Un trésor prisé
Star des plages de Saint-Tropez et de la Côte d’Azur, élixir d’été pour la peau et les cheveux, le Monoï de Tahiti a acquis en France métropolitaine le statut de produit culte. Il évoque des parfums de sable chaud, éveille des sensations voluptueuses et sensuelles, des envies merveilleuses d’ailleurs et de paradis. Un peu comme si là, en France, de l’autre côté du monde, il pouvait livrer quelque chose de sa tradition millénaire, garder encore la force de la culture maohi dont il est issu. Car à Tahiti et dans ses îles, le monoï recouvre une réalité bien plus vaste et plus extraordinaire…
Malheureusement, si un certain nombre de marques occidentales utilisent la mention « monoï » à des fins marketing et commerciales pour des produits dérivés de qualité parfois douteuse – autobronzants en tête –, le véritable Monoï de Tahiti ne se trouve que rarement dans les rayons de nos supermarchés métropolitains. Profitez donc de votre voyage pour faire le plein !
Un produit 100 % Fenua
Un décret d’Appellation d’Origine de 1992 définit très précisément le mode de fabrication de cet élixir tant apprécié. « Le Monoï de Tahiti est le produit obtenu par la macération de fleurs de tiaré dans l’huile de coprah raffinée, extraite de noix de coco récoltées dans l’aire géographique de Polynésie française au stade de noix mûres, sur des sols d’origine corallienne. Ces noix doivent provenir du cocotier Cocos nucifera et les fleurs de tiaré de l’espèce végétale Gardenia taitensis (Flore de Candolle) d’origine polynésienne, récoltées au stade de bouton… ».
Le cocotier des sols coralliens de Polynésie produit en effet une huile raffinée (de première pression) dont les laboratoires cosmétiques apprécient tout particulièrement le soyeux et la légèreté du toucher.
La fleur de tiaré quant à elle, est une fleur endémique de Polynésie française. Elle est même devenue son emblème. Symbole de pureté et de beauté, c’est elle que l’on porte avec grâce sur l’oreille – à droite si le cœur est libre, à gauche sinon –, c’est elle qui accueille les nouveaux arrivants et célèbre leur bienvenue. Mais au-delà de ses charmes, la fleur de tiaré est aussi l’une des plantes les plus importantes du ra’au Tahiti : la pharmacopée traditionnelle de Tahiti et ses îles. Les fleurs sont en effet abondamment citées dans les préparations les plus diverses allant du traitement de certains eczémas aux maux de tête en passant par les piqûres d’insecte.
Une recette ancestrale
Dans la préparation du Monoï de Tahiti AO (appellation d'origine), la fleur est utilisée fraîche, cueillie le matin au stade de bouton, et mise en macération dans les 24h qui suivent sa cueillette. La macération dans l’huile raffinée de coprah – la chair de la noix de coco – dure au moins 10 jours et permet d’extraire les vertus de la fleur. L’huile est ensuite soigneusement filtrée.
Sur le marché de Papeete et chez les artisans on peut également trouver une autre qualité de monoï, le mono’i traditionnel (prononcer « mono-i ») qui correspond à une méthode de fabrication plus ancienne : la chair fraîche râpée de noix de coco est mise à cuire au soleil, à l’abri d’une feuille ou d’un paréo ; préparation à laquelle on mélange ensuite des fleurs fraîches ou sèches de tiaré. L’addition parfois observée de bernard-l’hermite ou de tête de chevrette pilés permet d’accélérer le processus de séparation de l’huile qui vient à surnager au bout de plusieurs jours, et qui donne le mono’i traditionnel, le fameux mono’i des Mama.
Des bienfaits incontestés
L'utilisation du Monoï de Tahiti en produit solaire n'est autre qu'un détournement occidental. En maohi, le mot mono'i peut être traduit par « huile parfumée » ou « huile sacrée » (en français le mot orthographié monoï, est l'un des rares mots tahitiens à être entré dans le dictionnaire de la langue française). L'étymologie révèle en effet plus clairement l'utilisation traditionnelle du produit. Dans les îles, le mono'i accompagne chaque moment de la vie des Polynésiens, et ce depuis plus de 2 000 ans.
Dès la naissance, la maman prodigue à son enfant un massage à l'huile de monoï. Il s'agit à la fois de stimuler le bon développement psychomoteur de l'enfant et de conditionner sa peau, de la nourrir, de la protéger. Le monoï est ensuite utilisé de façon quotidienne par les Tahitiens comme une véritable seconde peau naturelle dont les fonctions peuvent être modulées par différentes plantes : il protège du froid de la rivière ; chargé de miri, il protège aussi des mauvais esprits ; aux Marquises, le humuei, un monoï accommodé de plantes parfumées, sert même à attirer l'être aimé ! Le monoï est également apprécié pour nourrir les cheveux longs et épais que les rigueurs du climat et des éléments rendent secs et difficiles à coiffer.
Huile naturelle de soin et de beauté, le monoï conjugue ainsi au quotidien la symbiose de l'homme et de la nature – une notion au cœur de la cosmogonie polynésienne. Bien plus qu'un simple soin de la peau pour qui veut bien y lire la nature multidimensionnelle, le monoï dit toute la richesse d'un sens de l'harmonie et de l'équilibre. Cet aspect n'est nulle part mieux révélé que dans la tradition du Taurumi Ma'ohi, le massage ancestral. Il peut être pratiqué très simplement dans le cadre familial, le soir, à l'ombre apaisante d'un arbre, dans un lieu à la fois paisible et ouvert, ou de façon plus formelle par un tahu'a, un spécialiste.
Toute une culture
Soin de la peau, soin du corps et de l’âme, le monoï est évidemment un soin sacré, une huile d’onction que l’on retrouve dans de nombreux rituels ou cérémonies. Pas de mariage ou de couronnement royal sans monoï et fleurs de Tiaré.
Des rituels sacrés de Polynésie à la petite bouteille tropézienne, le Monoï de Tahiti, comme le tatouage, dit toute la force et la modernité d’une culture mythique. Une culture qui, bien avant que l’Occident ne redécouvre les vertus de l’équilibre du corps et de l’âme, a su produire un sens devenu naturel et spontané du bien-être, de la grâce et de la beauté. Aujourd’hui, le Monoï de Tahiti est devenu un ambassadeur de la Polynésie dans le monde ; les plus grandes marques de beauté et de bien-être s’en inspirent pour formuler des soins capables de distiller la magie du Pacifique et de faire découvrir tout l’esprit d’un certain art de vivre.