Un millénaire avant J.-C
L’archipel, situé entre le continent africain et Madagascar, constituait un point de passage quasi obligé pour les navigateurs empruntant le canal du Mozambique. Ils y trouvaient repos, nourriture et eau douce, à une époque lointaine où les seuls moyens de propulsion n’étaient autres que le vent et l’huile de coude. Cette minuscule zone de l’océan Indien fut très tôt habitée par des tribus nomades, des civilisations grandissantes à la recherche de nouveaux territoires, de nouvelles richesses, à l’image du roi Salomon qui y aurait largué le premier les amarres de ses navires.
VIIIe siècle après J.-C
Les Austronésiens, originaires de l’archipel indonésien, prennent la mer partant de l’Asie du Sud-Est à l’océan Pacifique, mais aussi l’océan Indien, jusqu’à Madagascar et aux Comores. Ils y laissent leur modèle de pirogues, la culture sur brûlis, l’amour du riz, du lait coco et surtout de la banane. Leur métissage avec les Khoisans et Couchites (Afrique de l’Est) et les Bantous (région des Grands Lacs), déjà présents sur place, constitue la fondation du peuple comorien.
Du VIIe siècle au XIe siècle après J.-C
Les Arabes, alors redoutables négociants, composés de la population swahilie, qui signifie « côtes » ou bien encore « rivages », débutent une longue et prospère période d’échanges commerciaux, culturels, donnant lieu à une autre époque de métissage.
Du XIe siècle au XVIe siècle
Islamisation des Comores.
1500-1505
En l’an 1488, le navigateur portugais Bartolomeo Dias découvre le passage au sud de l’Afrique qui ouvre la voie vers l’océan Indien : le cap de « Bonne-Espérance ». Il aurait débarqué aux Comores entre 1500 et 1503. Mais les Portugais ne restent pas, puisqu’en 1505 ils partent déjà. Pas plus que les Français, Hollandais et Anglais, qui explorent la région et ne trouvent en ces îles que des lieux de relâche.
1506
Les princes chiraziens chassés de Perse s’établissent d’abord sur la côte africaine puis, en 1506, une flotte sous l’autorité de Mohamed ben Haïssa débarque aux Comores. Les princes nouent des alliances avec des chefs locaux comoriens et se marient avec leurs filles pour constituer les premiers sultanats. L’aristocratie chirazienne veut avoir le pouvoir et sera aidée par l’arrivée d’autres princes venant de Zanzibar, du Yémen, d’Oman. L’islamisation fait ainsi son apparition aux Comores et, la richesse venant, les premières mosquées sortent de terre tout comme les maisons en dur. La première mosquée des Comores est bâtie en 1566 à Mayotte dans la commune de Tsingoni.
Du XVIe au XVIIIe siècle
Ces années de développement, de changement et de prospérité commerciale ne manquent pas d’attirer d’autres peuplades à l’image des Malgaches de l’ethnie sakalave, conduits par leur chef Diwa Mame, qui s’installent dans la presqu’île de Bouéni à Mayotte. Les conflits entre les nouveaux arrivants (princes chiraziens et malgaches) et les populations anciennes seront longtemps vivaces.
1750
A partir de 1750, les Malgaches changent de ton, de méthode, et pillent, tuent, enlèvent les habitants de l’archipel pour en faire des esclaves destinés aux îles à sucre françaises, que sont alors la Réunion, Maurice et Rodrigues.
1820
En 1820, la France ne possède plus, dans l’océan Indien, que l’île de la Réunion, les Anglais ayant tout raflé dans cette partie du monde. Ses vues se portent alors sur les Comores, stratégiquement situées dans le canal du Mozambique et idéales pour conquérir Madagascar par la suite.
25 août 1841
Mayotte est vendue à la France par le Malgache Andriantsouli, alors en guerre contre le sultan d’Anjouan. Venus de la Réunion pour cultiver le sucre, les colons créoles s’adaptent d’abord assez mal à Mayotte, une terre pauvre, au climat insalubre, et ravagée par les invasions malgaches. L’esclavage est officiellement aboli en avril 1847 à Mayotte, on fait alors appel à des engagés volontaires des îles voisines et des côtes africaines. Le démarrage attendu arrive en 1850, avec l’ouverture de la première usine sucrière. A partir de là, les résidents français s’emparent progressivement du pouvoir politique, imposent la langue française et laissent les colons créoles déposséder entièrement les paysans comoriens de leurs terres.
1886 – 1897
La Grande Comore et Anjouan sont placées sous protectorat français. Mohéli, qui était sous la domination de Mayotte, est mise sous protectorat français en 1892. Les efforts français se tournent de nouveau vers Madagascar qui, malgré une guerre de résistance longue et sanglante, est finalement totalement colonisée en 1896. Les îles des Comores n’ont à partir de ce moment plus aucune importance stratégique et sont rattachées à Madagascar en 1908. Un chef de province est nommé, comme pour toutes les régions de Madagascar. Basé à Dzaoudzi, il commande toutes les Comores et dépend directement du gouverneur général qui se trouve à Tananarive.
