Découvrez Taïwan : Les enjeux actuels

Longtemps dirigé par la main de fer de Tchang Kaï-chek et la dictature du Kouo-Min-Tang (KMT), l'archipel de Taïwan est aujourd'hui une démocratie stable et prospère, mais qui doit composer avec l'influence toujours plus importante du voisin chinois. Les rapports que Taipei entretient avec Pékin divisent d'ailleurs la société taïwanaise, partagée entre les héritiers du KMT qui rêvent d'une Chine unifiée et ceux qui souhaitent garantir l'indépendance de l'État taïwanais. Cette fracture, aussi bien sociétale que politique, peut également se comprendre dans l'opposition de la vieille garde conservatrice issue principalement du KMT et de la jeunesse taïwanaise, ouverte sur le monde et très influencée par les idées progressistes. Taïwan est en effet l'un des pôles de la mondialisation en Asie, qui a su faire évoluer son industrie d'exportation vers une économie de service, basée sur la haute technologie.

L'héritage de Sun Yat-sen

Lorsque Tchang Kaï-chek débarque à Taïwan en 1949, son parti du Kouo-Min-Tang représente le gouvernement de la République de Chine (ROC) en exil, en opposition au pouvoir communiste de la République Populaire de Chine (RPC). Cette situation géopolitique est toujours de vigueur aujourd'hui et la politique actuelle de Taïwan ne peut se comprendre qu'à travers cet antagonisme. La structure constitutionnelle de l'État taïwanais a d'ailleurs pour origine le modèle des « Trois principes du peuple », comme définis par le père de la République de Chine, Sun Yatsen. Au début du XXe siècle, l'Empire chinois est en proie au chaos, dominé par des Seigneurs de guerre rebelles, une corruption généralisée de la dynastie Qing et les intérêts des grandes puissances coloniales de l'époque, c'est-à-dire le Japon, la France et la Grande-Bretagne. Sun Yat-sen fait alors partie des mouvements intellectuels qui cherchent à faire renaître de ses cendres la puissance chinoise. En 1911, avec Sun Yat-sen à la tête du mouvement, la dynastie Qing est renversée et la République de Chine est proclamée. La ligne de conduite de l'État s'appuie donc sur ces « trois principes » :

le minzu, le nationalisme ou le gouvernement du peuple, une vision pan-ethnique qui doit unir tous les peuples chinois (Han, Mongols, Mandchous, Tibétains, Ouïghours, etc.).

◗ le minquan, la démocratie ou le gouvernement par le peuple, dont l'Assemblée nationale garantit la représentation.

◗ le minsheng, le bien commun ou le gouvernement pour le peuple, qui s'apparente à la création d'un État providence afin d'assurer de bonnes conditions de vie.

La constitution actuelle de la République de Chine, mise en place lors de la levée de la loi martiale et de la mainmise du KMT sur la vie politique taïwanaise en 1987, s'inspire de la vision de l'État souhaitée par Sun Yat-sen. Pour résumer, le pouvoir se divise en deux blocs. D'une part, le cabinet du président, chef de l'État, qui nomme le Premier ministre et oriente la politique de Taïwan, sans toutefois bénéficier d'un droit de veto sur le parlement. D'autre part, les cinq Yuans, qui forment le cœur du gouvernement taïwanais et représentent la division des pouvoirs préconisée par Sun Yat-sen. D'abord le Yuan exécutif, qui correspond au gouvernement du Premier ministre, et qui englobe les différents ministères du pays. Comme le gouvernement n'a pas besoin d'être approuvé par le parlement, le pouvoir exécutif s'est surtout concentré entre les mains du président, tandis que ses ministres s'occupent de mettre en œuvre ses décisions. Puis, le Yuan législatif, qui représente le pouvoir législatif à travers le parlement taïwanais élu au suffrage universel tous les quatre ans. Sur les 113 sièges, 73 sont attribués au suffrage universel direct, 34 à la proportionnelle et 6 réservés aux populations autochtones. Le Yuan législatif est associé au Yuan de contrôle, un organe d'enquête qui vérifie les comptes publics et peut révoquer des agents administratifs. Ces membres sont nommés par le président et approuvés par le Yuan législatif. Ensuite, le Yuan judiciaire, la plus haute juridiction de l'État, en charge du pouvoir judiciaire, dont les membres sont nommés par le président, puis approuvés par le parlement.

