.

La place des femmes

Plus grand pays musulman du monde, l’Indonésie ne correspond pas au cliché que l’on peut se faire du statut de la femme sous l’islam. Dès 1945, avec sa déclaration d’indépendance, les femmes indonésiennes ont acquis le droit de vote. Certes, les partis islamistes radicaux s’opposèrent franchement à l’accession de Megawati à la présidence, mais ils furent très minoritaires, et la quatrième nation du monde fut donc dirigée plusieurs années par une femme. Si les ennuis existent pour une femme voyageant seule, ils ne sont pas pires que dans d’autres pays en voie de développement non musulmans. Bref, aucune contre-indication pour que Madame voyage ! Si aujourd’hui on observe une radicalisation souvent inquiétante de certains musulmans, seule une minorité de femmes de Jakarta porte le voile, fichu de couleur jeté sur les cheveux. Le voile très couvrant est rare. En dehors de la capitale, la situation peut bien sûr être très différente ; mais à Aceh par exemple, province pourtant très musulmane, la proportion de femmes exerçant une profession est plus élevée que dans la capitale ! Ne tombons donc pas dans les clichés ; d’ailleurs, Bali a pour cela mauvaise réputation dans le reste de l’Indonésie. « Plutôt rester célibataire que d’épouser un Balinais », déclarent certaines jeunes femmes actives de Jakarta. Car la place de la femme y est généralement à la maison, et c’est alors l’homme qui s’occupe des tâches extérieures. La mère du féminisme à l’indonésienne, c’est Raden Adjeng Kartini, née en 1879 à Mayong, village de la régence de Japara à Java. Elle est issue d’une riche famille d’aristocrates. À 12 ans et demi, la coutume lui impose de quitter son école. Les jeunes filles sont obligées de vivre chez elles en attendant de se marier. Kartini regrette de ne pas pouvoir suivre des études comme ses camarades garçons. Elle demande à son père de pouvoir continuer les cours, mais il refuse. Elle doit suivre l’étiquette rigide de l’aristocratie javanaise : être immobile, silencieuse ; ne faire que les gestes indispensables, marcher lentement, à petits pas. En 1902, le régent de Rembang la demande en mariage. Elle accepte, sûre de trouver chez son mari un esprit ouvert. Il la rend très heureuse. Il partage ses idées nouvelles d’émancipation et pense qu’il est nécessaire de les répandre et de les appliquer à toute la société. Kartini est la première à revendiquer pour les femmes le droit à l’instruction. Pour donner vie à ses idées, elle ouvre une petite école où elle donne des leçons à des jeunes filles, sans limites d’âge. Aujourd’hui, Kartini est entrée dans la légende. Le jour de sa naissance est désormais la Journée nationale de la femme en Indonésie, soit le 21 avril. Pour en savoir plus, on vous conseille la lecture des Lettres de Raden Adjeng Kartini. Java en 1900, choisies et traduites par Louis Charles Damais, École française d’Extrême-Orient, Jakarta, 1999.