1946
Lassées d’être toujours sous la dépendance de Madagascar, un premier sentiment autonomiste s’éveille dans les Comores au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Saïd Mohamed Cheick, qui réussit en 1945 à se faire élire député à l’Assemblée constituante pour représenter « Madagascar et Dépendances », demande d’abord une loi qui abolit le travail forcé, puis se bat ensuite pour que les Comores cessent de dépendre de Madagascar et deviennent un territoire d’outremer autonome, ce qu’il obtint également. Les Comores sont alors directement représentées au Parlement français et, pour la première fois, les décisions sont soumises à l’approbation de conseillers représentatifs des quatre îles.
28 septembre 1958
Conformément à sa politique de décolonisation, la Constitution française offre à toutes les colonies et possessions d’outre-mer la possibilité de se prononcer par référendum sur l’indépendance ou sur trois statuts les maintenant au sein de la République française : Etat membre de la communauté française, territoire d’outre-mer ou département d’outre-mer. Les élus mahorais optent pour la troisième proposition, mais ils doivent s’incliner face à la majorité qui tranche pour le statut de TOM dans la perspective d’une indépendance à moyen ou long terme.
1974
Organisation d’un référendum pour « les populations comoriennes » en vue de l’indépendance. Sur Grande Comore, 0,02 % de la population refuse l’indépendance, 0,02 % à Anjouan, 0,12 % à Mohéli, 67,82 % à Mayotte. Mais Mayotte est à l’époque 10 fois moins peuplée que la Grande Comore, le résultat global (et non île par île) qui se dégage du référendum est donc l’indépendance à 94,56 %.
1975
Est votée une loi française prévoyant la possibilité de constitutions différentes pour chaque île. Les Comores sentant leur intégrité menacée déclarent leur indépendance unilatéralement. Moroni, qui n’entend pas perdre Mayotte, décrète alors un embargo contre l’île rebelle et tente une occupation de Petite-Terre, contrée par les militaires français et les femmes mahoraises. Dès lors, l’histoire des quatre îles de l’archipel se scinde. D’un côté, les Comores indépendantes qui s’enfonceront dans la misère et évolueront de coups d’Etat en assassinats politiques. De l’autre, Mayotte évoluant de lois en lois vers une intégration à la Métropole toujours plus poussée.
1976
Deux votes organisés à Mayotte pour confirmer son choix d’être rattachée à la République puis son statut. L’île est érigée en collectivité territoriale à statut particulier, mais 80 % réclament vouloir devenir DOM. Durant 25 ans, Mayotte va se développer et attendre un nouveau statut jusqu’en 2001, la France repoussant l’échéance à plusieurs reprises. Dans la république des Comores, vingt-cinq années de coups d’Etat et de mercenariat ruinent les trois îles.
1995
Edouard Balladur instaure un visa aux Comoriens pour Mayotte. La libre circulation inter-îles n’existe plus, c’est le début de l’immigration clandestine de masse.
1997 – 1999
Anjouan et Mohéli font sécession et déclarent leur indépendance vis-à-vis de l’Union. Anjouan réclame aussi d’être réintégrée à la France, qui refuse. La guerre civile fait rage, l’armée régulière comorienne est repoussée. Deux ans plus tard, les pourparlers avec l’OUA pour un règlement pacifique aboutissent à une nouvelle constitution dans laquelle la Grande Comore et Mohéli sont intégrés. Anjouan refuse et reste rebelle au pouvoir.
2000
L’OUA décrète un embargo intégral pour punir Anjouan. Des milliers de morts, la guerre, le choléra, des boat people. L’année suivante les pourparlers aboutissent à la création de l’Union des Comores, un Etat fédéral où les trois Etats seront autonomes : Anjouan, Grande Comore et Mohéli. L’embargo sur Anjouan est levé officiellement en janvier. Parallèlement, Mayotte reçoit le statut de collectivité départementale après une nouvelle consultation à laquelle 73 % des électeurs mahorais répondent « oui ».
Mars 2009
Lors du référendum du 29 mars 2009, les Mahorais ont très majoritairement répondu « oui » à la question : « Approuvez-vous la transformation de Mayotte en collectivité unique, appelée département, régie par l’article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et régions ? ». Avec le renouvellement de l’assemblée locale au printemps 2011, Mayotte est officiellement le cinquième DOM et la première région mono-départementale ultramarine. Le statut de DOM met fin au système cadial en place à Mayotte depuis l’arrivée des Chiraziens au XVIe siècle. Le droit écrit, laïc et républicain se substitue au juge musulman. Attendus depuis longtemps par les Mahorais, les avantages sociaux de la Métropole commencent à s’appliquer, mais, dans le même temps, la fiscalité aussi.
