Histoire Histoire

Lorsque l'on évoque l'histoire du Kazakhstan, il faut scinder, dès les origines, l'histoire du territoire de celle de ses habitants. Depuis la nuit des temps, dans cette infinité recouverte par la steppe, le nomadisme a été la règle de vie. Entre la mer Caspienne et les monts Altaï, les tribus scythes, turques, mongoles ont sillonné la contrée, créé des cités éphémères ou de grands empires, vu passer des flux migratoires, commerciaux ou religieux. Pendant des siècles, ils les contrôlaient autant qu'ils en subissaient les influences. L'histoire « nationale » du Kazakhstan n'apparaît donc que très tardivement, dans un premier temps pour se dresser face à la conquête russe, et dans un second temps, beaucoup plus récent, pour forger une identité à un peuple soudainement indépendant. Pendant longtemps en Europe, une confusion a d'ailleurs régné : on confondait facilement Kazakhs et Kirghizes, ou l'on parlait de « Kara-kirghizes ». Décryptage.

Antiquité – VIIe siècle

Une terre faite pour les nomades

Les travaux des anthropologues et archéologues soviétiques ont permis de trouver des traces d'implantation humaine très précoces, remontant au Paléolithique et témoignant d'un peuplement de la péninsule de Mangistau, sur la mer Caspienne. Les premiers nomades de la région arrivent de Sibérie vers le troisième millénaire avant notre ère mais ne font que passer dans la steppe kazakhe : ils recherchent des terres plus accueillantes au sud, en Inde ou en Iran. Quelques villas apparaissent pourtant au second millénaire, essentiellement au sud du pays, où coule le Syr-Daria. La plupart de ces urbanisations précoces se situent sur le territoire de l'actuel Ouzbékistan. Dans le cœur de la steppe, ce sont les tribus Scythes qui dominent, dont la plus terrible d'entre elles, celle des Massagètes, donna bien du fil à retordre à l'empire Achéménide de Cyrus. De ces peuplades il ne reste que peu de traces, mis à part des sépultures. C'est dans un de ces « kourgans » (tumulus funéraire) qu'a été découvert au Kazakhstan l'Homme d'or, une armure entière constituée de plusieurs milliers de pièces d'or et devenue la grande fierté du pays.

VIIe siècle - 751

Les Omeyyades à la conquête de l’Asie centrale

S’étant emparé de la Perse - l’actuel Iran -, les Omeyyades, après la mort du prophète, veulent pousser leurs conquêtes et établissent un avant-poste à Merv, dans l’actuel Turkménistan. Les villes de Transoxiane, Boukhara, Afrosyab (aujourd’hui Samarkand) ou Tachkent, placent les troupes du calife face à l’immense steppe. Des révoltes au Khorassan comme en Transoxiane et le renversement des Omeyyades par les Abbassides en 750 vont pourtant retarder son invasion. En 751, la bataille de Talas, dans le nord-ouest du Kirghizistan actuel, stoppe l’avancée de l’empire du Milieu vers l’Asie centrale mais coûte tellement cher aux arabes qu’ils cessent également leurs opérations dans la région. Pour les populations nomades, plus difficiles à canaliser que les populations urbaines, les conversions à l’islam seront donc beaucoup plus tardives qu’ailleurs.

1215 - 1405

Le raz-de-marée mongol et la Horde Blanche

Venu de Mongolie, où sa tribu nomadisait à l'est du lac Baïkal, Gengis Khan devient khan suprême de toutes les tribus turco-mongoles et se lance à l'assaut de la Chine. Ce sont les prémices de la création du plus grand empire de l'histoire. En 1215, Gengis Khan s'est emparé de Pékin, et il marche en 1218 sur l'Asie centrale, s'emparant de la Sogdiane et du puissant Khorezm. En 1221, ses troupes règnent déjà sur toute la steppe kazakhe. La pax mongolica s'étend de Kiev à Pékin, de la Sibérie à l'Inde.

