Le passé de Nakatosa
Le port de Nakatosa, appelé Kure, a été enregistré par le ministère japonais de la Culture en tant que bien culturel d'importance. Cette reconnaissance souligne le rôle majeur du port dans l'histoire de la région, et ce, depuis le XIIIe siècle. La situation de Kure et ses activités maritimes, ainsi que les marchands de bois, qui prospéraient grâce aux montagnes voisines, ont permis à Nakatosa de se développer. On retrouve encore de nos jours d'anciennes maisons de pêcheurs, témoins de l'activité florissante de Kure, de même que la brasserie de saké Nishioka datant de 1781. Cette dernière est d'ailleurs la plus ancienne brasserie de la préfecture de Kochi. Et la bonite dans tout ça ? Bien qu'il soit difficile de dater avec exactitude le début de sa pêche, certains documents anciens l'évoquent précisément. La province de Tosa, anciennement Kochi, avait été désignée par le gouvernement de l'empereur, à l'époque, comme zone d'importation du Katsuo, dont Kure faisait partie. Il fallait alors 25 jours de bateau pour rejoindre l'ancienne capitale de Kyoto. Le poisson, qui ne pouvait arriver frais, était alors mijoté pour en faire de la soupe et les chairs étaient séchées.
La bonite, poisson migrateur, revient dans la baie de Tosa, grâce au courant marin Kuroshio, deux fois dans l'année : au printemps et en automne. Depuis l'époque d'Edo, les habitants de la région le pêchent grâce à une canne en bois géante nommée ipponzuri, une technique durable qui utilise des sardines vivantes. Depuis des siècles, la bonite Katsuo est un produit essentiel de la province de Tosa et de la gastronomie japonaise. C'est grâce à cette pêche ancestrale que la méthode du katsuobushi (bonite séchée et fumée) a vu le jour. Le maître de l'estampe japonaise Hiroshige Utagawa s'en est même inspiré pour l'une des oeuvres de sa série Les Vues des sites célèbres des soixante et quelque provinces du Japon.
Une histoire de cuisson
Technique de préparation du poisson, le tataki sied à merveille au Katsuo. Dans les temps anciens, alors qu'il était impossible de garder longtemps la bonite fraîche, les Japonais la tapaient avec du sel, tataku signifiant taper, battre ou frapper. A l'époque d'Edo, le Katsuo était dégusté en sashimi, mais une épidémie aurait incité le gouverneur de la province à interdire ce type de repas. Les habitants, qui ont accepté cet ordre, ont alors trouvé une parade pour garder le goût de la chair crue : taper la bonite avec du sel, la griller en surface à feu vif et ainsi éviter de cuire la chair à coeur. Les bateaux étaient composés d'un fourneau pour cuisiner les repas. Mais le Katsuo fraîchement pêché a une chair très épaisse qui est déconseillée pour le sashimi. C'est pourquoi les pêcheurs le grillaient. Pour garder alors la chair à coeur, il fallait utiliser un feu vif et les pêcheurs savaient comment l'obtenir. Ainsi est née cette technique de cuisson tataki encore utilisée de nos jours. Il se dit, sans équivoque, que c'est la meilleure façon de déguster ce poisson.
Le port de Kure sacré
La religion joue un rôle important pour les pêcheurs de la région, très croyants. Avant chaque départ en mer pour une longue période, les pêcheurs baptisent leur bateau avec du saké, considéré comme l'eau bénite du shintoïsme. Lorsque la pêche est fructueuse, ils sacrifient des ema, des plaques votives en bois, pour remercier les dieux. Le visiteur peut admirer ces anciens cadres datant de l'époque d'Edo dans le sanctuaire de la ville, le Kure Hachimangu. On peut y voir des représentations des Katsuo qui peuplent la baie de Tosa. Shikoku oblige, il est impossible de ne pas évoquer le chemin de pèlerinage des 88 temples initié par Kūkai (774-835), le fondateur de la secte Shingon. Bien que le village de Nakatosa n'en abrite aucun, le voyageur a le plaisir de parcourir une ancienne route du pèlerinage sur environ cinq kilomètres, au coeur des montagnes environnantes.