Avril 2011
Entrée en vigueur du nouveau statut, Mayotte devient le 101e département français régi par l’article 73 de la Constitution.
27 septembre 2011
Premier jour de la grève illimitée contre la vie chère à Mayotte qui aboutit l’année suivante à l’instauration à un niveau de 25 % du montant de la Métropole et des DOM pour les prestations sociales.
Le 1er janvier 2014
Mayotte devient la neuvième région ultra-périphérique totalement (RUP), avec les quatre autres DOM français (Martinique, Guadeloupe, Guyane et Réunion) et Saint-Martin. Mayotte bénéficie désormais des fonds européens pour le développement régional, la pêche, l’agriculture, l’éducation et la formation, ce qui devrait lui permettre de rattraper son retard de développement, mais l’obtention n’est pas aisée face à la rigueur administrative et aux textes. Pour faciliter les choses, le 15 décembre 2015, la Cour de Justice du Luxembourg (CEJ) reconnaît à Mayotte le droit de déroger aux règlements européens sur un certain nombre de sujets… jusqu’en 2031.
Avril 2016
Mouvement de grève générale pour réclamer l’égalité réelle avec la Métropole. Il débute le 30 mars. Dans la nuit du 11 au 12 avril, des violences urbaines éclatent.
Février-mars 2018
Six semaines de grève contre l’insécurité paralysent le département suite à plusieurs épisodes de violence dans les établissements scolaires. Les Mahorais expriment leur sentiment d’être abandonnés par l’Etat, submergés par l’immigration clandestine (40 % de la population mahoraise est étrangère) et réclament plus de budget pour la culture, le sport, les routes, les habitations, l’assainissement de l’eau ou encore les établissements scolaires.
Le 1er août 2018
L’Assemblée nationale adopte la loi dite « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie », qui comprend une mesure sur la limitation du droit du sol à Mayotte. Le texte stipule : « Seuls les enfants dont au moins un des deux parents séjournait de manière régulière sur l’île depuis plus de trois mois avant la naissance pourront dorénavant demander la nationalité française ». A peine 5 jours plus tard, un recours contre cette nouvelle loi est déposé devant le Conseil Constitutionnel. En septembre, le Conseil Constitutionnel se prononce toutefois en faveur de la loi, qui est promulguée le 10 septembre 2018.
2020
La secrétaire d’Etat Christelle Dubos annonce que Mayotte bénéficiera d’une aide de 1,9 million d’euros dans le cadre du Plan Pauvreté 2020, complétée par une enveloppe de 1,5 million d’euros, pour soutenir les habitants de l’île qui vivent pour plus de 70 % en dessous du seuil de pauvreté. Une partie des fonds sera consacrée à la formation et à l’accès à l’emploi.
Mars 2020
Le premier cas de coronavirus est détecté le 14 mars 2020. L’île applique ensuite les mêmes règles de confinement qu’en Métropole, craignant l’impact de l’épidémie sur ce territoire dont le système médical manque cruellement de moyens. En parallèle une épidémie de dengue fait rage et cause plusieurs décès. Le confinement sera alors prolongé et les liaisons aériennes interrompues pendant plusieurs mois, permettant de contenir les contaminations.
2021
Suite à une nouvelle vague épidémique, Mayotte reconfine en février 2021. La crise sanitaire ravive les tensions sociales : l’économie informelle est mise à mal par les confinements, renforçant l’appauvrissement d’une population déjà très précaire. A la veille du bac, de nouvelles agressions sur des bus scolaires entraînent des grèves.
2023-2024
Demandée par une partie de la population mahoraise, l'opération « Place nette », baptisée « Wuambushu », de démolition de certains bidonvilles s'est déroulée en deux temps, en 2023 et en 2024. Avec l'arrivée de nombreux renforts de police sur l'île, des bangas ont été démolis et leurs propriétaires, en fonction de leur titre de séjour, expulsés. Néanmoins, le succès de l'opération décidée par le Ministère de l'Intérieur est à relativiser, à cause des fermetures des frontières aux Comores. Il en résulte un bilan contrasté, avec une reprise en main de certains espaces, mais un problème bien loin d'être résolu entièrement.
2024
Retour du choléra. Les catégories les plus précaires de l'île, dépendantes des réseaux d'eau naturels, subissent les conséquences des coupures régulières liées à l'incapacité de répondre à la demande d'une population chaque année de plus en plus nombreuse. Malgré la présence d'un vaccin efficace, les victimes, atteintes de diarrhées chroniques, ne sont pas prises en charge à temps, et en juin 2024, plus d'une centaine d'individus furent atteints, et deux morts furent à déplorer. Les gestes les plus simples, comme le lavage des mains, ne sont pas possibles, dans un territoire où un tiers des habitants n'a pas d'accès sécurisé à une source d'eau potable.