L'empire mongol ne survivra pas longtemps à son créateur. À la mort de Gengis Khan, l'empire se fractionne entre les quatre fils du khan. Djochi, le fils aîné, qui contrôlait les terres au-delà du fleuve Syr-Daria, meurt à son tour, et sa « Horde d'or » est divisée à nouveau entre ses deux fils. Son fils Orda dirige la Horde blanche qui couvre une bonne partie du Kazakhstan, et il établit sa capitale dans les environs de la ville actuelle de Kyzy-Orda. Pendant ce temps, Khubilaï Khan, petit-fils de Gengis Khan également, établit sa capitale à Pékin, bien loin de la steppe qui apprend à vivre de manière semi-indépendante, dans une suite de querelles sans fin entre khans. Un descendant de Djochi, Toktamych, parviendra pourtant à recréer la Horde d'Or, brièvement, de 1376 à 1395. Moscou sera livrée à la fureur des cavaliers de la steppe en 1382 ! Des succès qui font de l'ombre à un ambitieux général dont l'aura grandit au sud du Syr-Daria : un certain Tamerlan. Ce dernier se lance dans une gigantesque série de conquêtes : il atteindra Kazan, menacera Moscou et Kiev, descendra en Inde, et prendra Delhi.

1430 - milieu du XIXe siècle

La fin de la Horde d’or et l’avancée des Russes

Tamerlan disparu, la Russie reprend du poil de la bête et s'unifie derrière Ivan III, qui souhaite s'affranchir de la menace que font peser les nomades sur son flanc sud. Les rôles s'inversent, et c'est désormais ce qu'il reste de la Horde d'or qui est menacée au nord, alors même que de nouveaux peuples turcs débarquent sur la scène centre-asiatique : les Ouzbeks, qui s'installent au sud de la Horde d'or, en Transoxiane, et d'autres tribus, qui prennent leurs quartiers dans la région de l'actuelle Almaty, entre le Syr-Daria et le lac Balkach, et qu'on appelle… les Kazakhs ! La Horde d'or, affaiblie, disparaît en 1516 en même temps que son dernier souverain et se scinde en trois khanats, dont deux sont immédiatement soumis par Ivan le Terrible. Pendant deux siècles, c'est à coups d'incursions militaires ponctuelles et d'implantations commerciales que le pouvoir russe progresse. Mais c'est en 1716, avec Pierre le Grand, que commence la véritable expansion avec la création de Semipalatinsk (Semey) au nord-est du Kazakhstan actuel. La steppe, peu peuplée et non urbanisée, tombe en un bloc, et Almaty est conquise en 1855, ouvrant la voie vers le reste de l'Asie centrale.

1917-1991

La période soviétique

Lors de la création des Républiques socialistes soviétiques d'Asie centrale en 1924, Kirghizistan et Kazakhstan sont, dans un premier temps, assemblés sous une seule entité : la RSS Kirghize. Le Kazakhstan devra attendre 1936 pour voir ses frontières fixées par Staline et exister en tant que tel. Le « Père du peuple » ne s'arrête pas là et lance une profonde transformation du Kazakhstan avec la sédentarisation forcée des nomades et la collectivisation des terres. La moindre opposition est envoyée dans l'oubli du goulag. On estime que 1,5 million de Kazakhs sont morts durant cette période, essentiellement de famine. Après la Seconde Guerre mondiale, l'immensité des terres kazakhes rend de nombreux services à Moscou. Il est facile d'y implanter des colons russes et d'industrialiser à grande échelle : c'est la campagne des « Terres vierges », lancée de 1954 à 1964. C'est également au fond de la steppe que Moscou envoie toutes les minorités déplacées de force : Allemands de la Volga, Coréens… Bilan : dans les années 1970, les Kazakhs ne sont plus l'ethnie majoritaire dans leur propre pays, ce qui va accroître les difficultés lors de l'indépendance, « imposée » au Kazakhstan par l'effondrement de l'URSS. Les élections menées rapidement voient partout les élites communistes se maintenir au pouvoir. Au Kazakhstan, c'est le cas de Noursoultan Nazarbaev, grand ami de Gorbatchev, qui va tenir le pays d'une main de fer pendant un quart de siècle.

