Une identité plurielle
Selon les études les plus récentes, la majorité de la population revendique une identité taïwanaise, environ 36 % des habitants se disent Sino-Taïwanais et seulement 2 à 4 % se revendiquent exclusivement Chinois. Il n'est pas difficile de faire parler les chiffres, qui n'ont sans doute pas été profondément modifiés depuis. Concernant les premiers, il s'agit souvent de Taïwanais de souche, venus du Fujian ou du Guangdong il y a quelques siècles, quant aux autres, ce sont les émigrés de Chine continentale ou leurs enfants, venus en exil sur l'île avec Tchang Kaï-chek en 1949 pour fuir les communistes. Certains considèrent être Taïwanais et regardent les Chinois comme leurs voisins, tandis que d'autres se définissent comme des Chinois de Taïwan et considèrent les Chinois comme des compatriotes. Entre les « nouveaux arrivants » et les Taïwanais de souche, il existe une certaine rivalité, qui se traduit également sur le plan politique, avec d'un côté le Kouo-Min-Tang qui n'a jamais abandonné ses revendications territoriales sur la Chine continentale et d'un autre le Parti démocrate progressiste (PDP), aujourd'hui au pouvoir et qui d'une manière générale, penche plus vers un maintien du statu quo.
La question de l'identité des Taïwanais est au cœur du débat politique et de l'avenir de l'île. Elle a atteint son point d'orgue en mars 2004, lors des élections présidentielles. Le président sortant Chen Shui-bian – qui fut alors réélu – s'affichait alors comme un fervent défenseur du nationalisme taïwanais. Cependant, ce nationalisme s'accompagne d'un désir d'une majorité des Taïwanais de ne pas totalement rompre les relations (économiques) avec la Chine continentale. Ainsi, si les Taïwanais se sentent aujourd'hui dans leur majorité, attachés à leur île comme à une patrie, cela ne doit pas forcément se traduire par une déclaration d'indépendance aux conséquences incertaines. La présidente Tsai Ing-wen s'efforce de représenter cette diversité d'opinions à travers des déclarations qui illustrent bien la complexité de la question de la souveraineté taïwanaise. Les manifestations à Hong Kong de 2019 contre le projet de loi d'extradition vers la République PoPulaire de Chine ont d'ailleurs renforcé le sentiment pro-taïwanais, surtout pour la jeunesse de l'île, qui, face à la situation hongkongaise, ne veut plus croire au système « un pays, deux systèmes ». Celle-ci, très éduquée et ouverte sur le monde, soutient de plus en plus une identité taïwanaise propre, basée sur la démocratie et la liberté. De nombreux opposants chinois, comme d'anciens protestataires de la place Tian'anmen ou des étudiants de Hong Kong ont d'ailleurs trouvé refuge à Taïwan.
Les langues parlées
La langue officielle est le chinois mandarin comme en Chine continentale, à la différence près que les Taïwanais n'utilisent pas les caractères simplifiés par la Chine populaire, sous l'impulsion de Mao qui souhaitait simplifier l'apprentissage de la langue. Les principaux dialectes de Taïwan sont le minnan, appelé également fukienois ou taïwanais, et le hakka ; ces deux langues sont respectivement parlées par 75 % et 15 % de la population. L'anglais est également parlé dans les grandes villes, même s'il ne faut pas se faire trop d'illusions sur la capacité des Taïwanais à parler une langue occidentale. Même les employés de l'industrie touristique ne parlent que peu anglais, les Chinois et Japonais représentant la grande majorité des touristes visitant l'île. Dans le métro, les stations sont annoncées, dans l'ordre, en chinois, taïwanais, hakka et anglais. La langue chinoise a connu un temps mort à Taïwan ; durant la colonisation japonaise, les autorités occupantes forçaient les insulaires à parler japonais, si bien que lorsque Taïwan fut rétrocédée à la Chine, certains habitants ne connaissaient absolument pas le chinois. Ainsi, lorsque l'on se rend dans l'est du pays, isolé du reste de l'île, il n'est pas rare de rencontrer des personnes âgées parlant japonais.
Mais à peine arrivé sur l'île, le gouvernement nationaliste de Tchang Kaï-chek a mené une politique linguistique autoritaire en imposant l'usage du mandarin, bannissant par la même occasion la langue japonaise. Mais aujourd'hui, de nombreuses initiatives cherchent à remettre au goût du jour les langues taïwanaises et les mouvements politiques aborigènes ont fait de la défense de leur langage une priorité, grâce entre autres à la création de plusieurs médias en langue austronésienne. La communication entre les différentes langues est assurée par une seule et même écriture, le chinois, qui de tout temps a bénéficié d'un grand prestige. Son système morphémo-syllabique selon lequel chaque caractère correspond à un morphème a favorisé le lien entre les différents dialectes. À Taïwan, un certain nombre de systèmes de romanisation sont utilisés : le Wade-Giles reste majoritaire à travers l'île, mais le Hanyu Pinyin en provenance de Chine continentale est également observé dans les rues de Taipei. Une fois que l'on sort de la capitale, un autre système appelé Tongyong Pinyin prend la relève : créé à la fin des années 1990 par le Parti démocrate progressiste (DPP) de l'ex-président Chen Shuibian, ce système était censé faire concurrence au Hanyu Pinyin et incorpore des consonances propres aux langues taïwanaises et aux dialectes aborigènes. Pour rendre les choses encore plus compliquées, d'autres systèmes ont encore cours et les fautes et les mélanges sont monnaie courante ! Un conseil : repérer les différences principales d'une translittération à l'autre (le Hanyu Pinyin contient des x, des q et des zh, alors que le Tongyong Pinyin contient des jh, des iou et des uei) et se référer aux appellations notées dans ce guide, qui essaient d'utiliser les orthographes les plus répandues. Il existe une méthode si un interlocuteur ne parle absolument pas anglais : les applications de traduction sur smartphone. Il suffit de taper la phrase souhaitée dans l'application, de la traduire en caractère chinois et de le montrer à son interlocuteur. Un système D pratique, qui peut s'avérer très utile pour demander son chemin, commander au restaurant, indiquer la route au taxi, demander une chambre dans un hôtel, etc.