Emergence de la peinture
Les arts plastiques mahorais en sont à leur éclosion. L’art figuratif en particulier connaît un développement relativement récent. En raison de l’islamisation de l’île, dont les premières traces remontent au IXe siècle, l’art figuratif n’a pas été encouragé avant le XXe siècle. Notons que des fragments de poteries du XIIe siècle ont été retrouvées à Acoua, sur le site funéraire d'Antsiraka Boira. Les motifs qui les décorent attestent de pratiques étrangères à l’islam. Les fouilles archéologiques se poursuivent pour élucider ce mystère.
De nos jours, les talents se multiplient. Il est possible de les découvrir dans des ateliers-musées ou dans des lieux plus inattendus. L’artiste Maféda a présenté son exposition « le Lagon dans les arbres », une série de peintures à l’acrylique sur bâche, à La Maison des Livres de Mamoudzou, après les avoir accrochées dans les jardins des gouverneurs de Dzaoudzi. Selon elle, la bâche est faite pour le climat de Mayotte. Découvrez les salles du Comité du Tourisme ou encore la bibliothèque de Cavani. De nombreux restaurants se prêtent au jeu, et défendent les créations des Mahorais aussi bien que des artistes de passage. La galerie d’art L’Arabesque à M’Tsapéré de Gil Renaud organise depuis une dizaine d’années le salon des peintres et des sculpteurs de Mayotte. C’est la galerie à visiter pour qui souhaite dénicher un art local de qualité. D’ailleurs, le galeriste est aussi artiste-peintre-illustrateur.
Marcel Séjour
Une exposition de l'artiste le plus connu des Comores a été organisée en septembre 2021 par le Conseil Départemental de Mayotte. Plus généralement, le peintre aime partager sa passion avec les habitants. Il expose aussi bien au centre commercial de Jumbo qu'à la mairie de Mamoudzou.
Marcel Séjour est né en 1948 à Angers. C'est au cours d'un voyage en Australie, en 1980, qu'il se familiarise avec la peinture et le dessin. De retour en France, il s'inscrit au concours d'enseignant d'anglais et obtient un poste à Mayotte. Il n'en a plus bougé pendant plus de trente ans. Son attachement à l'île se ressent dans chacune de ses compositions. Son thème de prédilection ? Les scènes de la vie quotidienne mahoraise. Marcel peint sur commande et pratique tous les formats. Ses grandes toiles en noir et blanc, ponctuées de judicieuses touches colorées, sont saisissantes de réalisme. Sur d'autres, on sent vibrer les tonalités ensoleillées de l'océan Indien. Marcel Séjour peint uniquement des motifs figuratifs : portraits, animaux, scènes de rue et natures mortes, de préférence au fusain et à la peinture à l'huile. Depuis 2021, il est rentré dans sa Vendée de cœur.
Papajan et la vague street art
La diversité est encouragée par les politiques culturelles. A Mayotte comme partout, l’art urbain connaît un essor qui n’échappera pas au voyageur. Les appels à projets rencontrent un franc succès et il ne fait aucun doute que des graffeurs talentueux vont se révéler dans l’espace public. Ces dernières années, l’association Hip Hop Evolution a embelli les escaliers des quartiers de Mamoudzou. Ce projet collaboratif a bénéficié du soutien du Centre national des arts plastiques ainsi que des associations Stéréophonk et Street Art sans frontières. Avant cela, en 2014, l’une des plus emblématiques : la fresque de Jace à la prison de Majicavo. Originaire de la Réunion, Jace se démarque par ses gouzous, ses petits personnages sans visage souvent mis en scène dans des situations tendrement humoristiques.
Figure de proue de l’art des rues mahorais, Papajan s’exprime sur les murs de Cavani et d’ailleurs depuis deux décennies. Né d'un père hollandais et d'une mère zimbabwéenne, Papajan a sept ans quand sa famille s’installe à Mayotte. Très jeune, il aime s’entourer de plasticiens, de poètes et de musiciens. Le graffeur rasta a même créé en 2001 l'association « Utamaduni » pour faciliter l’accès à l'art au plus grand nombre. Sur le terrain de boules proche du stade de Cavani, l’artiste a peint un maki jouant à la pétanque. Pourquoi un maki ? A cette question, il répond que « tout le monde peut se reconnaître dans cet animal, que vous soyez noir, m’zungu ou autre ». Malgré la difficulté de s’approvisionner en bombes de peinture, Papajan n’a pas fini d’égayer les rues. Et de faire école…
Sculpture
Le travail sur bois est ici à la croisée de l’artisanat et de l’art. Les matériaux naturels, habilement sculptés, sont également porteurs de sens. Dans le petit village d'Iloni, au bout d'une ruelle étroite, se cache l'atelier de Conflit, « paradoxalement traditionnel et atypique ». Ce brillant Mahorais, Bacari Mouhamadi de son vrai nom, façonne différentes espèces d'arbres comme les manguiers, bambous cocotiers, badamiers et jacquiers. Sous le nom de Conflit, ce jeune artiste se fait un devoir de transmettre les traditions. Pour réaliser ses figures d’inspiration totémique, il taille et assemble ses matériaux naturels à l’aide d’instruments anciens. Amoureux de son île natale, Conflit insiste sur la nécessité de relayer les valeurs de Mayotte. Comme il aime le souligner, l’île aux parfums est encore une jeune culture. Il ouvre volontiers la porte de son atelier d’Iloni.
Inspiration maritime
Pour mieux comprendre l'histoire de Mayotte, le MUMA - Musée de Mayotte de Petite-Terre offre un excellent tour d'horizon de ses facettes. Par manque de vestiges, la collection évoque abondamment la mer, et un peu moins les échanges culturels. Mais quel artiste ne serait pas inspiré par le lagon ? Les photographes ne s'y trompent pas. L'étendue turquoise et les fonds marins représentent pour eux des sujets inépuisables. Le photographe Thierry Cron a exposé à l'Orangerie du Sénat de Paris des images extraites de son ouvrage Mayotte, l'âme d'une île (2020, Éditions des Autres.) Une immersion totale, à travers des panoramas, des scènes de vie et des personnages locaux. Vie d'artisan est un jeune collectif qui réunit des photographes et des peintres mahorais. Il s'est constitué dans le but de faire connaître les trésors de Mayotte en montrant leurs réalisations. À suivre de près !