1990-2019

L’ère Nazarbaev

Preuve des appréhensions kazakhes : le Kazakhstan est le dernier pays à déclarer son indépendance lorsque disparaît l'URSS. Et il sera dans les tous premiers à rejoindre la CEI (Communauté des États indépendants) sitôt créée en 1991. La raison en est simple : l'implantation russe est plus forte au Kazakhstan que partout ailleurs, les Russes pèsent pour un peu plus de la moitié de la population du pays et le risque de sécession est fort. Les choses doivent donc avancer prudemment : le pays attend 1993 pour se doter d'une monnaie nationale, et la Constitution n'est votée qu'en 1995. Le russe demeure, jusqu'à aujourd'hui, la langue officielle au même titre que le kazakhe, et la capitale, Almaty, perd son statut au profit d'Astana, plus au nord et proche du grand frère russe. Les troubles ethniques qui éclatent ponctuellement font le jeu d'un Nazarbaev qui exerce un pouvoir fort et compte sur les divisions entre clans pour asseoir son autorité. Les élections présidentielles sont repoussées, la Constitution arrangée, et finalement Nazarbaev parviendra à se maintenir une trentaine d'années au pouvoir, ne quittant ses fonctions que volontairement, en ayant pris soin de laisser un partisan se faire élire à sa place. Durant cette période, il a établi, comme dans les autres républiques d'Asie centrale, un pouvoir oligarchique profitant à son clan et faisant fi de l'opposition comme de la liberté de la presse ou de la liberté d'expression, bien que celle-ci soit garantie par la Constitution. Sa capacité à se maintenir au pouvoir est due à la fois au régime autoritaire qu'il a installé mais aussi à la forte croissance qu'a connu le pays durant cette période, grâce à la manne des hydrocarbures et de l'uranium. Le Kazakhstan a multiplié les contrats avec le grand frère russe comme avec les grandes puissances économiques occidentales, comme la France ou, dans l'autre direction, la Chine. Pendant plusieurs années, cette manne a permis au Kazakhstan d'afficher les plus forts taux de croissance de la région et de l'ensemble des pays émergents, triplant la production de pétrole brut, ouverture de champs gaziers géants, premier exportateur mondial d'uranium… Autant de facteurs qui ont fait de la balance commerciale kazakhe l'une des plus enviées au monde, malgré un système bancaire plus que primitif. Le pays aura ainsi beaucoup de mal à encaisser et amortir les à-coups mondiaux (baisse du cours du brut en 2015, crise du Covid, guerre en Ukraine, etc.) À plusieurs reprises, le pays doit dévaluer sa monnaie alors même que le chantier d'Astana s'alourdit, jusqu'à dépasser les 100 milliards de dollars…

2019 - présent

L’après Nazarbaev

Le président Nazarbayev démissionne de ses fonctions le 19 mars 2019 au terme de cinq mandats présidentiels. Dans la foulée, le Parlement vote le changement de nom d'Astana en Nour-Soultan, en hommage à l'homme d'État qui a rythmé la vie du pays durant les 30 dernières années. Nazarbayev ne quitte pas totalement les affaires et reste le chef de son parti, Nour Otan, et le chef du Conseil de sécurité du Kazakhstan pendant encore trois ans. L'année 2022 marque un tournant majeur pour le pays. De grands mouvements de protestation à travers le pays ébranlent le pouvoir et le nouveau président Kassym-Jomart Tokaïev, qui ne se maintient qu'avec l'aide de Poutine, qui n'hésite pas à envoyer des troupes rétablir le calme – ou l'ordre, selon les points de vue. Le Kazakhstan est obligé de concéder quelques réformes allant vers un peu plus de démocratisation du régime, et profite des événements pour s'affranchir définitivement de la mainmise du clan Nazarbayev sur le pouvoir. Le déclenchement de la guerre en Ukraine pose néanmoins au pays un grand dilemme. Malgré l'aide que vient de lui apporter la Russie, Tokaïev prend ses distances avec Moscou et, sans se ranger ouvertement du côté de l'Ukraine, envoie tout de même quelques aides au pays envahi. Un pur reflet de l'extrême polarisation du pays : les Kazakhs sont ouvertement favorables aux Ukrainiens, alors que les Russes encore présents dans le pays penchent pour la Russie. Un dangereux numéro d'équilibriste mené à la fois sur la scène internationale et nationale, alors même que, suite aux manifestations de 2022, un immense défi social attend toujours le Kazakhstan. La page de « l'après-Nazarbayev » reste encore à écrire.

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