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Une histoire centenaire de cinéma indonésien

Si le premier long métrage indonésien date des années 1920, les colonisateurs ont introduit le septième art en Indonésie dès le début du vingtième siècle. Initialement réservées aux élites, ces projections sont principalement des courts métrages ou des documentaires à destination du public occidental. Et les productions locales, souvent sponsorisées par le gouvernement des Indes néerlandaises, sont réalisées par des studios européens avant d'être projetées dans des salles appartenant à ces mêmes studios. En 1926, après une première tentative manquée, le premier film de fiction indonésien voit le jour. Produit et réalisé par L. Heuveldorp et G. Krugers, Loetoeng Kasaroeng porte à l'écran la légende sundanaise du Lutung perdu, qui voit une jeune femme tomber amoureuse d'un singe aux pouvoirs magiques. Un film aujourd'hui perdu, mais qui marque les débuts d'une puissante industrie cinématographique.

Une industrie marquée par de nombreuses influences extérieures, à commencer par celle du cinéma chinois. C'est en effet de la communauté chinoise d'Indonésie qu'émaneront une bonne partie des films indonésiens d'avant-guerre, inspirés par le style de Shanghai. Une production qui inspirera à son tour les cinéastes indonésiens comme The Teng Chun, l'un des réalisateurs les plus prolifiques des années 1930 et 1940. Ses films s'inspirent de contes et légendes locales, mais aussi d'histoires modernes teintées de romantisme et peuplées de scènes d'action captivantes. Parmi ceux-ci, La rose de Cikembang (1931), Serpents blancs et noirs (1934) ou Oh, mère ! (1938) invitent à l'évasion et à la découverte, tout en représentant les différentes communautés indonésiennes d'hier.

Dans les années d'occupation japonaise, la production locale est muselée, ou bien détournée à des fins de propagande. Il faut donc attendre 1945 et l'Indépendance pour que le cinéma reprenne ses droits sur le territoire indonésien désormais libéré, ou presque. Car sous la présidence de Sunarto entre 1945 et 1967, puis sous celle de son successeur Suharto jusqu'en 1998, le contrôle de l'État sur le cinéma reste de mise. Une situation qui contribue au déclin artistique de la production cinématographique nationale, souvent utilisée pour créer des films de propagande tout en étant soumise à une censure stricte. La revisitation des événements du Mouvement du 30 septembre est par exemple un sujet à la fois porteur mais très risqué à aborder pour les cinéastes locaux, qui préfèrent se tourner vers des productions commerciales de moindre qualité artistique, mais plus enclines à drainer les foules.

Cette période voit néanmoins l'instauration de prix récompensant le cinéma national, les Citra Awards, décernés depuis 1955 lors de l'Indonesian Film Festival à Jakarta.

Dans les années 1980, le cinéma indonésien dépasse ses frontières et arrive dans les festivals internationaux, tout en continuant à ramener de plus en plus de spectateurs dans les salles du pays. En 1988, Tjoet Nja' Dhien, biopic d'Eros Djarot racontant la lutte anticoloniale de la cheffe de guerre Cut Nyak Dhien, est projeté à la Semaine de la Critique au festival de Cannes. Cette notoriété grandissante ne suffira malheureusement pas à empêcher un déclin du cinéma indonésien dans les années 1990, rongé par des problèmes de financement et manquant de support de l'État. Alors qu'en 1990, plus d'une centaine de films indonésiens sont produits, le nombre chute à 9 productions locales en 1999. Depuis la fin du régime de Suharto et le développement d'une nouvelle génération de cinéastes indonésiens, le cinéma national rayonne à nouveau auprès de son public et à l'étranger. C'est l'époque de The Raid (2011), film d'action brutal et captivant qui sera couronné lors de nombreux événements internationaux et bénéficiera d'une suite en 2014. C'est aussi une période de nouveaux genres et de nouveaux médiums pour le cinéma indonésien. Après un premier film d'animation, Le guerrier et la déesse, aujourd'hui visible en ligne, d'autres productions et coproductions emboîtent le pas. Tandis que du côté du cinéma d'horreur, le cinéaste Joko Anwar fait sensation et remporte de nombreuses récompenses avec Satan's Slaves ou Impetigore (2019).

Aujourd'hui, grâce à de nouvelles aides gouvernementales et un élargissement du réseau de distribution, le cinéma indonésien se porte de mieux en mieux et poursuit la reconquête de son public et des festivals internationaux. La comédie Vengeance Is Mine, All Others Pay Cash du réalisateur Edwin (2021) a récemment remporté le Léopard d'Or au festival de Locarno, tandis que Yuni, dernier film de la cinéaste indonésienne Kamila Andini, a remporté le Platform Prize au prestigieux Toronto Film Festival la même année. De quoi annoncer un futur radieux pour le cinéma indonésien dans les décennies à venir.

