Peinture murale conservée au musée d'Affrasiab © Maximum Exposure PR - Shutterstock.com.jpg
Peintre de miniature © Ivanchik - Shutterstock.com.jpg

Au carrefour des cultures

La culture ouzbek s’est forgée en incorporant les traditions des populations qui ont successivement occupé le territoire de l’Ouzbékistan actuel. Il serait plus juste de parler d’une palette de cultures en ce sens que chaque région a intégré à sa façon les diverses influences. Les premières roches peintes de la région remontent aux sociétés primitives. Le trésor d’Amu Darya confirme l’existence d’un art élaboré dans cette zone dès l’âge de bronze. Les sculptures rituelles et les figurines en terre cuite retrouvées sur les sites archéologiques de Jarkutan et de Molallitepa attestent des traditions picturales établies à cette époque.

Antiquité et art Kushan

Entre le IVe siècle av. J.-.C et le IVe siècle ap. J.-C., tous les arts majeurs connaissent un épanouissement exceptionnel. L’intérieur des temples, des palais et des châteaux se pare de magnifiques peintures, sculptures et pièces d’orfèvrerie. 

La période Kushan (entre la fin du Ier et le IIIe siècle) se caractérise par sa mixité. Les divinités gréco-romaines coexistent avec les traditions bouddhistes et le panthéon iranien. On peut classer les vestiges en deux catégories : l’art impérial hérité du modèle iranien et le style né du métissage des modèles bouddhiste, gréco-romain et indien. Les 3 000 pièces du musée des Beaux-arts de Tachkent complètent parfaitement la visite des sites historiques et font voyager sur l’ancienne Route de la Soie.

Empire Khaganat

Ce puissant empire établi en 552 s’étendit en Asie centrale jusqu’en 744. Une synthèse s’opère alors entre les cultures turques et sogdiennes. Les Sogdiens se démarquent par leur tolérance envers tous les peuples avec qui ils entrèrent en contact. Le vocabulaire artistique sogdien se caractérise logiquement par une variété bienheureuse. Il est mis au service de thèmes héroïques ou cultuels, dont l’éternel combat du bien et du mal. Les palais et les châteaux sont richement parés d’œuvres d’art. Les peintures se définissent par une composition complexe et une abondance chromatique. Les créations immanquables de cette période sont celles de la cité d’Afrassiab. Les exceptionnelles peintures murales sont conservées sur place, au musée d’Afrassiab.

L’islam en Asie centrale

Sous le règne des Timourides, deux formes d’expression picturale éclosent. La peinture monumentale, qui relate des faits historiques, et le petit format, souvent des paysages stylisés de type décoratif. L’empire de Tamerlan tombe aux mains de la dynastie musulmane des Chaybanides. Les images figuratives sont subitement prohibées. Les peintures et les reliefs sculptés sont détruits. Le temple de Samarcande est saccagé et les idoles en bois sont brûlées. La peinture et la sculpture monumentales disparaissent au profit d’un art ornemental hérité de l’esthétique musulmane.

L’art de la miniature

L’évolution de la peinture ouzbek reflète l’histoire singulière de ce pays. Les normes musulmanes poussèrent les artistes à s’orienter vers l’abstraction. Apparu plus tardivement, l’art de la miniature profita de deux périodes fastes, aux XIIe et XVIe siècles.

Au tout début, ces petites images colorées et laquées tenaient un rôle décoratif. Puis elles s’allièrent à la calligraphie et embellirent les textes religieux. Ultimement, la miniature s’associa au verbe pour illustrer légendes et poèmes. La miniature est ainsi devenue l’art visuel le plus typique de l’Ouzbékistan. Ses grands maîtres se nomment Kamoliddin Behzod (XVIe siècle), Ahmad Donish (XIXe siècle) et Davlat Toshev pour l’époque actuelle. Ce dernier, de la septième génération d’une lignée de miniaturistes, a accédé au rang de membre de l’Académie des arts d’Ouzbékistan.

Ère moderne

Au milieu du XIXe siècle, la peinture de chevalet et le dessin venus d’Europe furent adoptés. Puis un second tournant se produisit au XXe siècle, sous l’influence des peintres russes. Igor Savitsky créa le musée d’Art de Noukous, entièrement dédié à l’art ouzbek. Sa collection part des antiquités du Khorezm et présente de splendides icônes russes aux côtés de la seconde plus vaste collection d’avant-garde russe du monde.

Les années 1950 virent éclore une école de peinture et de sculpture suite à l’installation à Tachkent et à Samarcande des écoles d’art russes. Les échanges étant facilités, de nouveaux courants émergèrent. Comme des siècles plus tôt, les artistes ouzbeks enrichirent leur art d’apports internationaux sans renoncer à leurs particularités. Désormais, l’art contemporain rencontre l’art traditionnel dans les salles de l’Art Gallery Caravan.

De nos jours

Encore peu connus, les photographes ouzbeks composent avec des interdits tenaces. Amis photographes, la prudence est de rigueur. La cinéaste Oumida Akhmedova, attachée à photographier la vie dans les zones rurales, en a fait les frais. Mais elle est également la première femme documentariste à avoir reçu une formation professionnelle (à l’Institut du cinéma de Moscou). Les amateurs ne manqueront pas de visiter la Maison de la Photographie de Tachkent ainsi que la Bonum Factum Gallery, consacrée à la photographie contemporaine mais qui invite également de jeunes peintres à s’exposer. Participant de la troisième Photobiennale de Tachkent, Elyor Nematov peut se féliciter d’accomplir un travail à la fois documentaire et empreint de sensibilité. Parmi ses thèmes : les travailleurs immigrés de l’Asie centrale, l’égalité des sexes ou encore les enfants de Bukhara. Lauréat du prix Getty du Jeune Talent Reportage 2014, ses photographies sont exposées dans le monde entier.

Il serait vain de partir à la chasse aux graffitis. Le peu d’art urbain que vous rencontrerez en Ouzbékistan prend la forme de mosaïques officielles dans les stations de métro. Il faut savoir que photographier l’intérieur du métro n’est autorisé que depuis juin 2018. De la même façon, s’exprimer sur les murs n’est pas encore entré dans les mœurs. Signalons la station Kosmonavtlar parée de portraits oniriques de cosmonautes dont Valentina Tereshkova, la première femme à voyager dans l’espace. À la station Pakhtakor, un immense bouquet duveteux rappelle que l’Ouzbékistan est un des premiers producteurs de coton du monde. La station Oybek, nommée d’après le poète et écrivain ouzbek, prête ses murs à des illustrations d’un poème épique de cet auteur.