Une vie locale attachante
La vie quotidienne à Nakatosa est rythmée par la bonite. De nombreux habitants travaillent de près ou de loin avec elle, que ce soit les pêcheurs, les employés du marché ou encore les différents fournisseurs. On dit que seuls les typhons empêchent les habitants de goûter à du Katsuo frais tous les jours. Les plus gros bateaux partent au large sur une longue période, mais les plus petites embarcations, elles, partent au petit matin pour revenir en début d'après-midi. Le séjour des visiteurs devient très excitant ! En fin de matinée, le marché Kure Taishomachi s'anime. Les habitants, comme les visiteurs, profitent de l'atmosphère d'antan des lieux, achètent du poisson frais ou le goûtent directement sur place, en tataki ou en sashimi, accompagné, comme il se doit, par du saké. L'immersion est totale et on fait l'expérience d'un Japon authentique, agréable et convivial. On se régale à déguster un "katsuo no tataki" au milieu de la population locale.
Le contexte du XXIe siècle menace malheureusement la paisible vie quotidienne des habitants. L'aspect concurrentiel de la pêche dans le monde et le fait que les jeunes générations délaissent petit à petit les métiers manuels et quittent le village représentent une véritable épée de Damoclès pour Nakatosa. Le thon de Katsuo, aussi connu sous le nom de Katsuwonus pelamis, est l'ingrédient que l'on peut retrouver dans les boîtes de thon. C'est dans ce contexte économique particulier que le village souhaite faire déguster aux visiteurs internationaux l'excellente bonite de la région. Depuis maintenant 20 ans, la quantité de Katsuo pêchés ne cesse de se réduire. Pour les habitants du village, il est impossible de prédire jusqu'à quand cette activité ancestrale perdurera. Selon eux, sa fin est malheureusement inéluctable. C'est pourquoi, plus que jamais, ils souhaitent faire découvrir aux visiteurs la bonite de Nakatosa en signe d'omotenashi, l'hospitalité à la japonaise. Et pour le voyageur en quête d'expérience unique, cette étape promet de passer un agréable moment au sein d'une communauté attachante. Les visiteurs peuvent dès à présent ajouter à leur to do list au Japon : venir admirer les pêcheur locaux et déguster le meilleur tataki de Katsuo de l'archipel.
Informations techniques
Quand partir. Pour déguster le Katsuo de Nakatosa, il est recommandé de s'y rendre au printemps et en automne. Lors de ces deux périodes de l'année, les pêcheurs sortent en mer dans la baie de Tosa au petit matin. Les étals du marché se remplissent de poissons frais dès 11h grâce à la pêche de la veille. De plus, ces deux saisons sont tout simplement les plus belles au Japon avec, pour l'une, les cerisiers en fleurs, et, pour l'autre, le feuillage chatoyant des arbres.
Comment s'y rendre. Depuis les aéroports de Tokyo et d'Osaka (Jetstar, JAL et ANA), le visiteur peut se rendre, via un vol intérieur, à l'aéroport de Kochi Ryoma, puis prendre une navette direction la gare de Kochi. De là, un train direct emmène, en une heure, le voyageur jusqu'à la gare de Tosakure, au coeur du village. Ce train est accessible aux détenteurs du Japan Rail Pass. Compter deux heures pour rejoindre Nakatosa depuis l'aéroport.
Où se loger. Deux établissements permettent aux visiteurs de poser leur valise à Nakatosa : le ryokan moderne Kuroshio Honjin, avec ses bains chauds et sa vue sur la baie, et l'hôtel nature Shimanto avec son emplacement au coeur de la nature.
Lien utile :
Nakatosa michi no éki : https://www.nakatosa.com/en/