Découvrez le Kirghizistan : Musiques et Scènes (Danse / Théâtre)

Au Kirghizistan, la tradition nomade a considérablement forgé la culture et les pratiques artistiques. C’est remarquable aussi bien dans les traditions orales – le poème mélodique improvisé est l’art le plus apprécié du pays – que dans les répertoires folkloriques, célébrant, d’une musique pure, la vie sauvage des montagnes, la nature et les grands espaces. Comme dans l’ensemble de l’Asie centrale, la musique traditionnelle kirghize mélange influences arabes et turques et s’apparente beaucoup à celle de ses voisines kazakhe et turkmène. Cela dit, bien qu’elle en partage beaucoup d’instruments et de traditions, notamment le maqâm (le système mélodique oriental), la musique kirghize n’est pas imprégnée de traditions musulmanes. La société kirghize change et sa musique en témoigne. Après un éveil féministe – lent certes –, on voit apparaître des femmes bardes, rares autrefois et des artistes prendre le micro pour prôner la parité.

Opéra national à Bichkek © Leonid Andronov - shutterstock.com.jpg

La musique traditionnelle et folklorique

Issue d’un peuple originellement nomade, la culture kirghize est naturellement très liée à la tradition orale. C’est pourquoi sa musique accorde une place importante aux bardes nommés akyns (ou manashi). Ces poètes et compositeurs chantent de grandes épopées relatant l’histoire et les mythes locaux, souvent accompagnés d’un luth à long manche, la fameuse komuz (guitare à trois cordes kirghize). Le poème iconique du pays est celui de Manas (chanté par les manashi), guerrier symbole de la nation dont le poème comprend plus de quatre millions de vers ! Les chants sont donc longs, d’autant plus qu’ils sont truffés d’improvisations. Ce dernier aspect est d’ailleurs particulièrement important à l’art des akyns, des joutes d’improvisations (les aïtysh) étant même parfois organisées. Symbolique de l’importance des akyns dans la culture kirghize, Toktogul Satilganov (1884-1933), la légende du genre, a donné son nom à de nombreuses rues, parcs, écoles (et même à sa ville natale !) et son visage orne les billets de 100 KGS. L’art des akyns est donc un trésor de la culture kirghize, inscrit en 2008 par l’UNESCO sur la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Si le pendant vocal demeure prédominant, il existe pourtant des morceaux purement instrumentaux. Ceux-ci, nommés küü, possèdent aussi une trame narrative très prégnante puisqu’ils content, de manière plus abstraite et subtile, également une histoire. Afin de renforcer l’expressivité de leur musique, les musiciens n’hésitent jamais à multiplier les acrobaties en portant leur instrument à l’épaule, entre les jambes ou dans le dos. Il n’y a qu’à regarder jouer Maria Naumova la « Jimi Hendrix du komuz » pour s’en assurer. Ou encore l’ensemble Tengir-Too, composant de très beaux küü et porté par Ruslan Jumabaev, joueur de komuz le plus accompli de sa génération. Autre excellent groupe à écouter pour une plongée sonore dans le Kirghizistan, le Kambarkan Folk Ensemble est un orchestre d’État de musique folklorique. Symbole national passé par le très bon label Naxos, cet ensemble est l’auteur de vibrantes compositions valorisant un large panel d’instruments kirghizes et où se devinent les influences arabes et turques du pays. Le Kyrgyz National Philharmonique propose de très belles représentations de musiques traditionnelles et folkloriques, comprenant parfois de la danse. Immense bijou brutaliste faisant face à la mairie de Bichkek, impossible de le rater. Pour l’anecdote, le lieu a lui aussi été renommé d’après Toktogul Satylganov et la statue sur sa place est celle de Manas, le grand héros national.