Différentes cours de justice sont dépendantes du Yuan : la Cour suprême, la cour constitutionnelle, etc. Enfin, le Yuan d'examen, qui a pour charge d'examiner les qualifications professionnelles des fonctionnaires.

Le spectre de Pékin

Après la levée de la loi martiale en 1987, il aura fallu neuf ans avant de voir une élection présidentielle au suffrage universel. Cette première élection de 1996 voit Lee Teng-hui du KMT remporter la victoire. Car bien que le KMT soit associé à la dictature militaire de Tchang Kaï-chek, le parti dirige le pays jusqu'en 2000, où pour la première fois la ROC connaît l'alternance, avec la victoire de Cheng Shui-bian, issu du Parti démocratique progressiste (DPP). Il restera au pouvoir jusqu'en 2008, mais les lourdes accusations de corruption qui l'accablent permettent au KMT de reprendre le pouvoir de 2008 à 2016. En 2016, le DPP remporte les élections présidentielles et Tsai Ing-wen devient la première femme présidente de Taïwan.

En janvier 2020, Tsai Ing-wen, présidente sortante et candidate du Parti démocrate progressiste (DPP), a été réélue avec plus de 57 % des voix. Sa victoire a été interprétée comme un rejet des pressions chinoises pour un rapprochement entre les deux rives du détroit. Le DPP a également conservé sa majorité au Yuan législatif, consolidant ainsi le pouvoir de Tsai. L'émergence du Parti du peuple taïwanais (TPP), fondé par Ko Wen-je en 2019, a marqué un changement dans le paysage politique, offrant une alternative aux deux partis dominants, le DPP et le Kuomintang (KMT).

Les relations entre Taïwan et la Chine se sont détériorées, Pékin intensifiant ses activités militaires autour de l'île, notamment avec des incursions fréquentes dans la zone d'identification de défense aérienne (ADIZ) taïwanaise. Taïwan est devenue un point focal des tensions entre les États-Unis et la Chine, notamment après les visites de hauts responsables américains, dont celle de Nancy Pelosi en août 2022. Ces visites ont exacerbé les tensions dans le détroit de Taïwan.

Taïwan a été la cible de campagnes de désinformation, principalement orchestrées par la Chine, visant à miner la confiance du public dans le gouvernement taïwanais et dans ses relations avec les États-Unis. Malgré ces efforts, l'opinion publique à Taïwan reste largement en faveur du maintien du statu quo, avec une forte volonté de préserver l'autonomie de l'île tout en évitant tout conflit majeur avec la Chine.

Le 13 janvier 2024, 19 millions de Taïwanais ont voté lors d'un double scrutin présidentiel et législatif. Ce scrutin s'est tenu sous une pression militaire accrue de la Chine, Pékin présentant les élections comme un choix entre paix et guerre. Malgré cela, la participation a atteint 71,8%, et le vice-président sortant Lai Ching-te, du Parti démocrate progressiste (DPP), a remporté la présidence avec 40,05% des voix. Il a devancé Hou You-yi du Parti nationaliste (KMT) et Ko Wen-je du Taiwan People's Party (TPP). Pour la première fois dans l'histoire taïwanaise un même parti remporte à trois reprises consécutives l'élection présidentielle. Toutefois, le DPP a vu son soutien diminuer par rapport aux élections précédentes et a perdu sa majorité absolue au Yuan législatif, où le KMT est désormais le premier parti.

Les élections législatives ont vu le DPP perdre 10 sièges, le KMT en gagner 11, et le TPP jouer un rôle crucial en étant le pivot pour les alliances parlementaires. Le 1er février 2024, le TPP a abstenu ses voix lors de l'élection du Président du Yuan législatif, permettant à Han Kuo-yu du KMT de remporter le poste.

Lai Ching-te, qui a pris ses fonctions le 20 mai 2024, devrait privilégier le maintien du statu quo plutôt que l'indépendance formelle de Taïwan. En mars 2023, Taïwan avait annoncé ne pas ouvrir le feu en premier si les forces chinoises franchissaient la limite des 24 milles nautiques, mais la tension reste élevée avec des incursions militaires chinoises récentes autour de l'île. Source MERICS, Taipei Times, Sciences Po-CERI, Global Taiwan Institute.

