Découvrez Taïwan : Littérature (BD / Actualité)

Dans l'ombre de la littérature chinoise incroyablement prolifique au moment de la Révolution culturelle, la production littéraire taïwanaise a lutté pour s'affirmer. Les auteurs insulaires auraient pu vivre cachés, mais ils ont pris le contre-pied du mouvement chinois en s'engouffrant dans la voie de l'écriture identitaire s'assurant, par la même occasion, la reconnaissance étrangère. Pour autant, la reconnaissance de la littérature taïwanaise n'est pas encore pleine et entière, certains détracteurs avançant comme argument de choc l'évidence des liens qui unissent l'île à la Chine, déplaçant en clair les enjeux politiques au domaine des lettres. Or la littérature taïwanaise dispose de tous les atouts pour s'imposer sur le marché littéraire comme un mouvement à part entière. Elle jouit non seulement d'une langue, mais aussi d'une histoire qui, bien qu'étroitement attachée à celle de sa grande sœur chinoise, a réussi à se distinguer.

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Les premiers auteurs

Mêlés aux écrivains d'expression chinoise dans un premier temps, les auteurs insulaires ont dû, à la fin du XIXe siècle, s'exprimer en langue japonaise. Il est donc difficile de parler de littérature taïwanaise durant l'occupation japonaise malgré le talent remarqué de certains, comme le charismatique Lai Ho (1894-1943). Médecin de formation, il prône une écriture de protestation ; il est reconnu comme le plus grand écrivain des années 1930. Il a écrit de nombreuses fictions, mais est particulièrement apprécié pour sa poésie.

Se distingue également Wu-Cho-Liu (1900-1976), écrivain et fondateur de la revue Taiwan Wenxue (Littérature de Taïwan). Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les lettres taïwanaises, loin de s'émanciper, sont restées dans le sillage de la Chine continentale, sous l'impulsion du Guomindang. Et ce n'est que dans les années 1980 que les auteurs taïwanais se sont distingués, pour leur talent bien sûr, mais aussi pour leur appartenance à l'île. La spécificité de la littérature taïwanaise crève désormais les yeux. Le XXe siècle a en effet été le siècle de tous les changements qui ont contribué à l'enracinement progressif des lettres dans la culture taïwanaise. Ainsi, durant les vingt années qui ont suivi la défaite japonaise et la mise en place du gouvernement de Tchang Kaï-chek, il n'existait pas de littérature taïwanaise, mais des courants littéraires : certains prônaient l'écriture idéologique tantôt communiste, tantôt indépendantiste, mais toujours en réponse aux méthodes répressives du Généralissime.

D'autres continuaient à écrire en japonais, alors que les continentaux nostalgiques, quant à eux, produisaient des textes à vocation universelle, peu préoccupés par les réalités locales qui n'étaient alors l'apanage que d'une poignée d'écrivains, taïwanais de fait et de cœur, dont les deux chefs de file sont Ch'en Ying-chen née en 1961 (L'Île Verte) et Hwang Chun Ming. Ce dernier, né en 1939, est l'un des principaux représentants de la littérature du terroir. Son œuvre, ancrée dans la culture taïwanaise, détaille la condition du petit peuple qu'il a pu observer en exerçant diverses professions comme celles de soldat, enseignant ou encore cinéaste. Il a commencé à écrire en 1961. Le Gong, traduit en français, est l'un de ses plus célèbres livres.

Vers une littérature identitaire

L'uniformisation des lettres n'est devenue une réalité qu'à compter de la levée de la loi martiale en 1987, le pluralisme politique a enfin été rendu possible, mais surtout l'obsession continentale, martelée dans les discours gouvernementaux, a fait place à l'enthousiasme national. Le mouvement identitaire alors en marche est né des critiques de l'ancien régime. Parmi la nouvelle génération, les grands auteurs sont Chu T'ien-hsin (À mes frères du village de garnison; Le Chevalier de la Mancha), Li Ch'iao (Trilogie de la nuit d'hiver), Bai Xianyong (Gens de Taipei; Garçons de cristal) ou bien Chang Ta-chun (Enfants des rues).

Depuis ces vingt dernières années, on remarque l'émergence d'une littérature aborigène dont le principal représentant est T'ien Ya-ke. Il est né en 1960, dans le district de Nantou, au sein de la tribu des Bunun, qu'il quitte à 9 ans pour la ville. Son nom d'origine est T'o-pa-ssu. Médecin, il exerce auprès des aborigènes. Son premier roman, publié en 1981, a été récompensé par le prix Nanxing. Depuis la critique ne tarit pas d'éloges à son sujet, et trois recueils de nouvelles ont suivi ce premier roman dont Le Dernier Chasseur.

Considéré comme l'un des auteurs les plus prometteurs de sa génération, Wu Ming-yi a écrit plusieurs ouvrages dont plusieurs sont traduits en français : Les Lignes de navigation du sommeil (You Feng, 2013) et L'Homme aux yeux à facettes (Stock, 2014) qui a reçu le prix Fiction 2014 du Salon international du Livre insulaire d'Ouessant. En 2017 le roman, Magicien sur la passerelle, vogue entre souvenirs amusants et touchants et rêves et peurs des Taïwanais.

