Découvrez Taïwan : Musiques et Scènes (Danse / Théâtre)

L'art musical qui, dans de nombreux pays, n'est qu'une branche des beaux-arts, a joué en Extrême-Orient un rôle important dans la politique, l'éducation sociale et dans les rites des nations. À Taïwan, la musique est même un domaine de recherche, de débat et de définition de l'identité nationale. C'est un reflet permanent du statut flou de l'île. Pour un artiste, chanter en mandarin ou en taïwanais est plus qu'un choix artistique. C'est une décision politique dont peut dépendre sa carrière. En choisissant le mandarin – comme les vedettes taïwanaises les plus connues – on ouvre la porte à un marché d'un milliard d'auditeurs. En optant pour le taïwanais, on joint symboliquement sa voix aux velléités indépendantistes de plus en plus sonores depuis le début des années 2000. Et pourtant, merveilleux paradoxe, si Taïwan exprime par les arts son opposition à Pékin, elle en conserve ses traditions (comme l'Opéra chinois) souvent mieux qu'en Chine continentale.

La musique traditionnelle

En 1949, lorsque la République de Chine gouverne de nouveau le pays par le biais du Kuomintang, la culture chinoise est imposée au détriment de la taïwanaise (le mandarin devient par exemple la langue officielle). La chose se constate encore aujourd'hui dans la pratique de la musique traditionnelle chinoise, extrêmement courante à Taïwan. Comme presque tous les enfants apprennent un instrument et que les cours pullulent dans les grandes villes, beaucoup d'entre eux pratiquent un instrument traditionnel. Les orchestres sont également très nombreux, et les concerts très fréquents. Même si la présence de la musique traditionnelle chinoise est très importante à Taïwan, l'île continue de cultiver un folklore musical propre. Une de ses formes les plus anciennes est le beiguan. Datant de la dynastie Qing (XVIIe siècle), elle est considérée comme la « pop » des sociétés agricoles d'autrefois et peut se pratiquer de deux manières différentes : luantanxi, style théâtral, et zidi xuanshe, performance de groupes. Autre grande musique traditionnelle taïwanaise, le nanguan est originaire de Quanzhou. Cette musique lente et délicate se joue généralement avec des luths (dont le pipa reconnaissable par son manche à tête de serpent), un samhiân, une flûte et un erxien (archet à deux cordes). Remarquable et emblématique, le nanguan a été inscrit en 2009 sur la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'Unesco. Et parce que tous les genres possèdent leur légende, si une grande voix devait résumer la musique traditionnelle taïwanaise, ce serait sans aucun doute Chen Da. Figure mémorable de la résistance contre le pouvoir chinois dans la seconde moitié du XXe siècle et joueur exceptionnel de yueqin (le luth chinois aussi appelé « guitare-lune »), l'artiste est le nom le plus révéré de la musique folklorique taïwanaise. Un bon moyen d'écouter de la musique folklorique taïwanaise interprétée avec talent est de suivre l'actualité de la Formosa Indigenous Dance Foundation of Culture and Arts. Avec des membres tous issus de la plupart des communautés aborigènes du territoire (Amis, Bunun, Paiwan ou Tao), cette entité bien connue dans le pays travaille depuis vingt-cinq ans à la recherche, la reconstruction et la préservation des chants et danses traditionnels des communautés autochtones pour les mettre en scène lors de spectacles. Autre bonne adresse, le Taiwan Traditional Theatre Center est le lieu de résidence de l'Orchestre national chinois de Taïwan, un excellent interprète des musiques traditionnelles chinoises et (purement) taïwanaises.

La musique populaire

À Taïwan, la musique populaire comporte un enjeu social et culturel intimement lié au statut de l'île et à son histoire. Pour bien le saisir, il faut remonter entre 1949 et 1987, lorsque le pays est sous le coup de la loi martiale. À cette époque, le gouvernement en place – le Kuomintang – restreint l'usage de langues autres que le mandarin dans les arts ou à la télévision et l'interdit même à l'école. Lorsque cette restriction est levée dans les années 1990, les habitudes demeurent et le mandarin reste la langue de prédilection pour les artistes taïwanais. Puis, au début des années 2000, commence à pousser un sentiment croissant d'identité nationale et des morceaux de folk écrits en langue taïwanaise, comme ceux de Hsieh Ming-yu, connaissent un succès retentissant. Depuis, la musique écrite en taïwanais est souvent utilisée comme bannière brandie contre le pouvoir chinois, comme récemment durant le « mouvement des Tournesols » (2014). Écouter une chanson en taïwanais dépasse le cadre de la mélomanie, c'est un symbole.