Films marquants tournés en Indonésie

Si l'Indonésie n'a pas forcément été terre de grands tournages, elle a néanmoins été le sujet d'un des documentaires les plus marquants des années 2010. Sorti en 2012, The Act of Killing des réalisateurs Christine Cynn et Joshua Oppenheimer a donné un puissant coup de projecteur sur les exactions génocidaires de l'année 1965 en Indonésie. Et parce que celles-ci sont encore majoritairement impunies, les cinéastes ont pu rencontrer les tortionnaires d'hier et leur faire rejouer leurs atrocités, ce que ces bourreaux font avec un zèle et un sang-froid terrifiant. Un documentaire choc couronné de dizaines de prix, qui ira jusqu'à être nommé aux Oscars en 2014.

Mais le pays accueille également des tournages plus légers, et peut se targuer d'avoir accueilli l'actrice Julia Roberts sur son sol pour le mythique Mange, prie, aime aux côtés de Javier Bardem. Une comédie romantique touchante qui vous emmènera autour du monde, mais aussi en visite à Ubud, sur les rizières en terrasses de Tegallalang, et la plage de Padang Padang. Des lieux idylliques qui permettront au personnage de Julia Roberts de se retrouver et de se reconstruire, tout comme vous peut-être ?

En 2022, Julia Roberts revient en Indonésie dans Ticket to Paradise, aux côtés de George Clooney. Un duo impressionnant, mais des décors indonésiens qui sont en fait… australiens. C'est malheureux, car les plages du pays auraient tout à fait pu accueillir cette comédie romantique espiègle, qui voit les deux acteurs collaborer pour tenter de mettre fin à un mariage qu'ils désapprouvent. Un film désopilant, que l'on engage à découvrir tout de même.

Ce qui est certain, c'est qu'Hollywood n'en a pas fini avec l'Indonésie. Dernier tournage en date à Jakarta : des scènes de la cinquième et dernière saison très attendue de Stranger Things, production Netflix déjà vue par plusieurs dizaines de millions de fans. Les frères jumeaux Matt et Ross Duffer, aux commandes de cette série depuis 2016, clôtureront ainsi en fanfare leur aventure de science-fiction. Un final qui s'annonce épique, et augure également de belles possibilités pour de futurs tournages en Indonésie.

Voir du cinéma en Indonésie

Le cinéma est un art très apprécié en Indonésie. Avant la pandémie, ce sont près de 40 millions de spectateurs annuels qui étaient accueillis dans les salles de cinéma indonésiennes, dont le nombre dépassait 230 en 2020. Un engouement qui n'a pas faibli aujourd'hui, porté par de grandes chaînes comme Cinema XXI ou CGV, propriétaires de plus de 1 500 écrans à travers le pays. Le CGV Grand Indonesia, abrité dans le centre commercial du même nom à Jakarta, est le plus grand complexe du pays avec 11 écrans, une salle 4DX, mais aussi la possibilité de découvrir un film de la manière la plus confortable qui soit : sous une couette et dans un bon lit. Une expérience qu'on recommande à tous, amateurs de cinéma ou non. Depuis 2019, le CGV Grand Indonesia propose également la technologie Screen X, une triple projection limitée à des films bien précis, mais qui vous emportera dans des univers impressionnants. Et ce n'est pas qu'à Jakarta que vous retrouverez des salles de cinéma, loin de là. À Bandung, le Movie Park vous permettra de profiter d'un film en plein air. Une expérience également possible au Ungasan Clifftop Resort, sur la péninsule au Sud de Denpasar. Et à Ubud, rendez-vous au Cinema Paradiso, une salle plus petite mais cosy, à la programmation riche en découvertes. Plus insolite, l'île de Bali abrite également bon nombre de salles 5D : des petits espaces où vous vivrez des films étonnants, à mi-chemin entre attraction et projection de cinéma. Rendez-vous dans les centres commerciaux de Legian, Nusa Dua et bien d'autres.

Pour les plus cinéphiles et les amateurs d'histoire du cinéma, la Sinematek Indonesiana de Jakarta vaut également le détour. Plus ancienne institution de ce type en Asie du Sud-Est, la Sinematek a été fondée en 1975 par les cinéastes Misbach Yusa Biran et Asrul Sani dans le but de préserver l'héritage culturel du pays. Avec plus de 2 700 films dans ses collections, et plusieurs milliers de documents uniques liés à l'histoire du cinéma indonésien, ces archives constituent un trésor mondial, malheureusement trop peu soutenu par le gouvernement. N'hésitez pas à y faire un tour, et à consulter le programme de leurs projections.

Quant aux amateurs de tapis rouge et de stars internationales, c'est également dans la capitale qu'ils pourront se donner rendez-vous pour l'annuel Indonesian Film Festival, équivalent des Oscars américains et des César français, que nous évoquions précédemment. Parfois interrompu depuis sa création en 1955 mais ressuscité en 2004, ce gala permet de mettre en lumière les talents indonésiens d'aujourd'hui et de demain. On y récompense les meilleurs cinéastes, actrices, films et techniciens de la profession, ainsi que les courts métrages, documentaires et films d'animation qui vous permettront de découvrir toute la richesse du cinéma indonésien contemporain.