Est sortie également l'anthologie Taipei, histoires au coin de la rue, recueil réunissant des nouvelles écrites par des auteurs taïwanais contemporains. Les questions sur l'identité et l'avenir sont omniprésentes.

Li Ang, auteure controversée

Arrêtons-nous un instant sur Li Ang. Auteure féministe qui milite pour le droit des femmes, elle se dit indépendantiste et fière d'être Taïwanaise. Elle est l'une des plus grandes représentantes de la littérature de son pays et souhaite avant tout qu'on ne la confonde pas avec des auteurs chinois. Pour elle, la littérature est liée à la terre. Elle se fait connaître en 1983 grâce à son roman La femme du boucher traduit en français. Bien entendu, à l'époque, cet ouvrage fait scandale puisqu'il dénonce la violence masculine et les abus sexuels dans la société taïwanaise. Il faut l'avouer, Li Ang est controversée et souvent critiquée, car considérée comme une auteure immorale. En 2003, elle publie Le jardin des égarements, roman dans lequel elle se concentre sur la conscience de l'identité taïwanaise et la sexualité féminine. Elle écrit également Nuit obscure (2004), et un recueil de nouvelles Pour un bol de nouilles au bœuf.

Et la BD dans tout ça ?

On aurait souvent tendance à penser que la BD n'existe pas vraiment à Taïwan, pourtant l'île n'est pas en reste face aux productions japonaises ! Depuis 2010, sont même organisés chaque année les Golden Comics Awards. Cet événement est filmé par la télévision nationale et de nombreux étrangers font le déplacement. Il faut savoir que dans les années 1960, les amateurs se régalaient de bandes dessinées, dont une, célèbre, publiée en feuilleton : Jhu-Ge Shi-ro de Yeh Hong-Shia. Mais la censure de la « terreur blanche » avait au fur et à mesure mis tout le monde sur la touche.

Deux auteurs de BD particulièrement connus sont Ao You-xiang et Mickeyman. Ao You-xiang a derrière lui trente ans de carrière. En 1983, il publie par épisodes Wulongyuan. Il a reçu de nombreux prix dont Le China's Golden Dragon en 2004 pour sa contribution au film d'animation dans le monde chinois, et le Taiwan Golden Comic Awards en 2006 pour l'ensemble de son œuvre. Mickeyman, quant à lui, est un auteur de la scène underground taïwanaise. Au début de sa carrière, il a publié ses œuvres sous la forme de fanzines. Il les vendait lui-même dans les rues de Taipei ! À présent, il est reconnu à travers le monde et a été récompensé en 2014 par un Golden Comics Award. Les manhua taïwanais ont commencé à attirer l'attention internationale, avec des traductions et des publications en dehors de Taïwan. Cela a permis aux artistes taïwanais de se faire connaître à l'échelle mondiale. La communauté des fans de bande dessinée à Taïwan est dynamique, avec de nombreux clubs, forums en ligne et conventions dédiées au manhua. Des maisons d'édition comme Tong Li Publishing et Karma Comics jouent un rôle clé dans la publication et la distribution de manhua. Elles offrent une plateforme pour de nombreux artistes locaux et étrangers.

Il existe plusieurs écoles et ateliers à Taïwan qui offrent des formations en dessin et en création de bandes dessinées, soutenant la prochaine génération d'artistes.

La bande dessinée taïwanaise continue de croître et d'évoluer, enrichissant le paysage culturel de l'île avec des œuvres innovantes et pertinentes.

Top 10 : Lecture

La littérature de Taïwan

Taïwan propose une littérature identitaire et engagée mais également des bédéistes qui ont prouvé leur talent au monde entier. Des décennies précédentes à aujourd'hui, chaque livre est un témoignage de l'histoire de Taïwan.

Taïwan

Photographe et explorateur du XIXe siècle, John Thomson explore cette île encore inconnue. John Thomson Magellan, 2004.

Formose

L'auteur raconte son enfance et pose un regard engagé sur l'histoire de Taïwan. Li-Chin Li, Éditions ça et là, 2011.

Je suis petite, moi ? Wo gètóu xiǎo ma ?

Pour les enfants, un livre d'images bilingue français-mandarin de Taïwan. Large Print, Bilingue, 2018.

Le Gong

Un roman par le plus enraciné des écrivains taïwanais. Hwang Chun-ming, Actes Sud, 2001.

Taiwan : les enjeux du patrimoine et de la mémoire

Un essai par une universitaire pour ceux qui veulent en savoir plus. Chantal Zheng, 2019.

La cité des douleurs

Synopsis et scénario du film de Hou Hsiao-Hsien. Histoire d'une famille en 1947 pendant la répression du gouvernement chinois. Chu Tien-Wen. L'Asiathèque, 2015.

À mes frères du village de garnison,

Anthologie de nouvelles pour découvrir les plumes d'auteurs nés à Taïwan. Collectif, Éditions Bleu de Chine, 2001.

Made in Taïwan

Une BD qui existe même en version bilingue. Golo, Éditions le Pigeonnier, 2001.

Garçons de cristal

Sur les homosexuels vendant leur corps dans le Taipei des années 1970. Bai Xianyong, Flammarion, 1995.

La Femme du boucher

Livre au succès controversé sur le viol conjugal. Li Ang, 1983.

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