C'est dans ce contexte que depuis les années 1990, toute une scène de musique de variété chantée en taïwanais, la « T-pop », se développe en opposition à celle en chinois mandarin : la fameuse mandopop.

Stylistiquement, les deux sont des jumelles – de la chanson romantique aujourd'hui imprégnée de R'n'B ou de house – que seule la langue distingue. Quoique la T-pop a souvent ce je-ne-sais-quoi en plus d'un peu rebelle. Une des grandes stars (et un pionnier) du genre est Lim Giong. Depuis son premier album en 1990 Marching Forward, ce dernier écrit exclusivement en taïwanais et cultive une aura d'avant-gardiste ainsi que de poil à gratter. C'est aussi le cas d'A-mei, diva de la T-pop. Si elle est célèbre pour son rock aux mélodies sucrées et ses singles musclés portés par sa voix puissante, A-mei est aussi un emblème du genre pour deux raisons. Premièrement, elle affichait autrefois une proximité vis-à-vis des idées radicales et indépendantistes de l'ex-président Chen Shui-bian (elle a dû y renoncer après avoir été interdite de scène par Pékin). Ensuite, artiste autochtone issue de la tribu Puyuma, le succès d'A-mei s'est inscrit dans la « nouvelle vague de pop indigène » taïwanaise de la fin du XXe siècle. Ironie du sort, Taïwan demeure aujourd'hui le cœur de l'industrie musicale mandopop dans le monde. Des artistes taïwanais comme Jay Chou, surnommé « le roi de la pop », Jolin Cai, la « Madonna asiatique » ou Show Luo, « le roi de la danse de l'Asie », sont des stars énormes en Extrême-Orient. Et ils chantent en mandarin.

La musique classique

« Cette île merveilleuse m'a donné la meilleure expérience musicale de ma vie ». Cette phrase est d'Henry Mazer (1918-2002), célèbre chef d'orchestre américain qui tomba amoureux de Taïwan. Via son travail au sein du Taipei Philharmonic Orchestra, Mazer a permis au classique taïwanais et à ses musiciens de briller hors de leurs frontières. Et malgré la taille modeste du pays et l'absence de traditions dans le domaine, le nombre de musiciens taïwanais ayant reçu une formation dans des conservatoires parmi les plus prestigieux d'Europe ou d'Amérique permet à la scène locale de regorger de pépites. À commencer par les musiciens du National Symphonic Orchestra (ou NSO) également connu en tant que Taiwan Philharmonic en dehors de Taïwan. Orchestre résident de ce temple de la musique qu'est le National Concert Hall (en face de son jumeau le National Theater), il interprète aussi bien des commandes taïwanaises que des compositeurs comme Mahler ou Messiaen. On croise quelques visages connus : le chef Lü Shao-chia – Taïwanais souvent aperçu à la baguette en Europe, notamment devant l'Orchestre National de France – et deux superbes violonistes solistes : Wu Ting-Yu et Li I-ching. Financé par un grand groupe industriel taïwanais, l'Evergreen Symphony Orchestra jouit lui aussi d'une bonne réputation à l'étranger grâce à de nombreux enregistrements réalisés pour le label allemand CPO. Aussi prestigieux que les deux entités précédentes, le Taipei Symphony Orchestra, dirigé par Eliahu Inbal (un protégé de Bernstein), est connu pour son opéra annuel devenu un événement musical important. Par le passé, le TSO a interprété de grandes œuvres telles que La Traviata, Faust, Carmen, Turandot ou Aïda en collaborant avec des sommités telles qu'Angela Gheorghiu, Yo-Yo Ma ou Mstislav Rostropovich.