Une transition économique

La ligne de fracture entre les deux principales forces politiques du pays repose donc sur le rapport à la Chine continentale. Mais en ce qui concerne les politiques économiques, les deux partis se rejoignent sur de nombreux points et souhaitent tous les deux faire de Taïwan un pôle de la finance asiatique et de haute technologie. Véritable paradis du capitalisme, Taïwan a réussi à devenir en l'espace d'une trentaine d'années la quatrième puissance économique d'Asie. Pendant longtemps, le bas coût de la main d'œuvre associé à une production industrielle à faible valeur ajoutée (principalement textile) a été le moteur de la croissance économique. Cependant, l'ouverture au marché mondial de la Chine concurrence l'industrie taïwanaise et l'île attire moins d'investisseurs étrangers. Durant les années 90, l'industrie taïwanaise se reconvertit et grâce aux accords négociés entre la RPC et la ROC lors de cette décennie, la production de produits peu chers déménage en partie vers la Chine. Taïwan investit massivement dans la haute technologie, et plus particulièrement dans l'électronique : 60 % des écrans plats et des cartes mères vendus dans le monde y sont produits. Les plus grandes entreprises taïwanaises sont de véritables leaders dans leur domaine : Acer, Asus ou Quanta (informatique), Evergreen (transport maritime), TSMC (semi-conducteurs) ou encore HTC (smartphone), racheté par Google en 2018. Cette stabilité économique a permis au pays de devenir le 15e plus grand exportateur du monde, d'avoir le 22e PIB mondial et le 17e PIB par habitant (50 000 US$ par an en 2017). Grâce à une main d'œuvre qualifiée et spécialisée, le taux de chômage ne dépasse pas les 4 %. Cela dit, l'économie taïwanaise reste très dépendante du dollar pour ses importations en hydrocarbures, et le moindre ralentissement des échanges mondiaux peut l'impacter durablement. En 2009, la crise financière mondiale avait fait perdre 1,48 % de PIB au pays. L'économie de service (62 % du PIB) s'appuie sur un système bancaire stable et Taipei reste une des places fortes de la finance asiatique. Le tourisme présente de nombreuses opportunités pour Taïwan, avec environ 11 millions de visiteurs étrangers en 2019.

Depuis 2019, le tourisme à Taïwan a traversé des hauts et des bas, influencés par divers facteurs, notamment la pandémie de COVID-19 et les tensions géopolitiques.

Les principaux marchés émetteurs étaient la Chine continentale, le Japon, la Corée du Sud et les pays d'Asie du Sud-Est.

La pandémie du Covid-19 a brutalement interrompu cette croissance. En 2020, Taïwan a fermé ses frontières à la plupart des voyageurs internationaux, entraînant une baisse drastique du nombre de visiteurs. Le secteur touristique, qui représente une part significative de l'économie taïwanaise, a subi de lourdes pertes. Cependant, Taïwan a réussi à contenir efficacement le virus pendant une grande partie de l'année 2020, ce qui a encouragé le tourisme intérieur. Le gouvernement a mis en place des campagnes pour promouvoir les voyages domestiques, offrant des subventions et des réductions pour stimuler le secteur.

À partir de 2022, avec l'assouplissement progressif des restrictions, Taïwan a commencé à rouvrir ses frontières aux touristes internationaux. Cette période a été marquée par des initiatives visant à attirer les touristes de retour, avec une attention particulière aux mesures sanitaires et à la sécurité des voyageurs.

Parallèlement, les tensions croissantes avec la Chine ont également eu un impact sur le tourisme. Le nombre de touristes chinois a fortement diminué, remplacé en partie par une augmentation des visiteurs d'autres régions, notamment l'Europe et les États-Unis, attirés par l'image de Taïwan comme une démocratie dynamique en Asie.

En avril 2024, les nombreux séismes dans la région de Hualien, détruisant de nombreuses infrastructures, ont à nouveau affecté le secteur du tourisme à Taïwan. Selon le ministère du tourisme, il faudra de nombreuses années pour reconstruire les routes endommagées et les bâtiments détruits par les tremblements de terre.

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