La musique classique

Vestige de l’ère soviétique, la musique classique est bien présente au Kirghizistan (enfin, à Bichkek) mais elle n’a plus autant de succès. L’allure du splendide bâtiment orangé de l’Opera Ballet National et sa programmation intéressante (les grands classiques russes) n’y changeront rien, l’endroit est généralement peu fréquenté. Le pays compte tout de même un orchestre symphonique d’État, le Manas Presidential Chamber Orchestra. Fondé en 1999, l’ensemble se produit lors de grands événements nationaux et supervise également la promotion de la musique classique dans le pays. Côté art lyrique, Abdylas Maldybaev est le grand nom kirghize (son portrait figure sur les billets d’1 KGS). Ténor illustre, il était aussi compositeur et a écrit l’hymne d’État de la République socialiste soviétique kirghize. Plus récemment, le pays a porté une autre voix importante, bien que méconnue ici : Bulat Minzhilkiev. Lui dont la carrière est intimement liée au Théâtre Mariinsky et au grand Valery Gergiev a aussi collaboré avec le Théâtre du Bolchoï ainsi que la Scala de Milan ou le Metropolitan Opera.

La musique populaire

Lorsque les Kirghizes ne chantent pas de fabuleuses épopées à propos de légendes locales, comme partout ailleurs, ils parlent d’amour déçu ou de mélancolie. Et au Kirghizistan, une chanteuse se démarque par l’intensité et la beauté de son spleen. Elle s’appelle Salamat Sadikova, on la surnomme à juste titre, la « voix du Kirghizistan » et c’est un trésor national à peu près comme Billie Holiday ou Édith Piaf. Devenue célèbre en dirigeant l’ensemble national de musique et de danse folkloriques kirghizes Kambarkan – où elle a été la chanteuse attitrée –, Salamat Sadikova dépasse en solo le cadre de la chanson traditionnelle. Armée de la passion et du tragique très proche d’un fado portugais, Sadikova chante le peuple kirghize, ses paysages, ses histoires oubliées, souvent accompagnée du komuz. Une artiste envoûtante qui vous donnera envie de visiter le Kirghizistan. Ou de ne plus le quitter. De manière générale, la pop est une affaire majoritairement féminine au Kirghizistan. Parmi les voix qui comptent, Dinara Akulova surnommée « la reine de la pop music » est très populaire, Samara Karimova, soliste au Théâtre d’Osh, est aussi une chanteuse de variétés à voix et la jeune Zere Asylbek est tristement célèbre pour avoir reçu des menaces de mort après le succès de son hymne féministe Kyz (« Fille »). Si les imports russes ou turcs sont très écoutés au Kirghizistan, la pop reste un des terrains favoris pour participer à camper une identité nationale. C’est ce que racontent les succès de Gulzada Ryskulova et son tube « Aikol Manas » sur le fameux Manas (le héros national, encore et toujours) ou du duo de rap kirghize Begish et Bayastan qui a sorti Ene Til (« langue maternelle ») faisant la promotion du Kirghize comme langue pour tous (le russe étant encore très employé). Pour entendre de la musique contemporaine, les deux lieux indiqués de Bichkek sont le Retro Metro, la boîte la plus branchée de la capitale et le Zeppelin, bar plutôt rock et dynamique.

La danse et le théâtre

Comme toute ancienne capitale soviétique, Bichkek possède de nombreux théâtres. Et bien que leur programmation marche au ralenti, on peut y trouver des représentations intéressantes. Pour les russophones, le Théâtre dramatique russe est, comme son nom l’indique, réservé aux grandes pièces classiques du répertoire russe. L’Académie nationale d’Art dramatique, elle, ne présente quasi exclusivement que des pièces d’auteurs kirghizes. L’occasion de voir des œuvres des grands auteurs du pays : Janysh Kulmambetov et sa production dantesque ou le célèbre Tchinguiz Aïtmatov – un temps conseiller de Mikhaïl Gorbatchev dans les années 1980 – jadis traduit en français par Aragon. Le ballet kirghize est une création de l’Union soviétique, établissant dans le pays les traditions de ballets russes. Autrefois très prestigieux – Bubusara Beishenalieva la grande ballerine kirghize fut une star du Bolchoï –, le ballet se décatit désormais faute de moyens. Les représentations ont lieu à l’Opéra national et proposent parfois des kyiyz, des danses populaires devenues des classiques ou des productions d’Anar, le premier ballet kirghize.

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