Historiquement, le classique à Taïwan est marqué par le désir de faire dialoguer les traditions musicales locales et occidentales. Trois grands noms – Hsu Tsang-Houei (1929-2001), Ma Shui-Long (1939-2015) et Pan Hwang-Long (né en 1945) – sont d'ailleurs célèbres pour leur écriture intégrant des instruments de musique traditionnels chinois et taïwanais au répertoire classique. Dans le même esprit, Tysen Hsiao, le « Rachmaninoff taïwanais », a posé les bases du style néo-taïwanais avec son œuvre bartokienne où l'essence de la mélodie folklorique infuse dans les styles classique, romantique, impressionniste et moderne. Côté musiciens, si la Chine continentale monopolise l'attention avec des solistes exceptionnels comme Yuja Wang ou Lang Lang, Taïwan comporte elle aussi son lot de virtuoses. Cho-Liang Lin est un bel exemple. Ce magnifique violoniste américain d'origine taïwanaise voit chacune de ses prestations acclamée par la critique et il est convoité par les plus grands orchestres du monde. Autre grand soliste taïwanais : Rueibin Chen. Pianiste à la technique étonnante, il est régulièrement salué par la critique et ses pairs pour la qualité de ses interprétations. Dernier prodige en date : Szuyu Rachel Su. Cette jeune pianiste née en 1998, joue depuis l'âge de quatre ans et enchaîne les récompenses dans des compétitions prestigieuses.

Le théâtre et la danse

Étant donné l'importance de l'influence chinoise dans le pays, l'opéra chinois est une forme théâtrale très répandue sur l'île depuis cent cinquante ans. Art synthétique où se croisent conte, danse, musique, acrobatie ainsi qu'arts martiaux traditionnels, il se décline en plusieurs styles (opéra de Pékin, de Chiu Chow ou de Canton), toujours d'une grande grâce. Sans décor sur scène, le spectacle est très codifié (les rôles, les gestes, les expressions faciales, etc.) tandis que les maquillages et les costumes racontent les personnages et leur caractère. La musique – dont un même air peut servir dans des opéras différents – accompagne l'action et les acteurs sur scène. De moins en moins populaire à Pékin, l'opéra chinois est plutôt bien préservé à Taïwan où l'on continue à ajouter de nouvelles pièces au répertoire. Des ensembles taïwanais comme la troupe nationale d'opéra Guoguang donnent des représentations partout dans le monde et font voyager avec eux les chefs-d'œuvre de l'opéra chinois.

Plus apprécié encore, l'opéra taïwanais est souvent considéré comme un emblème national tant il incorpore l'essence de la culture du pays. Façonné par l'histoire de l'île, il a trouvé un regain d'intérêt auprès de la population à chaque fois qu'elle y a vu l'opportunité de revendiquer une identité nationale (durant l'occupation japonaise notamment). Né il y a moins d'un siècle, l'opéra taïwanais porte le nom chinois de Gezaixi. Théâtre chanté entièrement en dialecte taïwanais, il est codifié de la même manière que l'opéra chinois, mais l'intrigue repose ici le plus souvent sur des contes et légendes populaires locales. Les troupes les plus célèbres, telles que Ming Hwa Yuan, se sont produites à l'étranger, au Japon comme en France. Une excellente adresse pour en voir à Taipei est le Taiwan Cement Hall. C'est dans cette salle que se joue trois fois par semaine le spectacle TaipeiEYE, un habile mélange d'arts traditionnels tels que le théâtre de marionnettes, l'opéra taïwanais ou les danses aborigènes… À noter que Taïwan possède une très belle scène de danse contemporaine – invitée annuellement à Avignon – portée par des propositions chorégraphiques très fortes. Un nom à retenir dans le genre est le Cloud Gate Dance Theatre. Formée en 1970, cette compagnie acclamée est une pionnière dans la danse contemporaine locale et a injecté une sensibilité asiatique dans la discipline.

Organisez votre voyage avec nos partenaires à Taïwan
Transports
Hébergements & séjours
Services / Sur place
Envoyer une réponse